À Lunacader, la journée avait enfin commencé. Egrim s'était tenu tranquille ; il s'était servi un copieux petit déjeuner et avait pris une longue douche pour se rafraichir, puisque la vingtaine de téléportations qu'il avait faites en moins de dix minutes, ce matin, lui avait donné des sueurs froides. Le ventre plein, il avait assisté aux premières heures de cours, consacré à la théorie, en compagnie des sept autres téléporteurs de l'Institut. Il avait passé le temps au fond de la salle de classe, silencieux et tapant du pied d'une nervosité contenue, regardant partout pour s'imprégner du moment. Parce qu'il en était convaincu ; c'était sa dernière journée ici.
La théorie n'avait plus rien à lui apprendre ; il maitrisait. Parfaitement, même. Egrim s'amusait à observer les plus vieux, les élèves qui étaient là depuis quatre ou cinq mois, écouter attentivement le prof chauve expliquant toutes les raisons pourquoi une téléportation pouvait mal tourner.
Ce sont eux qui sont stupides ou moi qui suis un génie ? pensa soudain Egrim, le menton appuyé dans la paume et le coude sur son pupitre. Puis il pouffa de rire pour lui-même, reportant son regard vers un autre coin de la pièce. Je suis un génie.
— Tout le monde est prêt pour passer à la pratique, maintenant ? dit monsieur Kurd en claquant dans ses mains avec entrain.
Certains bondirent de leur chaise avec hâte ; d'autres se levèrent lentement, avec résignation. Egrim fut de la première catégorie, s'élançant pour rattraper le prof chauve qui s'apprêtait déjà à quitter la salle de classe pour aller à l'extérieur, dans la grande cour de l'Institut.
— Monsieur ! s'exclama Egrim en balançant des coups de coude contre ses camarades pour se rapprocher du prof. Je relance ma demande !
Le professeur leva les yeux au ciel et soupira subtilement, sans répondre. Il préférait jouer les sourds, espérant qu'Egrim se tannerait après un moment. Mais il le connaissait mal ; Egrim était du genre à ne jamais abandonner.
— Monsieur ! Eh, monsieur !
Frustré de se faire ignorer, Egrim se téléporta devant le prof, qui n'eut d'autre choix que d'arrêter la marche. Tous les étudiants qui le suivaient à la queue leu leu foncèrent l'un dans l'autre.
— Oh, Egrim ! s'énerva Kurd. Continue comme ça et tu seras de corvée à nourrir les grimbles !
— Monsieur, fit Egrim d'un ton à la fois patient et sérieux. S'il vous plait, je veux faire la course d'obstacles.
Tous les élèves pouffèrent de rire à la demande, se moquant d'Egrim qui ne leur accordait aucune attention. Ils savaient à quel point la course d'obstacles était difficile. Un seul d'entre eux l'avait déjà essayé et raté ; celui-là même qui était à l'Institut depuis bientôt cinq mois.
— Laissez-le tenter sa chance, monsieur, dit l'autre, un sourire de travers sur le visage. Ça le refroidira quand il aura une corde à travers le corps et suspendue à cinq mètres.
— Tu veux savoir ? s'énerva Egrim en s'avançant vers l'élève. Je l'ai déjà faite, la course d'obstacles, ce matin même ! Pourquoi j'insisterais autant si je n'étais pas convaincu que je puisse le faire ?
— Quoi ?! s'exclama soudain le professeur.
Il prit Egrim par le bras et le fit pivoter de force. Egrim grimaça, étonné, mais s'efforça de ne pas démontrer sa douleur. Tous les élèves s'étaient tus devant la mauvaise humeur de Kurd ; Egrim allait se faire gronder, ce n'était un secret pour personne.
— T'es en train de me mentir, là ? N'est-ce pas ?
— Non, monsieur, dit Egrim avec un calme olympique. J'y suis allé après que vous m'avez envoyé chier... pardon, je veux dire... Envoyer... déféquer.
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la légende de Nyirdall, Tome 1
FantasyDans le pays de Nyirdall vit un nombre incalculable de créatures : elfes, fées, sirènes et autres dragons. La féerie et la magie sont les maîtres mots de ces terres où la beauté n'est plus un critère à douter. Leerian y vit, reclus. Peureux et soli...