Chapitre 15 _ Sentiments refoulés

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Shura, perdu dans ses papiers depuis que la nuit était tombée, ne prit conscience du levé du jour que très tardivement. Il s'étira un moment, un peu confus de ne pas s'être rendu compte plus tôt qu'il avait passé la nuit entière à travailler. Peut-être prenait-il son rôle de directeur trop au sérieux ? Mais au moins, à présent, il n'avait plus rien à faire...

Néanmoins, le Chevalier ne se sentait pas libre pour autant. Ses pensées l'emprisonnaient. Il n'avait de cesse de songer à Ofelia. Il ne savait pas s'il allait la revoir un jour, et cela l'affaiblissait heure après heure... Ce silence... Cette absence non expliquée, non justifiée... Ne pas savoir était ce qui le rongeait le plus.

Mais il ne devait pas se relâcher pour autant. Il ne devait pas laisser cette faiblesse s'emparer de lui. Il était le Chevalier d'Or du Capricorne. Il n'avait pas le droit de faiblir. Convaincu, il quitta son temple, et s'isola dans les hauteurs des montagnes, loin du Sanctuaire. Il s'y entraîna s'en relâche, pendant plusieurs heures, alternant les enchaînements intensifs avec des méditations reposantes. Personne n'osa le déranger. Et c'était tant mieux.

Lorsque le soleil fut haut, Shura, étendu au sol, épuisé, pensa qu'il ferait mieux de rentrer. Il fit halte aux bains communs, laissant l'eau chaude l'apaiser pendant un long moment, avant de se résigner à rejoindre son temple. Un Chevalier d'Argent l'arrêta cependant alors qu'il s'y dirigeait.

- Je dois vous prévenir... déclara-t-il au Capricorne. Il y a quelqu'un qui cherche à vous voir.

- De qui s'agit-il ?

- Une personne absente depuis longtemps.

- Tiens donc... soupira Shura.

On lui indiqua que cette fameuse personne avait été aperçue au port la dernière fois, et on supposa naturellement qu'elle s'y trouvait encore. Cela n'enchantait guère le Chevalier, mais il s'y rendit quand même, malgré la fatigue qui commençait à le gagner. Il fut étonné de constater qu'il y avait beaucoup d'animation, au port... Beaucoup d'étudiants de la Palestre, qui passaient leur vacance ici, s'étaient rassemblés.

- Quelle est cette agitation ? demanda-t-il d'une voix forte pour être entendu de tous.

Plus personne n'osa parler, surtout en présence du directeur de la Palestre. Ceux qui étaient devant lui s'écartèrent, et Shura pu se rendre compte de l'origine de tout ceci. Sage et Kévin étaient rentrés.

- C'est vous, constata-t-il en soupirant légèrement.

Aurait-il espéré mieux ? S'attendait-il à quelqu'un d'autre ? Très certainement...

- Qu'est-ce qui vous a prit autant de temps ? demanda le Capricorne d'une voix très sévère. Pourquoi ne pas avoir respecté la moindre procédure ?

Les deux concernés échangèrent un regard qui trahissait leur culpabilité. Kévin, fulminant de rage, préféra se mettre en retrait, reculant d'un pas. Mieux valait ne pas prendre le risque d'avoir du répondant face à un homme aussi impliqué que Shura... Le seul qui pouvait se permettre cet exploit était Sage.

- Nous pouvons tout t'expliquer... s'avança ce dernier en osant tenir le regard de son père. C'est de ma faute.

- Bien sûr. Lorsque vous êtes tous les deux, ce n'est jamais de la faute de Kévin. Mais nous en discuterons plus tard. Je vois bien que vous venez à peine d'arriver. Mais priez la Déesse pour que le Chef des Diacres soit clément envers vous deux.

Kévin leva les yeux au ciel à cette dernière remarque, mais il ne répondit rien. Sage lui-même préféra se taire.

- Rejoignez-moi dans mon temple dans une heure, ordonna le Capricorne d'une voix stricte. Aucun retard ne sera toléré.

Il tourna les talons sans rien ajouter de plus. Mais, au moment où il faisait cela, il se retrouva nez à nez avec Ofelia qui, tout comme lui, se figea de stupeur. Ils restèrent ainsi, et cela sembla leur durer des heures. Mais le cri de Sophia, qui hurlait le nom de son fils, les tira de leur torpeur, au moment même où la française courait dans les bras de son garçon.

- Kévin !!! pleura-t-elle en le serrant le plus fort possible. Tu m'as tellement manqué !!

- M... Maman !! protesta-t-il en essayant de se dégager de son étreinte.

- Ne me refais plus jamais, jamais, JAMAIS une peur pareille !!!

Ofelia surveilla cette scène du coin de l'œil, attendrie par le comportement de son amie. Néanmoins, le plus gros de sa concentration restait focalisée sur Shura. Il n'avait presque pas changé... Il était toujours le même. Et son cœur battait à une vitesse extrême... Parce qu'elle avait peur. Et parce qu'elle l'aimait toujours.

Néanmoins, ni elle ni Shura ne parvinrent à prononcer le moindre mot. Ils se regardaient simplement. La surprise du Chevalier laissa bientôt place à une tristesse qui semblait lacérer son âme tant son regard en était voilé. Sans une parole, il se décala, libérant le passage entre l'espagnole et leur fils. Sage, qui n'avait pas vu sa mère à cause de la présence du Capricorne, fut extrêmement surpris de la voir.

- Mais... Ce n'est... bredouilla-t-il.

Ofelia lui sourit, et s'avança vers lui. Elle le regarda ainsi de plus près, caressant sa longue chevelure, touchant son visage, observant ses yeux profonds.

- Tu as grandi, déclara-t-elle simplement.

Puis, elle émit un léger rire, avant d'ajouter :

- Et tu ressembles tellement à Saga... ! C'en est presque troublant.

- Je...

- Oh, on doit te le dire souvent... Excuse-moi.

- Mais...

Le jeune homme ne trouva pas ses mots. Il prit doucement les mains de sa mère, les retirant lentement de son visage, sans parvenir à détacher son regard du sien.

- Tu es revenue ? demanda-t-il enfin.

- Oui, sourit-elle. Et pour de bon cette fois. Je ne te quitterais plus.

L'émotion fut grande. Sage enlaça sa mère, d'une étreinte douce, sans vraiment réaliser qu'elle était là, et qu'elle allait rester. Puis, petit à petit, à force de se répéter la chose, il se mit à verser des larmes tant il était heureux.

Shura, qui n'avait rien perdu de la scène, soupira légèrement, attendri. Il fit volte face, et déclara à ses deux étudiants que leur rapport était décalé au lendemain, mais qu'ils devraient se présenter sans faute aux premières lueurs du jour.

Sophia le regarda partir, un peu étonnée, avant de tirer son fils avec elle jusqu'à Ofelia, et de déclarer :

- Nous serons plus à l'aise chez moi ! Enfin, dans le temple du Lion... Vous m'avez comprise ! Nous avons énormément de chose à nous dire.

- Qu'est-ce que tu as derrière la tête ? demanda Ofelia en reculant légèrement.

- Oh, rien de spécial... Mais je dois absolument te présenter quelqu'un ! Nous allons passer une agréable soirée tous ensemble.

- C'est une bonne idée, approuva l'espagnole. Mais... Je n'ai pas encore les autres Chevaliers d'Or...

- Ils attendront demain ! La famille, c'est plus important.

Ofelia ne put s'empêcher de rire. Connaissant certains des Chevaliers d'Or, elle ne serait pas surprise de les voir débouler dans le temple du Lion pour la revoir après tout ce temps. Cela promettait d'être amusant, si elle avait raison.

- Qu'est-ce que tu en penses, Sage ? demanda-t-elle à son fils.

Le jeune homme se contenta d'un hochement de tête. Il aurait préféré rester seul avec sa mère, pour discuter calmement des choses, mais si elle ressentait le besoin de passer du temps avec Sophia et sa famille, alors il s'y plierait. De toute manière, ils n'allaient pas y passer la nuit, ils auraient bien un moment pour se parler.

Les Héritiers des Dieux _ Tome 3 _ Le retour des Forces du MalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant