Chapitre 49

73 14 36
                                    

Leerian, Mishi et Danayelle avaient navigué sur leur petit navire pendant une journée entière, sans que rien ne se produise. Pour la première fois depuis ce qui leur semblait être une éternité, personne ne tenta de les tuer, aucune péripétie quelconque ne vint mettre leur vie en danger... si ce n'était le soleil qui grillait leur peau comme un barbecue. Mishi avait passé plus de temps à côté du bateau qu'à l'intérieur, même Danayelle en avait profité pour nager un peu. Mais Leerian, évidemment, avait préféré rester au sec.

La monotonie demeura jusqu'à la nuit, puis au lendemain... et le surlendemain. Tous les trois serrés dans la barque, Leerian et Mishi d'un côté et Danayelle de l'autre, ils furent réveillés par les premiers rayons du jour... et d'une secousse qui les firent tous se redresser en panique. Tous encore endormi, ils leur fallut un moment pour réaliser ce qui se passait ; il venait d'accoster à une plage de roche, au large d'une île qui semblait, au premier coup d'œil, beaucoup plus grande que la dernière. Danayelle s'affola aussitôt ; étaient-ils de retour sur Nyirdall ?

— Où sommes-nous ?

— Bienvenues à Nocksor.

Tous trois se retournèrent vers l'origine de la voix. Au loin, le paysage s'arrêtait abruptement par une falaise d'une dizaine de mètres. Elle était couverte de fleurs roses et violettes, découpées par une route de terre étroite. Deux personnes la descendaient. Leerian sortit de la petite chaloupe, grimaçant en posant ses pieds nus sur les roches, tanguant dangereusement alors que sa tête se mettait à tourner comme une toupie.

— Où ça, vous avez dit ?

Encore étourdi par la trop longue balade en bateau, il avait l'impression que son cerveau carburait au ralenti. Il avait faim et soif, chaud et froid en même temps. Sa peau était rougie par les coups de soleil, et pourtant, il était parcouru de chair de poule. Il avait bien entendu leur réponse, mais il en avait déjà complètement oublié les mots.

— Nocksor, c'est au large de Mefghan, répéta l'homme.

Celui-là était particulièrement vieux. Des cheveux blanc et filandreux, une longue barbe assortie et une pipe coincée entre les dents, s'avançant à petits pas en se soutenant au bras d'un garçon semblant avoir tout juste une dizaine d'années. C'était uniquement par leur âge que Leerian n'eut pas aussitôt peur d'eux.

— Nocksor, c'est tout près de notre objectif, fit Danayelle à son oreille. (Elle sauta à son tour du bateau, s'approchant du vieillard et de l'enfant.) Bonjour, euh... nous venons en amis. Désolé de vous déranger, nous sommes seulement de passage. Est-ce que... il y a un endroit où on pourrait manger ? Et se reposer un peu ?

À ses côtés, l'estomac de Leerian lâcha un long gargouillis. Il plaqua une main sur son ventre, embarrassé. Il n'avait rien avalé depuis la noix de coco, il y a... trois, quatre jours ? Mishi passa son bras autour de son coude, s'efforçant de le soutenir, même si elle n'avait aucun problème à boire de l'eau de mer et à dévorer les poissons. Elle se sentait parfaitement bien.

— Bien sûr, bien sûr, répéta le vieux. Suivez ce chemin et vous arriverez rapidement à la ville. Il suffit de grimper cette falaise pour l'apercevoir. Vous en serez les bienvenues.

— C'est moi qui vous ai trouvé ! s'exclama soudain le garçon. J'avais vu votre bateau au loin !

À ses mots, le vieillard roula des yeux vers le ciel, l'air passablement ennuyé.

— Venez, dit-il. Vous trouverez tous ce dont vous avez besoin en ville.

Il tourna les talons pour remonter la falaise, entrainant l'enfant avec lui. Ils avançaient très lentement, un petit pas à la fois. Leerian fut impressionné du phénomène ; les hommes étaient vraiment étranges. Il semblait avoir quatre-cents ans tant il était vieux, et pourtant, il avait conscience qu'il n'en avait peut-être que quatre-vingts ou quatre-vingt-dix.

la légende de Nyirdall, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant