Chapitre 8

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L'aventure avait commencé ainsi ; trois jeunes marchant vers le sud, chacun avec un sac sur le dos, chacun à son niveau de morosité.

Mishi avait été heureuse de faire partie du voyage pendant les deux premières heures. À la troisième, elle s'était efforcée de ne pas montrer qu'elle n'avait plus de force dans les jambes. À la quatrième, elle avait sérieusement envisagé de demander à grimper sur les épaules de Leerian, mais s'était ravisée en remarquant qu'il ne semblait pas être particulièrement de bonne humeur.

Leerian était grognon parce qu'il aurait préféré cent fois être chez lui, dans son lit. En contrepartie, il préférait aussi mille fois être en compagnie de Mishi. Il avait conscience de s'être, malgré lui, développé une sorte de dépendance. Il savait que c'était une mauvaise chose ; c'était le genre de pouvoir qu'usaient les sirènes pour forcer les marins à les suivre aveuglément sous l'eau où ils terminaient noyés. Mais c'était plus fort que lui, il ne voulait plus quitter Mishi. Il l'aimait comme une amie. Et il se sentait idiot à la simple idée de faire demi-tour.

Danayelle était heureuse de ne plus être seule dans son périple, mais ce qui la tracassait, c'était de ne toujours pas comprendre pourquoi Mishi et Leerian étaient avec elle dans son aventure. Elle savait que Mishi rêvait d'aventure, et que Leerian ne demandait qu'à être près de sa sirène. Mais pourquoi elle ? Pourquoi fallait-il qu'ils la suivent exactement ? Si Mishi voulait tant partir, pourquoi avoir attendu de croiser Danayelle ? Son professeur l'avait bien conseillé de rester seule autant que possible, puisqu'elle est dangereuse avec son don – et le léger contretemps avec la licorne l'avait bien prouvé – mais elle préférait de loin avoir un peu de compagnies. Il y avait bien d'autres gens avec elle, à Lunacader, et elle n'avait jamais tué personne ! Peut-être blessé quelques-uns, mais jamais rien de grave, pour sûr.

Ça faisait maintenant cinq heures qu'ils marchaient. En dehors de Leerian, qui aurait pu continuer ainsi cinq heures de plus, tous étaient à bout de force. Danayelle était sur le point de demander à s'arrêter pour aujourd'hui quand, au détour d'un arbre, ils découvrirent un grand lac qui devait bien faire une centaine de mètres d'envergure. Mishi poussa un petit cri de joie et courut pour sauter à l'eau.

Leerian se posta aux côtés de Danayelle, le sac de Mishi à ses pieds. Devant lui, Mishi avait resurgi de l'eau, tenant son pantalon dans ses mains. Elle le lança sur la berge et disparut à nouveau dans les profondeurs, claquant la surface du lac avec sa grande queue violette.

— On l'a perdue, dit Leerian. Elle va y rester pendant des heures. Je crois qu'on devrait s'arrêter ici pour aujourd'hui et on reprendra la route demain.

— Ça tombe bien, je n'en pouvais plus...

Elle posa son sac près de celui de Mishi et se coucha dans l'herbe haute en fermant les yeux, poussant un long soupir. Elle n'était pas faite pour la randonnée en forêt, mais la cause en valait la peine. Ils arriveraient bientôt à Yglas, trouveraient le mage qui lui donnerait gentiment ce dont elle avait besoin, et retournerait à Lunacader pour prouver qu'elle saurait maintenant maitriser la télékinésie les doigts dans le nez. Danayelle pourrait ensuite aller chez elle et reprendre sa vie, en pause depuis un an. Elle avait hâte de retrouver ses parents et ses amis, et même sa ville. Stanmore lui manquait tout autant que le reste.

Sentant une légère odeur de brulé, Danayelle ouvrit un œil et pencha la tête, s'efforçant de voir à travers les hautes herbes. Leerian était deux mètres plus loin, accroupi devant une petite pile de bouts de bois. Il frottait vigoureusement une branche entre ses mains. Danayelle observa, émerveillé, la fumée monter progressivement, jusqu'à ce qu'une flamme ne jaillisse. Il s'empressa alors d'y poser des feuilles d'arbres morts tout en soufflant dessus.

la légende de Nyirdall, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant