Chapitre 45

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Pendant que Mishi visitait un village aquatique de sirène et que Leerian et Danayelle passaient le temps comme ils pouvaient sur leur île déserte en s'attaquant aux noix de coco, Egrim avait enfin atteint la terre ferme.

Le voilier accosta à un quai, au bord d'une grande ville grouillante de vie. Allant de petites barques jusqu'aux trois-mâts, il y avait des bateaux pour tous les gouts. Tout autour de lui, il y avait des hommes, des elfes, beaucoup de nains, trimballant des cordes, des caisses pleines de vivres, même des cages avec des poules. Le bruit des conversations emplissait les oreilles.

Egrim prit une grande inspiration. L'air sentait toujours le sel, mais au moins, il avait retrouvé la civilisation.

Jean se posa sur son épaule, enroulant son corps de serpent autour de son cou. Egrim ne réagit pas ; il commençait déjà à se résigner d'avoir un animal de compagnie.

— On va où, maintenant ?

— Vers Stanmore.

— Ah ! Ce n'est pas la bonne ville...

— Mais elle n'est plus très loin !

Egrim hocha la tête pour lui-même, puis s'engagea enfin sur le quai, en direction de la ville de Tooth, slalomant entre les pirates et les marins. Pas la bonne ville, comme avait dit Jean, mais elle était sa voisine. Avec un peu d'effort, il sera chez lui dans la soirée.

Elzor le suivit jusqu'à la fin du quai. Le bois du sol s'était changé en une route de briques grises, et devant lui s'étendait des stands de marchand, proposant du poisson, des animaux de fermes, des babioles comme des colliers de perles. L'un vendait des fruits, où plusieurs pots composés d'herbes tressées contenaient des fraises, bleuets, framboises et autres baies. Le ventre gargouillant, Egrim s'avança vers lui, mais il ne fit qu'un pas avant qu'Elzor ne pose la main sur son bras, l'arrêtant dans son élan.

— Je te dis au revoir tout de suite, Egrim.

Celui-ci leva innocemment les yeux vers Elzor. Il savait qu'il le quitterait aussitôt sur terre, mais il ne s'était pas attendu à se retrouver seul aussi rapidement.

— Déjà ?

Elzor lui fit un sourire pour toute réponse. Il aimait bien Egrim, mais lui préférait sa vie de solitaire.

— Oh, très bien, fit Egrim, comprenant qu'il n'avait pas envie de parler. Bonne continuation, dans ce cas...

Elzor hocha la tête, tourna les talons et disparut dans la foule. Egrim fit la grimace. Il était un peu bizarre, celui-là...

Enfin, il reprit la route vers le stand de fruit et sortit son portefeuille de la poche arrière de son pantalon. Il remarqua alors, avec dégout, que ses papiers d'identité n'avaient plus une seule trace d'encre, lavé par l'eau de la mer. Au moins, son or était toujours là, et il attrapa une pièce pour la présenter au marchand. C'était un très jeune elfe, pas plus vieux que lui, avec des cheveux d'une étrange couleur gris foncé.

— Bonjour, monsieur ! Une pièce de bronze pour un pot de fruits.

Egrim sourit. Il fallait vraiment que l'autre soit un bébé pour qu'on l'appelle monsieur, lui qui n'avait que treize ans. Il lui donna une pièce d'or et prit les bleuets. Le marchand lui rendit la monnaie avec quatre pièces d'argent et neuf de bronze.

— Ouah ! Tu as un dragon sur l'épaule ! s'exclama soudain le jeune.

Il tendit la main, mais Jean se mit à grogner en présentant ses dents pointues. Le marchand écarquilla les yeux en reculant d'un pas.

— Oh, calme-toi, fit Egrim en lui donnant une légère claque sur une patte. Excuse-le... Enfin, tu vois ; c'est un dragon ! Il ne faut pas trop leur en demander.

la légende de Nyirdall, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant