la légende de Nyirdall, Tome 1

Chapitre 17

Mishi, Leerian et Danayelle avaient marché, parfois même couru, pendant plus de cinq heures sans faire la moindre pause. Tous étaient épuisés ; Danayelle à cause de la douleur qui lui compressait le pied, Leerian à cause de l'effort de la porter, et Mishi parce que c'était beaucoup trop exigeant sur son corps. Elle n'était pas faite pour la vie en forêt ; elle était une sirène ! Et elle vivait la chose complètement à l'envers de ses semblables. Les sirènes vivaient sous l'eau et remontaient quelques fois pour marcher sur terre ; Mishi passait son temps à courir et allait, trop rarement à son gout, dans l'eau quand elle trouvait des petits lacs. Elle commençait vraiment à en avoir marre de cette routine.

— S'il te plait, Leerian, je n'en peux plus, fit-elle dans un filet de voix.

Leerian s'arrêta pour se tourner vers Mishi, plusieurs mètres derrières. Son visage était rouge et luisant de sueur, elle tenait à peine sur ses jambes tremblantes. Leerian sentit son cœur se contracter douloureusement en la voyant ainsi.

— Je suis désolé, mais... et si les trolls nous avaient suivis ?

— Ils nous seraient déjà tombés dessus, si c'était le cas, dit Danayelle. Enfin, Leerian. On a tous besoin d'une pause...

Mishi parcourut les derniers mètres qui la séparaient de ses amis, une main sur sa poitrine et soufflant comme un bœuf. Les quelques mèches de cheveux noirs qui avaient échappé à ses couettes étaient plaquées sur son visage.

Leerian avait mal pour Mishi. Elle avait beau lui répéter inlassablement qu'elle n'était pas un elfe, il avait parfois de la difficulté à se représenter ce que ça signifiait. Mais la voir ainsi, semblant près de tomber littéralement de fatigue, il se trouvait cruel de ne pas avoir proposé de pause plus tôt.

Mishi se traina jusqu'à la rivière qu'ils suivaient depuis un moment. Ce n'était qu'une source, beaucoup trop petite pour se baigner dedans, mais Mishi s'y coucha tout de même, les membres en croix. Elle ne fit pas apparaitre sa queue, se contentant de soupirer d'aise en sentant le liquide sur sa peau. L'eau ne devait pas faire plus de cinq centimètres de profondeur.

— Je peux descendre ?

Leerian sortit de sa contemplation pour tourner la tête vers Danayelle. Il l'apercevait à peine, puisqu'elle était derrière lui. Il se baissa lentement, sans mouvement brusque, et Danayelle posa un pied à terre, l'autre en l'air. Elle sautilla jusqu'au bord de la petite source, puis s'assit au sol en soupirant. Même si elle n'avait pas fait un pas depuis l'attaque des trolls, la douleur dans sa cheville était suffisamment intense pour l'épuiser. Elle regrettait de ne pas avoir apporté une trousse de premiers soins avec elle, ou au minimum quelques cachets. Non, elle n'avait rien du tout. La seule chose à faire était de serrer les dents et d'être forte.

Une idée apparut soudainement dans son esprit. Elle avait effectivement quelque chose qui pourrait peut-être l'aider. En lançant un regard nerveux vers Leerian qui s'éloignait en suivant la rivière et Mishi qui s'était carrément couchés dedans, Danayelle fouilla dans son sac et en sortit le grimoire. Elle tourna les pages jusqu'à trouver celle parlant de la magie guérisseuse. Si seulement, pensa-t-elle en désespoir. Si seulement j'étais un mage, une simple formule m'aurait soignée. Mais en réalité, elle n'avait jamais eu la confirmation de ne pas être en être un. Personne n'en était conscient dès la naissance. C'était comme les dotés ; Danayelle ignorait encore, il y a un an, qu'elle saurait maitriser – façon de parler – la télékinésie. Et les mages, au départ, étaient de simples dotés. Comme elle.

Je n'ai rien à perdre à essayer.

L'unique différence entre un doté et un mage était que le premier avait un don... et rien de plus. Le mage, en plus d'avoir un don, avait aussi accès à toutes les autres formes de pouvoirs que risquait d'avoir un elfe. Danayelle pouvait faire de la télékinésie, mais une formule pourrait la permettre, par exemple, de lire dans les pensées. De lancer du feu avec ses mains, se téléporter... et soigner une cheville cassée.