Chapitre 26

88 18 48
                                    

Quand les filles étaient parties dans une direction, Egrim avait pris une autre, s'aventurant au hasard dans la ville en trainant les pieds. Il avait besoin d'un moment de solitude pour réfléchir à ce qu'il venait de découvrir sur lui-même. Plusieurs heures s'écoulèrent avant qu'il ne se décide enfin à retourner vers la forêt pour chercher Leerian.

*

Leerian, pendant ce temps, venait tout juste de se réveiller.

Il était étendu au sol, à moitié assis, à moitié tombé. Une douleur sourde le compressait du côté droit par sa drôle de position. Il était engourdi, peinant à soulever les paupières. Que s'était-il passé ? Des images de sang et de meurtre défilaient dans son esprit, mais ce n'était que des résidus du rêve qu'il avait surement fait... n'est-ce pas ?

Tous ses espoirs s'envolèrent quand il parvint à se redresser, adossé à un arbre, et qu'il baissa les yeux. Il était recouvert d'hémoglobine ; son pantalon, son teeshirt, ses pieds nus... ses mains, dont l'une serrait toujours la garde en or de son épée d'argent. Et ironiquement, la lame semblait être la seule partie épargnée.

Leerian se pencha de côté et vomi ses tripes dans les fleurs. La bile lui brûlait la gorge, des larmes amères glissaient sur ses joues. Il avait horreur du sang, et pourtant, le souvenir était cuisant dans son esprit. C'était lui qui avait fait ça. Il l'avait fait pour un simple objet.

Des pleurs lui échappèrent, quelques gémissements pitoyables aussi. Il se recroquevilla sur lui-même et y demeura pendant une heure ou deux. Quand enfin ses larmes se tarirent et qu'il eut la force de lever les yeux, il remarqua qu'une pixie l'observait avec beaucoup d'intérêt, assisse sur une branche.

— Qu'est-ce que tu regardes ? grommela Leerian d'une voix faible.

— Toi.

Leerian appuya ses mains contre son visage. Il n'avait pas la patience d'endurer une conversation avec une pixie.

— Dégage, laisse-moi tranquille...

— J'ai une prophétie pour toi. Tu veux l'entendre ?

— Mmm...

— Si tu ne te lèves pas tout de suite, ta vie va prendre un drôle de tournant... auquel tu vas faire un meurtre et un suicide dans moins de dix minutes.

Leerian écarta ses mains de son visage pour reporter son attention à la pixie. Elle n'était plus sur sa branche, elle volait en s'approchant lentement de lui. Ses ailes bleues vibraient à toute vitesse derrière son dos.

— À une cinquantaine de mètres, tu vas trouver un étang. Va prendre un bain !

Sur ce, la pixie partit ensuite, laissant quelques étincelles derrière elle. Leerian soupira entre ses lèvres. Il entreprit de se lever, serrant les dents à tous ses muscles qui hurlaient de consternation. Son moment de prouesse, ce matin, avait déployé des forces insoupçonnées, et le contrecoup était puissant. Malgré tout, il n'avait pas envie de faire un suicide dans les dix prochaines minutes, comme lui avait dit la drôle de pixie. Alors il marcha, un petit pas à la fois, à travers les arbres et les buissons, trainant son épée derrière lui, la main sur la garde et la pointe de la lame traçant un chemin dans la terre.

Il trouva effectivement un étang. Mais il avait été si lent qu'au moins sept minutes s'étaient déjà écoulées. Il posa donc son épée près de la berge et s'avança dans l'eau, sans retirer ses vêtements poisseux, jusqu'à être complètement enseveli, retenant son souffle pour y rester aussi longtemps que possible.

L'étendue n'était pas très grande ni profonde. Une vingtaine de mètres de large et à peine un de profond, juste de quoi exciter Mishi si elle l'avait découvert. De minuscules poissons frôlaient les jambes de Leerian et une sorte de mousse gluante lui chatouillait les orteils.

la légende de Nyirdall, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant