Leerian tombait vers la mer, ses bras et ses jambes s'agitant désespérément en tout sens. Ses yeux étaient écarquillés d'horreur, son visage livide. Il avait peur de l'eau. Il avait peur du monstre caché sous l'eau. Et pis encore ; il ne savait pas nager.
Il était condamné.
— Mishi !
Son dernier mot à peine prononcé, l'océan l'avait déjà englouti. Il frappa la surface de plein fouet, puis se mit à couler vers les profondeurs. Il tombait comme une pierre, s'enfonçant toujours de plus en plus creux. Il agitait des bras, secouait les jambes. Sous ses yeux, il voyait le bateau d'en dessous qui s'éloignait lentement. Et il voyait le monstre, le grand kraken. Une énorme pieuvre, ou alors était-ce plutôt un calamar. C'était un réel mélange des deux ; sa tête était à la fois très allongée et flasque, comme un ballon en partie dégonflé. Ses tentacules d'au moins trente mètres s'enroulaient autour du navire. Il allait le détruire complètement, ce n'était qu'une question de minutes, ou même de secondes. L'un des yeux du monstre, aussi large qu'une roue de tracteur, se tourna vers Leerian. Mais il ne l'attaqua pas ; pour lui, il était déjà mort.
Tout était de plus en plus sombre. La pression, de plus en plus lourde. Ses poumons étaient en feu et sa tête allait exploser. Il n'allait plus le supporter encore longtemps.
Leerian raffermit sa prise sur son épée, à sa main droite, et regarda vers le bateau. D'un dernier coup de ces énormes tentacules, Leerian le vit voler en éclat.
Il n'y avait plus de bateau.
Et il en était convaincu ; ses amis étaient tous morts.
Il ferma les yeux, ouvrit la bouche, et laissa l'eau entrer dans ses poumons.
*
— Mishi !
Et il percuta la mer. Mishi, le souffle court et les larmes difficilement contenues, observait l'océan, souhaitant désespérément voir son petit elfe en ressortir. Mais elle le savait ; il ne pouvait pas nager. Il allait couler et se noyer.
— Leerian...
Il allait se noyer comme le frère qu'il n'avait jamais connu.
Mishi s'agita contre ses liens. Leerian en avait coupé quelques-uns avec son épée, mais ce n'était pas suffisant. Elle était toujours attachée, incapable de se libérer. Elle se démenait, elle hurlait et pleurait, sans parvenir à s'échapper. Qu'avait-elle fait pour mériter ça ? Elle avait convaincu Leerian d'entreprendre cette aventure alors qu'il n'en avait pas envie au départ ; s'il mourait aujourd'hui, ce serait entièrement sa faute.
Oh, par pitié, aidez-moi ! Aidez-le... Je vous en supplie...
Et ce fut à ce moment-là que le bateau fut complètement détruit. Le kraken avait resserré ses tentacules autour du navire ; il vola en éclat, les bouts de bois et les voiles partant en tout sens. Le mât de beaupré se cassa et tomba à l'eau. Mishi, toujours attachée, eut tout juste le temps de prendre une grande inspiration avant de couler à son tour. La mer ne lui faisait pas peur ; le monstre qui était dessous, oui. Tout en continuant de s'agiter désespérément contre ses liens, elle cherchait Leerian des yeux. Mais tout ce qu'elle voyait, c'était le kraken. Énorme et terrifiant. Elle ne s'était jamais doutée qu'une telle créature pouvait réellement exister.
Soudain, un éclat de lumière capta son regard. Loin sous elle, à déjà près d'une centaine de mètres en profondeur, elle vit l'épée d'argent. Et surtout, la main qui y était accrochée. Leerian était là ; il ne bougeait plus, se laissant couler comme une pierre. Inconscient... ou mort, peut-être.
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la légende de Nyirdall, Tome 1
FantasyDans le pays de Nyirdall vit un nombre incalculable de créatures : elfes, fées, sirènes et autres dragons. La féerie et la magie sont les maîtres mots de ces terres où la beauté n'est plus un critère à douter. Leerian y vit, reclus. Peureux et soli...