Chapitre 3 - 🎶 Nouveaux invités

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RAINA

De retour chez moi, je laisse Oro et Raimana rejoindre la cuisine dans laquelle ils posent la récompense des MTV Awards sur le comptoir, tandis que je monte à la mezzanine. L’appartement que je loue dans LIC (Long Island City), un quartier du district du Queens, fait partie d’un immeuble sur la Queens Plazza S, face au Ed Koch Queensboro bridge, pont emblématique reliant Manhattan et Queens.
J’ôte ma robe avec plaisir et l’échange par une tenue décontractée afin d’être prête pour accueillir Cya. Ce n’est pas le grand luxe, mais mon immeuble dispose d’un parking souterrain bienvenu pour mes « incrusteurs » de dernière minute. Des incrusteurs célèbres.
J’apprécie les voir s’inviter eux-mêmes à la maison. Je ne me suis jamais scandalisée de leur tapage d’incruste chez moi. Au contraire, j’en ris, parce que d’une : ils sont les bienvenus, toujours, et de deux : parce que ça ne manque jamais de me faire rire de les voir fuir leur luxueuse maison pour se retrouver chez moi dans les quartiers pas si pauvres que ça, mais normaux, peut-on dire.   
Ils adorent se retrouver tous chez moi. C’est plutôt flatteur si on y pense avec beaucoup plus d’attention, car je sais au moins qu’ils sont vrais et fidèles en amitié en se foutant du rang social de la personne qu’ils apprécient, tout comme moi. Tout le monde a cette idée préconçue des célébrités qui ne se voient qu’entre elles et ne nouant jamais de lien avec des personnes dite lambda ou du bas peuple.
Je suis connue parce que je suis apparue dans quelques clips et ai figuré dans un film de danse, mais c’est ridicule comparé à mes amis des beaux quartiers. Je passe même inaperçue dans les rues, ce qui me convient parfaitement, moi qui déteste tant de ne plus être « normale ». Continuer à être Madame tout le monde, en somme, est une bénédiction.
Seuls les amateurs de danse me reconnaissent et ils sont bien les seuls avec qui j’adore échanger. Car nous partageons les mêmes valeurs en étant animés du même feu qui nous fait vibrer, à la première percussion d’un instrument, comme personne. Nous nous comprenons.
Ce que j’apprécie dans le fait de ne pas être au sommet de la célébrité est de pouvoir continuer ma vie normalement. Ça n’a pas de prix. Comme faire mon footing sans être suivie, par exemple. Enfin, pas par des fans ou paparazzis du moins pour ce dernier, parce qu’il y a bien une bande d’hommes qui tentent désespérément de me rattraper pour me draguer et m’en mettre plein la vue lors de mes séances de footing. Enfin, j’apprécie également de pouvoir faire mes courses moi-même et en toute tranquillité. Un bonheur.

J’enfile une paire de chaussettes de danse que je coince sur le bas de mon jogging lorsque l’interphone sonne. Déjà ? pensé-je. Quelques minutes plus tard, des éclats de voix joyeux se font entendre. Je descends et suis stupéfaite de découvrir Savannah et Joshua. Mon cœur rate un battement, tandis que ma respiration se coupe d’appréhension à l’idée de voir surgir Monsieur Williams chez moi.
Toutefois, ce dernier ne se montre pas en ne faisant pas irruption derrière ses amis et je suis étonnée de me sentir déçue par son absence. Mais, merde à la fin ! Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ? Je ne veux pas le voir ici, je me serais sentie mal à l’aise parce que je n’aime pas ce que mon corps ressent lorsqu’il est question de lui.
Je ne suis pas à l’aise avec ça, cette sensation bizarre qui se répand en moi. Pourtant, pourquoi suis-je autant déçue qu’il ne soit pas là ? Sa phrase glissée tout à l’heure au creux de mon oreille m’a plutôt dérangée. Je n’ai même pas réagi. Gardant la bouche close, je l’ai observé s’écarter de moi en posant ce regard envoûteur qui semblait voir jusqu’au plus profond de mon être.

Pleine de contradictions, je finis de descendre les quelques marches et me rends à la cuisine sous leur regard. Oro et Raimana les ont invités à s’installer confortablement sur le canapé d’angle. J’ouvre le frigidaire et en sors une petite bouteille d’eau fraîche que je bois d’un seul coup, la main toujours tremblante. Il faut que je me ressaisisse immédiatement. À l’évidence, Monsieur Williams n’est pas dans les parages.
Oro me rejoint.

— J’ai oublié de t’avertir que je les avais invités à venir boire un verre. Ça te gêne ?
— Pas du tout. Tu sais bien que, comme toi, j’aime recevoir. Ma porte est toujours ouverte à qui bon sent l’envie de nous rendre visite. 
— Je sais bien, mais j’ai cru noter un malaise entre Cameron et toi.
— Cameron ?! Ainsi, tu le nommes par son prénom, dis-je d’un ton plus froid que je ne l’aurais espéré sans pouvoir m’en empêcher ni comprendre pourquoi.
— Euh, oui, m’affirme-t-il soudain hésitant face à mon comportement ressemblant à du grand n’importe quoi. Nous avons sympathisé en même temps qu’avec Savannah et Joshua, plus tôt.

Il pose sur moi un drôle de regard en pensant sans doute que je ne dois pas être dans mon assiette pour avoir zappé l’épisode où ils ont tous sympathisé. À la différence de moi qui ai pris soin de souffler du froid afin qu’ils n’aient pas envie de s’épancher davantage avec moi. Bien sûr, uniquement dans le but de ne pas avoir affaire à Monsieur Williams et son envie de m’afficher à son méga tableau de chasse.
Des gars comme lui, il vaut mieux les garder loin de soi. Ça, je le sais, mais le faire entendre à mon traître de corps relève d’un autre genre d’exploit. Surtout quand, comme plus tôt, il me fait ressentir des tas d’émotions confus jusqu’à haïr une pauvre présentatrice télé. Je suis même prête à parier qu’elle doit être adorable.
Faire entendre ça à mon anatomie en pâmoison et dotée d’une possessivité et d’une jalousie totalement infondées s’avère plus compliqué, et mon esprit ne cesse de trouver ça assez tordu. Là, je suis d’accord avec lui.  
 
— Il n’est pas là, après tout. À quoi bon s’attarder à en parler.
— Oui, parce qu’il n’a pas tenu à s’imposer vu le drôle de comportement que tu prends uniquement avec lui, insiste-t-il.
— C’est lui qui a dit ça ?

Je renâcle en secouant la tête.

— Non. Il n’a même rien dit. Il a juste refusé poliment, mais Rai et moi n’étions pas dupes. Nous avons compris qu’il faisait seulement preuve de tact par rapport à toi. Il est certain qu’il aurait aimé se joindre à ses potes et nous pour continuer la soirée ici. C’est quoi le problème avec lui ?
— Je n’ai pas envie d’en parler si c’est ce que tu tentes de faire.
— C’est juste que je ne comprends pas. Vous ne vous connaissez pas, non ? demande-t-il incertain tout à coup.
— Non, c’est vrai. Et c’est mieux ainsi, ajouté-je tandis qu’il fronce davantage les sourcils d’interrogations.

OK, ça peut réellement prêter à s’interroger, mais je n’ai aucune envie de m’épancher là-dessus alors que moi-même ne me comprends pas. Je dois le reconnaître, c’est assez barré. Oro m’observe en silence en tentant de deviner mon esprit soudainement alambiqué. Bonne chance, mon gars !
Je n’ai pas pour habitude de lui cacher quoi que ce soit. Nous partageons tout depuis toujours et me mettre à lui dissimuler des infos le pousse à s’interroger davantage sur mon cas. Je le fixe également en pensant une fois encore combien nous nous ressemblons tous les deux.
Ses cheveux aussi noirs que les miens ondulent de la même façon, bien qu’il les porte dans une coupe en vogue pour les hommes, je les ai gardés longs. Sa peau est plus brune que la mienne, dans les tons mat et doré pour moi. Mais nos yeux sont de cette forme similaire en amande et à la teinte d’iris identique, un vert clair. Ils sont entourés de cils noirs et rehaussés de sourcils aussi noirs, mais aux poils plus fins. Nous devons cette superbe touche de vert dans notre regard à notre mama ru’au. Un bel héritage en plus du reste.
Je suis tout de même de taille beaucoup plus petite que lui, qui avoisine le mètre quatre-vingt-dix. Oro et Raimana sont vraiment grands. Moi, je dois me contenter de mon mètre soixante-huit. Je triche toujours en me rajoutant deux centimètres alors que c’est ridicule, je le sais, mais je l’ai tout de même fait lorsque j’ai fait refaire ma carte d’identité, par exemple.

J’ignore Oro et vais rejoindre nos invités côté salon. L’appartement est un loft et ma chambre se trouve dans la mezzanine au-dessus avec sa salle de bains. Mon cousin et Raimana aiment rester traîner chez moi. Ils sont souvent là. Mais ils ont leur propre appartement qu’ils louent en colocation dans Flushing, autre quartier du Queens.
Puisqu’ils sont souvent chez moi, nous avons décidé d’aménager un coin chambre supplémentaire, à côté de la buanderie, et d’autres sanitaires à droite de l’entrée. C’est la seule surface dissimulée du reste de l’espace de cet appartement. En effet, la cuisine est ouverte sur le salon et à l’extrémité de celui-ci se trouve mon coin salle de danse pour mes entraînements à la maison. Ou, dans le cas plus précis, d’un soudain changement de dernière minute de chorégraphie en devant accueillir une star capricieuse, qui me tape la plupart du temps sur le système et qui vient de me faire un sublime cadeau d’une valeur inestimable à mes yeux. Oui, autant dire que cette partie-là est très souvent utilisée.
Ça m’évite de rejoindre sans arrêt la salle que je loue et qui, lorsqu’il y a des choses à rajouter ou autres, n’est pas disponible. Évidemment, en ce qui concerne les envies de clients je peux toujours me rendre chez eux et voir ça directement là-bas. Le problème est que si je commence à faire ça, ils me réclameraient tous chaque fois qu’ils le désireraient dès qu’ils trouveraient un truc à redire ou à revoir.
Autant dire, qu’il est hors de question que j’ouvre cette porte-là une seule fois sans quoi ils n’arrêteraient pas. Il ne faut pas perdre de vue qu’ils sont des stars et qu’ils se conduisent comme tels en omettant parfois qu’on ne peut pas dire amen à tous leurs caprices.
Et moi, je ne suis pas un objet avec lequel on peut faire ce que l’on veut quand on le veut. C’est un peu comme s’il s’agissait d’enfants à qui nous ne devons pas montrer de friandises sous peine qu’ils ne se jettent dessus aussitôt. C’est une comparaison assez tirée par les cheveux, je suis d’accord, mais pour moi, cela représente la même chose.
C’est justement ce que je tiens à éviter, car déjà que je n’ai pas de vie en étant surbookée continuellement, leur offrir ce privilège serait désastreux pour moi. Mes meilleurs amis sont Oro et Raimana, mes amis proches sont Tanetoa, Eddy, Steeve et Lina, mais le reste est pour moi des connaissances avec qui je m’entends super bien, mais avec lesquels je ne peux pas me permettre de baisser mes barrières en étant vraiment moi.
C’est un privilège que je ne dois jamais me permettre avec eux, même si ça m’embête parce que je ne peux jamais être réellement moi en leur compagnie. Car les chanteurs, en tout cas ceux que je suis amenée à côtoyer, se serviraient sans remords de notre amitié pour parvenir à leur fin et je ne trouve pas ça correct.
C’est pourquoi je maintiens cette barrière invisible, mais bien présente afin de les tenir à l’écart dans les cas où ils poussent le bouchon un peu trop loin. Je peux ainsi les ramener sur terre en ayant aussitôt leur attention. Et de ce fait, j’ai le dernier mot.
Sauf dans des cas où, même pénibles, je suis tout de même d’accord pour leur accorder quelques changements, parce que j’y pense moi-même depuis quelques jours et que rien qu’à l’idée d’envisager de devoir y revenir dessus, cela m’épuise. C’est pourquoi, lorsque Cya m’a demandé plus tôt cette faveur, j’ai râlé.
Je savais au fond de moi qu’il était inévitable de m’y replonger et elle le savait pertinemment. La chorégraphie est parfaite, mais je vois les points qu’elle va me demander de changer. Je les visualise déjà et je sais que reprendre ces quelques passages avec mes danseurs va nous retarder pour le reste. Cependant, je ne peux pas me permettre de lui rendre un travail seulement parfait. Il faut que ce soit spectaculaire au-delà de ses espérances, et même parfois des miennes, et il manque ce quelque chose de plus.

Assise sur le tapis face à nos convives sur le canapé, j’écoute Savannah et Joshua nous raconter quelques anecdotes sur leur rencontre avec Monsieur Williams. 

— J’avais vu ce jeune garçon riche, à l’évidence, parce que Cam a toujours eu ce physique bourgeois ainsi vêtu de ses vêtements de luxe, et je me rappelle avoir pensé qu’il ressortirait les poches vides de ce parc, nous dit Joshua.
— Et c’est ce qui est arrivé, lâche Savannah. Enfin, presque…

Joshua et elle sont à l’opposé l’un de l’autre. Lui qui affiche une couleur de cheveux châtaine avec des yeux d’un bleu limpide et un teint clair, est tout le contraire d’elle, qui arbore une tignasse blonde avec un regard chocolat pétillant et un teint étonnamment doré.
La musculature de Joshua ainsi que sa taille proche de celle d’Oro et Raimana tranche avec celle de Savannah qui est un peu plus petite que moi. Elle doit avoisiner le mètre soixante. D’ailleurs Joshua me fait énormément penser à un acteur populaire qui est également danseur, alors que Savannah me rappelle vaguement une chanteuse de Country. Il est indéniable de penser d’eux qu’ils sont fortement séduisants.   

— Où est-ce que ça s’était produit ? interroge Oro.
— Dans le Bronx, répond Joshua.
— Il était seul ?
— Non seulement seul, mais il n’y connaissait personne et marchait en n’ayant aucun point de chute particulier. Je lui aurais fait moi-même les poches si je n’avais pas capté dans son regard l’absence de toutes lumières, nous dit-il. Je n’avais jamais eu de remords à racketter des riches qui venaient dans le coin uniquement pour se la jouer gros durs. Moi, je crevais la dalle, et encore, j’étais ce qu’on pouvait qualifier de gentil.
— Que s’est-il passé ? le pousse Raimana à poursuivre.
— J’ai vu un autre jeune du quartier lui voler son portefeuille. Je ne lui ai laissé aucune chance et lui ai sauté dessus. Lorsque je me suis relevé, le gars s’est enfui et j’ai fait face à Cam qui m’observait, complètement halluciné. Il était d’autant plus stupéfait lorsque je lui ai tendu ce qui venait de lui être dérobé sans qu’il ne s’en aperçoive.
— Quel âge aviez-vous à ce moment-là ?
— Treize ans.
— C’est fou, souffle Raimana. Mais qu’est-ce qui l’avait poussé à s’aventurer tout seul là-bas ?
— La tristesse. Cameron venait de perdre ses parents et il se retrouvait tout seul. Tout seul et jeté dans la gueule aux lions, dans cette fosse que peut représenter Manhattan. Après leur avoir fait un dernier adieu lors de leur enterrement, il était parti du cimetière de Woodlawn à pied et marchait sans but précis, dans le Bronx.
— Et vous êtes devenus potes, devine Oro.

Je suis soudain compatissante envers Cameron Williams pour la douleur qu’il a dû traverser à un moment donné de sa vie et à cet âge trop jeune. Et le fait qu’il se soit lié d’amitié avec un gamin du Bronx sans le sou m’interroge d’autant plus sur sa réelle personnalité. Je me fourvoie peut-être en m’étant faite à l’idée qu’il est un personnage insupportable.

— Oui. On a passé le reste de la journée à sympathiser pour ne plus nous lâcher.
— Et toi Savannah, quelle a été ta rencontre avec Cameron ? lui demande Raimana.
— J’étais déjà la meilleure amie de Joshua et nous habitions la même rue.
— Ah d’accord, du coup il t’a ramené un nouveau pote et l’affaire était dans le sac.
— Pas tout à fait, se marre-t-elle. On s’est tout d’abord accrochés plus d’une fois. On ne se supportait pas, enfin, JE ne le supportais pas.
— Pourquoi ? demandé-je pour la première fois, trop intriguée.
— Je… Je détestais les riches et leurs manières toutes surfaites à nous regarder de haut comme si nous ne représentions que de sales insectes à leurs yeux. Je haïssais ce niveau dans lequel ils se positionnaient en pensant de nous que nous étions inférieurs à eux, aussi défectueux que les déchets qui jonchent le sol et les coins de nos rues alors qu’il ne devrait pas y avoir de différences.
— Je confirme que Sav’ était le genre de filles à vouloir sortir dans la rue, à tout bout de champ, pour mener sa propre révolution afin de prouver aux gens riches que nous étions plus humains qu’ils ne le seront jamais et surtout de la même espèce. Fallait se la coltiner, c’est moi qui vous le dis, intervient Joshua avec un sourire en coin.
— Mais tu te rangeais toujours de mon côté et à ce que je disais, lui maintient-elle.
— Fallait bien ! Après tout, je tenais à mes tympans et mes burnes aussi !

Nous éclatons de rire tandis qu’elle lui frotte le crâne à l’aide de son poing fermé.

— C’est vrai que j’avais une certaine réputation, se flatte-t-elle en sourcillant.
— Heureusement pour nous que tu t’es assagie, lui retourne-t-il. J’aurais bien fini par te lâcher au cas où tu aurais persisté dans ce sens en nous sortant un mégaphone à chaque sortie de boulot pour trouver des âmes rebelles dans ton panache.
— Oh, la ferme, tu serais venu me sauver une fois que j’aurais monté mon groupe d’agitateurs de l’ordre et que je me serais faite gauler par les flics.
— Pas faux, même si j’aurais fini en taule aussi par ta faute.
— Mais Cam aurait payé notre caution, lui rétorque-t-elle. C’est bien le seul riche que j’autoriserais à procéder à mon évasion de prison.
— Et Cam aurait payé notre caution, confirme-t-il dans un sourire. Tu te rends compte du souci que tu nous aurais causé ?
— Josh, on parle d’une supposition. Mais oui, il a entièrement raison, heureusement que je me suis calmée, car c’était vraiment le truc dans lequel je me serais lancée, nous affirme-t-elle en nous faisant rire. J’étais vraiment une tête cramée. Et pour revenir à ta question, disons que pour moi, Cameron représentait le garçon riche qui venait se mêler à nous seulement en quête du grand frisson que pouvait lui offrir le fait de se frotter à la racaille peuplant le Bronx. Je n’arrêtais pas de lui rentrer dedans. Verbalement.

Elle nous précise en tendant son index en l’air.

— Mais, au fil du temps qui passait, j’étais bien dans l’obligation de reconnaître que je m’étais gourée sur toute la ligne le concernant. Cam était, avec Joshua, la personne la plus vraie que j’avais pu être amenée à croiser. Il l’est toujours. Bref, une fois ça d’acquis, une magnifique amitié en est ressortie.
— Mais qui dit amitié dit amour, lance Oro en sourcillant. Parce que l’amitié homme-femme, on y repassera. À part lors de cas particuliers.
— Il n’y a jamais rien eu au-delà d’une amitié platonique entre nous trois, nous affirme-t-elle.
— C’est peut-être le moment de leur préciser que tu es lesbienne, déclare Joshua en se retenant de rire. Parce qu’autant dire que tu as tous les atouts d’une bombe et que ni Cam ni moi ne sommes gays. Ce qui explique pourquoi aucun de nous deux n’a faibli face à toi sexuellement.
— C’est bien ce que je vous dis, déclare Oro. L’amitié homme-femme n’existe pas, se marre-t-il.
— Et vous alors ? nous lance Joshua.
— Bah moi, je suis son cousin autant que son meilleur pote et Raimana est notre meilleur pote depuis l’enfance.
— Mais Raimana et ta cousine auraient pu être tentés. Surtout qu’ils sont vraiment hot, dit Savannah.
— Et c’est là que ça entre dans les cas particuliers, déclare Oro en affichant son air malicieux.
— OK, vous êtes liés à jamais, donc, tente de deviner Savannah.
— C’est exactement ça, lui confirme Raimana. Mais c’est peut-être aussi le moment de préciser que je suis gay.

Nous rions tellement fort à présent que j’ai failli ne pas entendre l’interphone.

— Je dois répondre. C’est Cya qui vient répéter vite fait, annoncé-je en me levant.
— Cya, genre, LA Cya ? m’interroge Savannah.
— Oui, mais pas d’effusion OK ? Chez moi, c’est une zone neutre, l’avertis-je dans un sourire complice.
— N’oublie pas que nous avons eu notre lot de rencontres de célébrités avec Cameron, me répond-elle. Si nous étions présents ce soir aux MTV, c’était uniquement parce qu’il nous avait, une fois encore, invité à le suivre, lui-même étant convié car son hôtel a été le lieu de tournage d’un des clips présentés.
— Pas faux, mais n’oublions pas que Cya, ben c’est Queen C. La star adulée même des stars elles-mêmes, lancé-je par-dessus mon épaule.
— C’est vrai. Et dire que nous allons encore une fois la voir de près, se réjouit-elle.
— Tu recommences avec tes yeux tout lumineux… chantonné-je en approchant de l’interphone.
— Oh ça ?! Rien à voir. C’est juste parce que j’ai passé un nombre incalculable de jours et de nuits à fantasmer avec elle en ligne de mire, me lance-t-elle.

Je réponds à Cya qui s’empresse de monter en tentant d’occulter cette dernière phrase qui me fait quand même sourire pendant que Josh et Oro approuvent son choix de femme. En même temps, il serait bien difficile de ne pas trouver Cya à son goût. Cette femme est tout bonnement somptueuse avec zéro défaut sur son physique de rêve. 
À l’instant où je m’apprête à ouvrir la porte, Joshua laisse échapper :

— Son canard vibrant porte même son nom ce qui appuie ses dires, nous apprend-il en ravivant nos éclats de rire alors qu’elle se marre aussi en n’éprouvant aucune honte face à cela.

Quand Cya apparaît sur le palier, c’est plus fort que moi, je ne peux retenir mon rire en imaginant Savannah se faire du bien avec coin-coin Queen C.

The sin #half of my soul (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant