Le lendemain matin, Leerian fut le dernier à se réveiller. Lui qui était en général un lève-tôt avait à peine pu fermer l'œil de la nuit. C'était la faute de la lune qui, bien qu'elle ne fût qu'au trois quart pleine, avait toujours son effet hypnotisant sur lui. Elle était restée dans son champ de vision un long moment, et il avait passé autant de temps à la fixer, les yeux ronds et la bouche entrouverte, comme en transe. Il avait observé son déplacement lent et obsédant, jusqu'à ce qu'elle fût hors de vue. Alors seulement, il avait essayé de dormir. Et étrangement, l'insomnie avait pris le relai.
Leerian se réveilla seulement après avoir senti quelque chose contre son bras. C'était Danayelle qui lui donnait de légers coups de pied.
— Il va se lever, le prince déchu ?
Leerian grogna en se retournant sur le ventre. Danayelle haussa les épaules et s'éloigna, allant s'asseoir près du feu mort. Elle avait presque terminé de manger sa pomme en guise de petit déjeuner, et Mishi était dans le lac depuis une demi-heure déjà. Sous l'eau, celle-ci s'était attrapé quelques poissons à mains nues et les avait dévorés aussi surement qu'un piranha, n'y laissant que la tête, la colonne vertébrale et les organes. Il était plutôt difficile pour elle de mâcher et de retenir sa respiration en même temps, mais elle avait préféré faire un effort que d'offrir cette vision d'horreur aux elfes. Leerian était dégouté rien qu'à la voir manger un steak tout à fait ordinaire ; un poisson cru et encore frétillant entre ses doigts, il se serait probablement évanoui.
Danayelle avait terminé sa pomme et Mishi était ressortie du lac quand Leerian eut enfin la force de se mettre en position assise. Il regarda autour de lui, s'efforçant de se souvenir pourquoi il avait dormi sur l'herbe et non dans son lit. Et il se demandait surtout où était la bouilloire pour faire son thé.
— C'est trop mignon, comment tu as l'air complètement perdu, fit Mishi d'une voix douce.
Leerian leva les yeux vers elle, perplexe. Et ce fut seulement ensuite que l'idée lui revint et qu'il réalisa qu'il n'aura pas son thé matinal. Il grogna en frottant ses mains sur son visage, espérant se réveiller un peu, et sortit une pomme de ses affaires qu'il dévora rapidement. Il jeta le trognon au loin et, enfin, se leva et passa les bretelles de son sac sur ses épaules.
— Je suis prêt ! On peut repartir !
— Déjà ? s'exclama Mishi.
— Oui, déjà ! renchérit Danayelle qui s'était approchée à son tour. Si on ne traine pas, on pourra arriver à Yglas dès demain matin !
— Et après-demain, je serai de retour chez moi ! continua Leerian.
— Et moi, à l'Institut !
— Y'a que moi qui suis contente d'être là ? dit Mishi en faisant la moue.
— Oui, répondirent Leerian et Danayelle d'une seule voix.
Mishi soupira en levant les yeux au ciel. Elle commençait à avoir du mal à se faire une idée duquel, entre les deux elfes, était plus nul que l'autre. En tout cas, Leerian lui semblait moins désespérant maintenant qu'elle avait matière à comparer.
Sans lui permettre de répliquer, Danayelle s'était déjà mise à marcher, contournant le grand lac, Leerian sur ses talons. Mishi prit rapidement son sac, son carquois et son arc, passant le tout en bandoulière, et courut pour les rattraper.
— Toi, au moins, tu aurais pu m'attendre, grogna-t-elle en s'agrippant au bras de Leerian.
— Si je t'avais attendu, tu aurais pris ton temps.
— Ouais, logiquement !
Leerian sourit pour Mishi alors que celle-ci plissait les yeux. Danayelle, quelques pas devant, pouffa de rire, amusé du duo qu'elle s'était récoltée. Elle était bien heureuse de les avoir trouvés ; la route était tellement ennuyante, seule. Maintenant, c'était presque une partie de plaisir. Presque.
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la légende de Nyirdall, Tome 1
FantasiDans le pays de Nyirdall vit un nombre incalculable de créatures : elfes, fées, sirènes et autres dragons. La féerie et la magie sont les maîtres mots de ces terres où la beauté n'est plus un critère à douter. Leerian y vit, reclus. Peureux et soli...