Les Héritiers des Dieux _ Tome 3 _ Le retour des Forces du Mal

Chapitre 7 _ Le Chef des Diacres

Blaine grimaça lorsqu'il apprit que Sophia était de retour au Sanctuaire. Décidément, les « élues des dieux » continuaient d'affluer, encore et encore... Heureusement pour lui, l'une d'elle était partie, peut être même qu'elle avait été enlevé, il n'en n'avait cure. Tout ce qu'il voulait, c'était se débarrasser d'elles une bonne fois pour toute, jugeant qu'elles étaient une menace pour le Sanctuaire de la Déesse Athéna.

Dissimulant sa fureur, Blaine congédia celui qui lui avait annoncé l'arrivée de la française, et se mit à réfléchir. Assurément, Sophia faisait preuve d'utilité au sein du Sanctuaire, enseignant aux plus jeunes les plus belles valeurs de la Déesse de la Guerre, pour les préparer à un avenir certain... Il pouvait encore la garder un peu, mais après ?

Elle était une élue. Et si elle ne l'était pas, elle restait dangereuse. Une distraction de trop pour le Chevalier du Lion. Un homme de la prestance d'Aiolia ne devrait pas perdre son temps avec une femme comme Sophia, aux origines si obscures... Et pourtant, ils avaient eu ensemble deux enfants... Une chance pour lui, ils n'étaient pas fiancés, et donc loin de former un couple reconnu. Il pourrait aisément se séparer des services de Sophia en toute discrétion...

Et leurs enfants... Que faire de leurs enfants ? Blaine savait déjà que l'aîné, celui qui était devenu Chevalier de Bronze, n'avait décidément pas sa place au Sanctuaire. Jamais il n'aurait dû recevoir une noble Armure Sacrée, et pourtant ! Mais Blaine savait parfaitement ce qu'il devait faire, persuadé que si le Grand Pope était encore de ce monde, il aurait fait la même chose que lui. Car un adolescent comme lui, atteint d'une si dangereuse malédiction, ne pouvait pas demeurer au Sanctuaire, et encore moins avoir le privilège de porter une Armure.

Et que dire de leur petite dernière, Delthea ? Une enfant trop discrète, trop effacée, sans la moindre volonté combative. De ce qu'il avait pu observer, jamais elle n'avait fait ses preuves en tant qu'apprentie Chevalier... De nombreux enfants, à son âge, héritaient déjà d'une Armure de Bronze ! Mais elle ? Pas la moindre émanation de Cosmos... Oh, lui était incapable de le ressentir, mais il avait apprit à le voir. Et jamais il n'avait vu de manifestation de Cosmos en Delthea. Assurément, elle n'était pas aussi dangereuse que sa mère ou son frère... Mieux valait faire d'elle une simple suivante, afin qu'il puisse toujours conserver un œil sur elle.

D'un pas lent, Blaine se dirigea vers le buffet qu'on avait dressé pour lui. Même s'il était certain de ne pas avoir le temps de tout goûter dans l'immédiat, à cause de la réunion qui commencerait sous peu, il n'en restait pas moins satisfait de voir que ses moindres désirs étaient comblés. C'était l'avantage, lorsque l'on remplissait un rôle important au sein du Sanctuaire...

Alors qu'il piquait dans un petit morceau de saumon, Blaine se mit à penser à l'avenir. Si tout se passait selon ses plans, alors Sophia disparaîtrait à son tour... Il n'y aura plus d'élue au Sanctuaire, plus la moindre trace de dieux impurs ennemis de la grande Déesse Athéna. Tout ce qui restera de ces deux femmes reposera sur leurs descendances ; Sage seul deviendra Chevalier, ainsi il en avait décidé. Kévin, lui, quittera le Sanctuaire, d'une manière ou d'une autre. Et Delthea servira l'Ordre en tant que servante. Voilà l'avenir qu'il avait décidé. Ensuite, il s'attèlerait à respecter les dernières volontés du Grand Pope, afin de désigner le successeur, celui qui héritera de ce titre prestigieux... Et enfin, seulement, il pourra s'incliner avec fierté devant la Déesse Athéna, pleinement satisfait d'avoir accompli son rôle, et d'avoir sauvé le Sanctuaire.

- Maudites soient les élues... pesta-t-il en reposant son pique. Dire que nous les avions perçues comme des héroïnes, comme des femmes capables de sauver la Déesse... Que de fables... Ofelia est l'élue de l'Empereur des Mers... Et Sophia... Par l'Enfer, nous ne savons même pas qui est Sophia !

Une servante entra. Blaine se tut, et la regarda faire, tandis qu'elle déposait davantage de mets luxueux sur le buffet. Silencieuse, docile... Blaine continua de la regarder faire. Il la regarda même beaucoup trop, persuadé que malgré sa religion, il avait le droit à tous les plaisirs, puisque, encore une fois, c'était lui qui sauverait le Sanctuaire.

- Toi, l'interpella-t-il d'une voix distraite. Apporte-moi le pichet que tu tiens.

La servante acquiesça, et s'avança vers lui, tendant le plateau d'argent d'un geste assuré. Le Chef des Diacres la considéra longuement, avant de prendre le petit pichet, et le verre qui était à côté. Digne, il se servit, dans un silence pesant. Il but une gorgée de ce nectar si raffiné, avant de se souvenir de la réunion qui était sur le point de commencer. Alors il reposa le verre, et congédia la suivante d'un geste avant de lui dire :

- Tu passeras dans mes quartiers quand le soir tombera. J'ai quelques projets pour toi.

C'était là tout le problème de ce Chef des Diacres, qui dirigeait le Sanctuaire en l'absence de toute autorité ; il était persuadé d'agir pour le mieux, persuadé d'obéir aux principes de la Déesse Athéna, persuadé qu'il la servait avec plus de justesse que n'importe qui d'autres. Et tous ces prestiges lui montèrent bien vite à la tête, et il était maintenant convaincu que tout pouvait lui être dû, et qu'il pouvait obtenir ce qu'il voulait d'un simple claquement de doigt. Et comme on le craignait autant qu'on le respectait, alors il était obéit, même de ceux qui ne le désiraient pas. Une forme de tyrannie s'était instaurée entre lui et tous ceux qui servaient l'Ordre ; même les Chevaliers le servaient fidèlement, par respect envers la hiérarchie, sans voir toute l'orgueil qui avait gonflé son cœur. Lui-même ne se rendait pas compte du tyran qu'il était devenu, et il ne voyait pas non plus dans quelle sombre période il était en train de plonger le Sanctuaire petit à petit.