CHAPITRE 3

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[MATT]

21 janvier,

Jenifer. Elle a quelque chose en plus des autres femmes. Je n'ai jamais su ce que c'était, mais elle est tellement mieux que toutes les autres. Pourtant, ça ne m'a pas empêché de la quitter il y a quelques années. Est-ce que je regrette ? Tous les jours. Mais c'était ce qui était bon à faire pour nous deux. Elle avait peur. Elle me le disait. Je la prenais dans mes bras pour la rassurer, mais j'étais tout aussi terrorisé qu'elle. Je ne voulais pas qu'on lui fasse du mal et j'avais compris que si je restais avec elle, c'est ce qu'on allait lui faire. En plus de tout ce qui était média, il y avait aussi nous deux. On s'aimait. Comme des fous. Cependant, on était épuisé par cette envie récurrente d'avoir un bébé tous les deux. On n'y arrivait pas et peut-être que c'était mieux comme ça. Elle n'aurait pas tenu, enceinte de moi, face aux médias. Je parle d'elle, mais moi non plus je n'aurais pas tenu, j'aurais pété des câbles à voir la méchanceté de certains. Notre relation commençait à se connaître et certains nous insultaient déjà. La voix masculine du train nous indique que nous arrivons bientôt en gare de Strasbourg. Je souris instinctivement, tout comme Jenifer. Mes yeux n'arrivent pas à regarder ailleurs qu'en sa direction. Elle est si belle...

— Bon, je profite de ces dernières minutes pour aller aux toilettes, lance Michèle en se levant.

Je la laisse passer et je me retrouve seul avec Jenifer. Il me semble qu'elle soupire. Bien sûr, elle ne veut pas être seule avec moi. Je doute de réellement le vouloir aussi. Ça voudrait dire qu'on devrait discuter. J'aimerais lui parler, mais je n'ai pas envie d'entendre sa voix grave, celle où elle est en colère. Depuis le début du trajet, nous n'avons échangé aucun mot, si ce n'est des banalités. Oui, elle semble dans ses pensées, encore maintenant. Mais c'est Jenifer, elle est toujours en train de penser à plein de choses.

— Je te jure que je ne savais pas que tu étais dans ce train Jenifer.

La brune en face de moi relève la tête et me regarde. Ses yeux me transpercent et elle semble dépourvue de réponse, ne sachant pas vraiment quoi me dire. Qu'est-ce qu'il y a à dire par rapport à ma phrase ? Rien. Mais je voulais qu'elle me regarde, je voulais engager la conversation. Seulement, tous les deux, je ne pouvais pas rester muet jusqu'à ce qu'on arrive.

— Je me doute Matthieu, sinon j'espère que tu aurais pris le prochain.

Pour sûr, j'aurais tout fait pour prendre celui-là si le hasard n'avait pas joué en ma faveur. Puis son « Matthieu ». Elle est la seule à prendre le soin de m'appeler comme ça. On m'appelle toujours Matt ou même M. M, je ne sais pas vraiment pourquoi, mais bon. Mais Jenifer, elle m'a toujours appelé par mon prénom, du moins, dans notre intimité.

— Mais ça me fait plaisir de te voir, avoué-je en baissant la tête.

— Il ne faut pas.

D'un coup, ma nuque se redresse. Pourquoi il ne faut pas ? Parce que ça fait cinq ans ? Parce qu'on s'évite depuis ce temps-là ?

— Même si on a notre relation d'aujourd'hui, j'ai le droit d'être heureux de te voir, non ?

— Tu ne devrais pas. De toute façon, après ce train, on ne se parle plus. Tu sais que c'est mieux comme ça. Puis tout ça, c'est de ta faute Matthieu.

Je sais. Tout ça, je le sais, mais le fait qu'elle le dise me fait l'effet d'une claque. Elle soupire et j'ai l'impression que mes yeux se mouillent. Ma main droite devient moite. Il faut que je parte. Ce sera mieux pour nous ou du moins pour elle.

— Je vais aller m'occuper de ma valise, dis-je.

J'espère une réponse de sa part, mais je n'ai rien. Je finis par me lever. Je m'oblige à ne pas la regarder et je m'en vais vers ma place initiale. Là, j'attrape ma valise et quand ça bouge du côté de Jen, je ne peux m'empêcher de poser les yeux sur elle. Un sourire naît sur mon visage quand je la vois debout et il se fait plus large quand je la vois galérer à essayer d'attraper sa valise. La mienne au bout de ma main, je m'avance vers elle.

— Tu veux que j'attrape ta valise ?

— Non. Ça ira, merci.

Je souris faiblement et je la laisse tranquille. Je m'écarte, mais elle ne parvient toujours pas à attraper sa valise. Son regard se promène sur le couloir en espérant voir revenir Michèle, mais cette dernière semble avoir disparu. Alors que je remarque qu'on arrive véritablement à la gare, je me rapproche de Jenifer, ne lui demande pas son avis et attrape sa valise pour lui donner. Quand je lui pose par terre, elle pose tout de suite ses mains sur sa valise et nos doigts se frôlent. Mon regard tombe dans le sien et elle bafouille un merci. Pour ne pas faire de traitement de faveur, j'attrape aussi celle de Michèle. Le train s'arrête et la blonde nous rejoint, s'excusant, car elle a vu quelqu'un qu'elle connaissait dans l'autre wagon. Je n'ai pas envie de lui en vouloir, mais en même temps, je ne peux pas m'en empêcher. Elle ne serait pas partie aussi longtemps, Jenifer ne m'aurait pas mal parlé. Mais d'un autre côté, si elle avait été là, je n'aurais pas eu ce contact avec Jen, je n'aurais même pas eu ce minime sourire sur ses lèvres après lui avoir donné sa valise.

— Bon, on y va ? Lance Michèle enthousiaste.

— Oui, allons-y, répond Jenifer.

La petite brune empoigne sa valise et commence à s'avancer vers la sortie du train. Je laisse Michèle passer avant moi et je ferme la marche.

INCENDIE [JENIFER X MATT POKORA]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant