Les Héritiers des Dieux _ Tome 3 _ Le retour des Forces du Mal

Chapitre 3 _ Départ en mer

Seul dans son dortoir, Kévin contemplait son reflet à travers le miroir accroché près de la porte, l'air songeur. Par moment, lorsqu'il se regardait de la sorte, il n'avait pas du tout l'impression de se reconnaître. Ses yeux, autrefois de la même couleur que ceux de sa mère, avaient progressivement viré en un gris si clair que l'on disait de son regard qu'il était fait de glace. Ses cheveux, en revanche, n'avaient guère changé, et se dressaient naturellement sur le dessus de sa tête, tout ébouriffés.

Mais le pire demeurait son Cosmos. Autrefois, il était capable d'étincelle, et il était même persuadé avoir eu des prédispositions pour la télékinésie. Mais aujourd'hui, son Cosmos n'était plus que glace et froideur, il était incapable de générer autre chose. Il ne se dégageait plus la moindre chaleur de lui, et souvent, cela le plongeait dans une rage incontrôlable. Il haïssait ce qu'il était devenu. Il haïssait les conséquences de la Malédiction du Dieu de la Discorde.

Et son père... Qu'avait-il fait, pour lui, à ce moment là ? Rien du tout. Non, bien sûr, il était trop occupé à prendre soin de sa petite sœur, toute fragile et toute minuscule... Lui, il était grand, il pouvait se débrouiller !

- Quel Enfer... marmonna-t-il en attrapant ses affaires.

C'était aujourd'hui qu'il partait avec Sage pour accomplir leur mission quotidienne. C'était ainsi que la Palestre fonctionnait ; les élèves devaient être présents au cours, suivre l'enseignement d'un maître en complément, mais aussi effectuer des tâches au nom de la sainte Déesse Athéna... Et tout ça commençait aussi à l'agacer. Pourquoi ? Parce qu'il se retrouvait avec un maître dont il n'avait pas voulu, et que l'enseignement ne s'en trouvait que plus fade.

Toute son enfance, il avait adulé son père. Il l'avait considéré comme un véritable héros, et avait toujours rêvé de lui être digne, de lui succéder... Aujourd'hui, il savait que ce rêve d'enfant était impossible ; son Cosmos ne pouvait réagir avec l'Armure d'Or du Lion. De plus, il était l'élève du Chevalier d'Or du Verseau, et par conséquent, si son apprentissage arrivait à terme, et qu'il arrivait malheur à son maître, ce serait lui qui serait probablement choisi pour hériter de l'Armure d'Or. Mais ce n'était pas ce qu'il voulait.

On frappa à la porte. Kévin se redressa, et répondit d'une voix forte. Ce fut Sage qui entra, à moitié seulement, dans sa chambre, l'air serein. Visiblement, il était prêt au départ, et n'attendait plus que son coéquipier...

- Le bateau quitte le port dans dix minutes, lui informa-t-il de sa voix calme.

- Ouais, ouais... Je suis prêt...

En même temps qu'il disait cela, Kévin enfila un long manteau sombre par-dessus ses vêtements, et mit un chapeau noir à large bord, autour duquel il avait préalablement enroulé une lanière de cuir bouclé du symbole du Sceptre d'Or de la Déesse Athéna, et sous laquelle il avait passé une longue plume blanche. Enfin, il prit sa malle, laquelle contenait la boîte de son Armure Sacrée, et la passa sur ses épaules à la manière d'un sac à dos.

- Tu vois ? J'étais prêt.

Sage se contenta d'acquiescer, et laissa son ami sortir de la chambre. Après avoir verrouillé la porte, les deux jeunes Chevaliers quittèrent le bâtiment, et rejoignirent le port, juste à temps. Cependant, Kévin s'étonna de la présence de sa mère sur les lieux.

- Maman ? l'interpella-t-il en s'avançant vers elle. Mais... Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je n'ai pas le droit de dire au revoir à mon fils, maintenant ? De mieux en mieux !

- Ce n'est pas ce que je voulais dire.

- Je sais.

Sophia prit un instant pour observer son fils d'un regard aiguisé, s'assurant qu'il ne s'était pas mal vêtu. Constatant qu'il était parfait, elle ne put retenir un sourire et inspira profondément.

- J'ignore combien de temps ta mission va durer, expliqua-t-elle. Ton professeur, Dante du Cerbère, m'a informé de la gravité de la situation. Sans doute votre tâche s'éternisera-t-elle jusqu'aux vacances... Alors je suis venue te souhaiter bon courage.

- Merci... marmonna Kévin avec un sourire très léger.

Sophia se tourna un moment vers Sage, le détaillant lui aussi, avant de déclarer :

- Si vous revenez pendant cette période, pensez à rentrer au Sanctuaire. Parce que c'est là bas que je me repose.

- Oui, on sait... soupira Kévin.

- Et tout le monde sera content de vous revoir. Allez, je ne vous retiens pas plus longtemps.

La française salua les deux jeunes Chevaliers, et s'écarta, de sorte à les laisser passer. Sage lui accorda un signe de salut respectueux, avant d'emboîter le pas de son ami, et de grimper la passerelle. Sur le pont, Sage se surprit à contempler la mer d'un air songeur, suivant silencieusement le mouvement apaisant des vagues.

- Ohé, tu m'écoutes ? s'impatienta son ami.

- Non.

- Ton honnêteté est décidément trop touchante... pesta Kévin en croisant les bras. A quoi penses-tu ?

- A rien ni personne, trancha Sage en le contournant.

- Ah bah, d'accord...

Kévin suivit son ami des yeux, dardant sur lui un regard presque mauvais. Parfois, il aimerait comprendre pourquoi il restait planté devant la mer, à la regarder avec cet air là... Mais à chaque fois qu'il le questionnait, il se faisait envoyer bouler, comme à l'instant.

- Bah, tant pis... murmura Kévin avec un sourire narquois. Je le saurais tôt ou tard, de toute façon.

Sage, qui avait l'ouïe fine, adressa à son camarade un regard lourd de reproche silencieux, avant qu'il ne disparaisse, prenant la direction des cabines. Kévin ne fit qu'en rire, et se tourna un instant vers le port. Sa mère était encore là...

- Pourquoi s'inquiète-t-elle autant... marmonna-t-il en plissant légèrement les yeux. C'est étrange...

Sans doute cela avait-il un rapport avec les récents avertissements qu'il avait reçu... Mais ces menaces avaient-elles une réelle importance ? Il était le fils aîné d'un Chevalier d'Or ; il ne pouvait rien lui arriver !