Chapitre 38 - 🎶 Fin d'une parenthèse paradisiaque & De retour à NY City

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RAINA

Je reste longuement le regard posé sur les buildings. Nous sortons de l’aéroport et déjà mon si cher Fenua aihere me manque. Chaque fois que je reviens de Tahiti, j’ai le mal du pays et ai tendance à me renfermer sur moi-même. J’aime bien New-York, cependant le contraste entre les deux est aux antipodes l’un de l’autre. Il me faut toujours compter deux ou trois jours d’accoutumance pour m’y faire et repartir du bon pied.
Je soupire en caressant la couronne de fleurs que mama ru’au m’a confectionnée ainsi que le collier que m’a offert papa ru’au avant de les quitter. Je les ôte et les offre à mon tour à un SDF assis à l’extérieur de JFK. Ce dernier m’observe totalement stupéfait avant de m’adresser un sourire attendri et reconnaissant. C’est sans doute la première fois qu’il reçoit des fleurs de la part d’une femme.
Cameron me rejoint après avoir déposé quelque chose qui fait écarquiller les yeux de l’homme sans domicile et entrelace sa main à la mienne.

─ Tu es triste, évalue-t-il en détaillant les traits de mon visage.
─ Ça passera, soufflé-je.

Raimana s’approche de nous.

─ Raina est toujours ainsi à chacun de ses retours de Tahiti. Ça finit toujours par lui passer au bout de quelques jours.
─ Et ma présence à tes côtés ne t’apaise pas ? m’interroge Cameron dans un murmure afin que personne ne nous entende échanger.
─ Si, bien sûr que cela me console. Je suis heureuse de revenir unie à toi.
─ Ça me rassure.
─ Ne t’en fais pas avec ça. Raimana a entièrement raison, je suis toujours un peu chamboulée lorsque je reviens aux États-Unis. Mais je suis avec toi, donc c’est ce qui importe.
─ Entièrement d’accord, me souffle-t-il en aspirant mon lobe entre ses lèvres et mordillant légèrement en me faisant rire. Voilà, c’est mieux ainsi.

Ses yeux pétillent de malice et je me rends compte que ce n’est pas si mal de revenir en sa compagnie.
Tandis que nous marchons jusqu’à la voiture luxueuse de Cameron qui patiente quelques mètres plus loin, je reporte mon regard soucieux sur Oro qui n’a plus pipé mot depuis notre départ de l’île. Il ne m’est pas difficile de savoir que ses pensées sont entièrement orientées vers Roimata, cette tahitienne défigurée sur toute la partie droite de son visage.
Après cette soirée passée à l’hôtel de la famille d’Amata et de Tanetoa, je suis restée quelques instants en compagnie de mon cousin dans le jardin de mama ru’au qui venait de retrouver notre grand-père. Pendant que tous les autres discutaient joyeusement sur la terrasse, j’ai rejoint Oro assis tout seul au fond du potager de grand-mère.

─ Comment se nomme-t-elle ? lui avais-je demandé.
─ Roimata.
─ C’était donc elle, celle à qui tu faisais référence lorsque nous étions assis devant la East river après que j’ai fui le Crépuscule. Celle que tu as laissé filer à cause de notre atroce passé.
─ Mais j’aurais dû me résoudre à la laisser filer bien plus tôt ce qui lui aurait épargné la souffrance qu’elle porte désormais incrustée sur son visage à jamais.

Son aveu m’avait fait froid dans le dos. Par la suite, il m’a expliqué l’avoir remarquée lorsque nous faisions nos sessions de surf à Taharuu. Puis, qu’il s’était rapproché d’elle lorsque mama ru’au était sur mon dos en me tenant éloignée des spots de surf en me commandant à effectuer des tâches ménagères ou des courses.
Il m’a raconté combien le feu de l’amour s’était déclenché en lui et combien il avait voulu se la jouer gros dur en la mettant sans cesse au défi. Et ce, jusqu’à ce qu’ils finissent à Teahupoo et que la vague ait eu raison d’elle en l’écrasant sur le récif coralien de toute sa puissance.
Il s’en voulait d’avoir ressenti ce besoin détestable et cruel de l’avoir poussée à pareille épreuve afin de se prouver qu’il pouvait avoir le contrôle sur n’importe quelle fille. Il avait poussé le bouchon trop loin la concernant parce qu’elle avait été la seule à s’être insinuée jusqu’à son cœur et qu’il ne l’avait pas accepté à l’époque.
Il avait dérobé sa virginité une nuit de pleine lune et avait profité de son emprise sur elle pour la défier sans arrêt. Aventurière et courageuse, elle ne s’était jamais défilée en fonçant tête baissée dans tout ce qu’Oro pouvait décider de faire. Et malgré tout ce qu’il s’appliquait à lui faire endurer pour une chose sur laquelle personne n’avait de contrôle, il n’avait pu ignorer combien il l’admirait de plus en plus en en tombant un peu plus fou au fil des jours. 
Mais ce passé lugubre qui l’a autant tourmenté et façonné que moi, l’avait malgré lui poussé à se conduire aussi cruellement que mon père l’avait fait sur nos mères, bien qu’il ne s’agit-là pas du même stade de cruauté. Néanmoins, cela reste tout de même moche et méprisable, et surtout, gravé à vie sur une jeune femme qui n’a rien fait d’autre que tomber éperdument amoureuse d’un garçon lorsqu’elle était adolescente.
J’ai été profondément déçue de ce que m’avait confié Oro de son histoire les concernant. Jamais je n’aurais imaginé mon cousin capable de telles malveillances. Je n’avais jamais soupçonné en lui la moindre trace d’apathie. Je ne me suis pas cachée de lui dire et j’ai bien vu la peine luire dans son regard parce que les faits remontaient à plusieurs années en arrière et, qu’aujourd’hui, adulte, il mesure pleinement la portée de son idiotie cruelle dont il a fait preuve à l’adolescence.
Je comprends enfin pourquoi il m’a maintenu ce soir-là, assis sur ce banc après le départ de Cameron que j’avais fui du Crépuscule, combien il ne me fallait pas laisser mon passé me guider en entravant ma vie future. Après quoi j’avais appris qu’il avait déjà aimé et j’avais donc attendu de lui ce fameux jour où il m’expliquerait enfin tout, arrive.
Maintenant que c’est chose faite, la lumière se fait sur son insistance par rapport à Cameron que je devais laisser entrer dans ma vie, à ses nombreux regrets concernant son passé et qui le hantent chaque jour depuis.

The sin #half of my soul (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant