Chapitre 14 🎶 - Danse avec Shu

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RAINA

Il m’avait pourtant soutenue qu’il ne serait présent que rarement durant les journées. Je n’ai pas rêvé cet interlude où il précisait être sans cesse dans l’un de ses nombreux bureaux ! Il avait appuyé sur le fait que son appartement était assez grand pour ne pas se croiser de la journée.
Malgré tout, nous ne faisons que nous rencontrer. Pas évident de se louper lorsque nos deux chambres se trouvent dans le même couloir. D’ailleurs, en parcourant ce fameux deuxième étage, j’ai eu le loisir d’y découvrir une bibliothèque ainsi qu’une salle de sport. Rien que ça ! Mais où est la piscine ? ai-je pensé ironiquement.
Cela fait déjà une semaine que je vis chez Cameron. Étonnamment, je commence à prendre l’habitude de me trouver chez lui. Cependant, il n’est pas passé à côté du fait que je ne prends aucun repas chez lui, tout comme sa cuisinière. Cette dernière, Shu, est venue me voir jusque dans ma chambre.
Lorsque j’ai entendu toquer, le troisième jour, j’ai aussitôt pensé à Cameron, venu me faire part d’un élément important dans l’avancée de John concernant la lettre. Mais non, il s’agissait d’une femme avec un visage avenant, empli de gentillesse. Je suis tombée sous le charme dès cette première rencontre.
Elle est d’origine asiatique, c’est indéniable vu ses traits, ces derniers étant également gracieux. Dans la cinquantaine, elle affiche une fine corpulence qui la rend délicate mais également vive.
Gênée, elle osait à peine me regarder dans les yeux.

— Je peux vous aider ? lui avais-je aussitôt demandé.
— Je m’excuse de venir vous importuner, Madame, je suis Shu, la cuisinière de Monsieur et je voulais simplement m’assurer que vous preniez bien vos repas, m’avait-elle dit en nourrissant une réelle inquiétude concernant mon alimentation.
— Oh ! Oui, je prends juste mes repas à l’extérieur, m’étais-je expliquée en me sentant mal à l’aise face à elle tout à coup.

Je me suis rendu compte, à ce moment-là, que mon agissement avait pu passer pour impoli. Elle avait dû se décarcasser à cuisiner des tas de plats auxquels je n’avais aucunement prêté attention. En ne voulant pas déranger le personnel, j’avais fait preuve, bien malgré moi, d’indélicatesse.

— Je peux vous préparer les plats de votre choix si vous décidez de rester les prendre ici.
— Oui, je sais, Shu. Je suis sûre que votre cuisine doit être la plus succulente de cette ville. Je me sentais seulement gênée de vous donner du boulot en plus, m’étais-je justifiée devant ses yeux ébahis au fur et à mesure de mes paroles.

Figée, elle m’avait observée en clignant des yeux et peinant à croire les mots que je venais d’employer avec elle. Elle devait penser que j’étais riche (ce que je deviens), mais une drôle de riche, car c’est connu : les riches aiment commander. Mais moi je ressemblais à une énigme pour elle. J’avais donc tenté de me faire davantage comprendre.

— Voyez-vous, j’ai l’habitude de cuisiner moi-même mes repas. Savoir quelqu’un les faire à ma place me semble étrange et pour tout vous dire, ça me met extrêmement mal à l’aise. La seule qui le faisait pour moi était ma grand-mère et encore là, je mettais la main à la pâte. Et chez moi, c’est moi qui me charge de nourrir mon cousin et notre meilleur ami, c’est vous dire combien je ne suis pas du tout habituée à demander quoi que ce soit.

Cette dernière avait souri et posé sur moi un nouveau regard qui avait fait briller ses prunelles noires de bonheur. En portant sa main sur ma joue, elle avait encadré mon visage en hochant la tête l’air d’apprécier celle qui se tenait devant elle. J’ai compris que je représentais sans aucun doute la seule invitée avec laquelle elle s’était permise ce geste dans cette maison.
Depuis, je fais l’effort de la rejoindre chaque matin dans la cuisine et chaque fois, elle me laisse préparer mon bol de fromage blanc, muesli et fruits frais, pendant qu’elle se charge des recettes du jour. Sa compagnie est agréable et je sais que c’est réciproque.
Ma virée dans cette pièce chaque matin m’est devenue plus facile parce que je n’y ai jamais croisé Cameron, alors je me suis tout de suite sentie sans gêne de retrouver Shu.

The sin #half of my soul (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant