Sin venait d'en terminer avec son client quand il remarqua que quelque chose clochait. Au moment d'ouvrir la porte au lutin, son chaticorne se frottant contre ses jambes pour réclamer des croquettes, il vit au loin, dans les rues de sa ville, un épais nuage de poussière s'élever vers le ciel et des cris lointains, à croire qu'une bombe venait d'exploser. Le mage s'avança de quelques pas en dehors de sa boutique, refermant derrière lui, les bras croisés sur sa poitrine.
— Monsieur Sin ! s'exclama alors un elfe à ses côtés qui venait tout juste d'arriver. Vous devez faire quelque chose !
Évidemment, c'est toujours à moi de faire le sale boulot.
— Il se passe quoi, là-bas ? dit Sin de son éternel ton faussement poli.
— La boutique de l'apothicaire s'est effondrée. Comme ça, sans prévenir !
— Tu crois vraiment qu'elle vous aurait prévenu ? répliqua Sin, incapable de garder sa bonne humeur devant tant de stupidité.
L'autre elfe ne sut quoi ajouter, embarrassé. Il leva un doigt en direction du désastre, puis continua son chemin pour disparaitre dans la foule.
Sin passa une main sur son visage, soupira platement, puis courut en suivant les cris et la poussière, slalomant entre les gens qui partaient en sens inverse. En peu de temps, il trouva l'origine du chaos. L'épais nuage de saleté couvrait la rue, l'empêchant de constater entièrement des dégâts, mais il voyait déjà que ce n'était pas rien. C'était un véritable désastre.
En l'apercevant, la foule de badauds s'éloigna du lieu de carnage, donnant assez d'espace au mage pour opérer de sa magie.
— Aepurmium.
La poussière disparut soudain, laissant un air pur et clair. Un hoquet de stupéfaction lui échappa alors ; maintenant qu'il voyait toute l'étendue des dégâts, il comprit que c'était bien pire de ce qu'il s'était d'abord imaginé. Une énorme montagne de brique s'élevait où était autrefois la boutique, agrémentée de poutres, d'objets divers... et de membres épars de victimes coincées en dessous.
Des gens pleuraient derrière lui, d'autres tentaient de dégager ceux sous les gravats. Les fées et les elfes pratiquant la télékinésie y mettaient beaucoup d'effort alors que les trolls utilisaient leur force brute. Mais tous les regards étaient rivés sur Sin qui, comme tant de spectateurs, ne faisait simplement rien.
— Monsieur Sin, dit une fée, volant en suspension près de lui. Aidez-nous. Ils sont peut-être encore vivants !
Pour seule réponse, celui-ci murmura une formule faisant appel à la magie télépathique. Cantius. Il la dirigea vers la boutique, sur tous les gens coincés en dessous... mais il ne reçut aucun signal.
— Non, fit Sin d'un ton désolé. Ils sont tous morts.
Son constat se répercuta parmi la foule derrière lui. Un silence angoissant s'éleva alors, puis des pleurs et des gémissements prirent place, vrillant le cœur du mage. Il détourna le regard de la fée, ses yeux croisant quelque chose de noir à ses pieds. Il la repoussa du bout de sa chaussure ; une perruque.
— C'est tout de même une chance que ce gamin était là, dit une voix quelque part derrière lui. Sans cet enfant, il y aurait eu dix fois plus de victimes.
— Quel enfant ? s'exclama Sin en se retournant vers la foule.
C'était une lutine qui avait parlé. Elle avait été témoin de l'incident du début à la fin.
— Je ne suis pas sûr, dit-elle alors. Il ressemblait à un homme, mais je suis plutôt convaincu que c'était un elfe. Il portait un badge de téléporteur, mais il a fait de la télékinésie ! En prononçant une formule, de surcroit. C'est un mage, comme vous ! Il a empêché la boutique de s'effondrer... il l'a retenu près d'une minute entière avant de lâcher. Quelqu'un l'a transporté ailleurs... ils sont partis dans cette direction, dit-elle en pointant le sud.
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la légende de Nyirdall, Tome 1
FantasyDans le pays de Nyirdall vit un nombre incalculable de créatures : elfes, fées, sirènes et autres dragons. La féerie et la magie sont les maîtres mots de ces terres où la beauté n'est plus un critère à douter. Leerian y vit, reclus. Peureux et soli...