INCENDIE [JENIFER X MATT POKORA]

CHAPITRE 1

[JENIFER]

20 janvier,

Je tourne en rond dans mon appartement, mes feuilles dans les mains, mes doigts les froissant légèrement. Je ne retiens pas ce foutu texte. On le sait, je suis mauvaise pour tout ce qui est mémorisation, pourtant, j'ai envie de bien faire. D'habitude, ça fait rire les gens, les autres quand je ne retrouve pas mes mots, mais là, je n'ai pas envie qu'on se moque de moi, je veux qu'on soit fière. Mais je ne sais pas, il y a quelque chose qui bloque, quelque chose qui fait que je n'arrive pas à retenir ces quelques phrases. J'ai envie de me dire que c'est parce que je partage ce sketch avec Pierre, mais je ne veux pas rejeter la faute sur lui. Mais après tout, il est humoriste, il apparaît sur scène, les gens rigolent. Les gens ne sont pas censés rire quand j'arrive, en plus ça me mettrait trop mal à l'aise. Je n'aurais pas dû accepter de faire ce sketch. Alors que je vadrouille toujours dans le séjour, à répéter mes répliques à haute-voix, la porte de l'appartement s'ouvre. Je n'y prête pas forcément attention. Ce n'est que lorsque mon petit-ami, Jackson, apparaît dans la même pièce que moi que je me stoppe. Il dépose ses affaires et vient vers moi. Ses bras entourent mon corps et nous nous embrassons.

— Tu es encore sur ce sketch des Enfoirés ?

— Il faut croire.

— Tu as appris de nouvelles répliques ?

— Non. Je ne retiens rien. J'ai l'impression de revenir des années en arrière, quand je devais apprendre les poésies pour l'école.

Il me lâche et éclate de rire. Je le regarde s'en aller dans la cuisine. Je laisse mes feuilles sur la table basse du séjour et je souffle.

— Tu n'as pas fait à manger ?

— Non. Je n'ai pas eu envie. Puis, je me disais qu'on pouvait commander un truc pour ce soir, puisque c'est notre dernière soirée avant mon départ.

Il revient vers moi, plaque ses mains sur mon visage.

— Tu sais que tu vas me manquer belle Jenifer.

— Je sais. Tu vas me manquer aussi. Mais tu sais, ça me fait plaisir d'y aller.

— Oui je sais. Puis le jour où on t'enlèvera à tes Enfoirés, c'est que tu seras morte.

— Exactement, rié-je.

Il m'embrasse une nouvelle fois et part s'asseoir sur le canapé. Je le regarde faire. Mes mains viennent se poser sur mes hanches. Il compte rester là comme ça à ne rien faire ? On devait commander à manger, non ? Il va encore attendre que ce soit moi qui le fasse. Je soupire. Du coin de l'œil, je le vois prendre les feuilles. Pendant ce temps, je vais chercher les prospectus que l'on utilise toujours pour choisir nos menus.

— Rappelle-moi Jen. Tu fais ce sketch avec Pierre Palmade, c'est ça ?

— Oui.

— Et vous jouez un couple ? Tu sais que ce n'est pas crédible du tout. Il ne va pas te faire de mal.

— C'est un sketch, on s'en fiche que ce soit crédible ou non. C'est pour faire rire les gens.

— Te voir en couple avec lui, oui ça va faire rire du monde.

Je lève un sourcil en le dévisageant. Parce qu'il croit que nous voir tous les deux ça ne fait pas rire les gens ? Bref, je m'assois à côté de lui et dépose les papiers sur la table.

— Tu veux qu'on mange quoi ?

— Comme tu veux Jenifer. Je relis votre sketch.

Je lui arrache les feuilles des mains.

— C'est bon, ce n'est pas crédible, le sketch est tout de même drôle. Arrête tes jugements.

— Je t'imaginais juste dire ça, ça me faisait rire.

— Arrête, s'il te plaît. Dois-je te rappeler ta paie à la fin du mois ?

— Pourquoi tu pars sur ce terrain-là Jenifer ?

— Parce que tu gagnes plus que moi avec ton football et tu n'es pas capable de donner un centime pour les gens dans le besoin.

— Parce que toi tu le fais ?

— Mais moi je donne de mon temps pour eux.

— Ouais tu vas te montrer, comme tous les autres.

— Donc tu es comme ceux qui critiquent ? Tu me dégoûtes, mange tout seul ce soir.

Je reprends mes feuilles de sketch et je me lève du canapé.

— Attends, Jen, tu vas où ?

— Là où tu n'es pas.

— Ça va ! Jen, je peux en donner de l'argent pour des associations ! Boude pas.

Je me retourne violemment vers lui.

— Je ne boude pas. Mais tu entends comment tu parles ?

— C'était pour rire. Je sais que c'est déjà beaucoup de faire ces spectacles. Et en plus, tu ne vas pas juste te montrer.

— C'est trop facile de t'excuser après Jackson.

Il se lève du canapé et vient vers moi. Il tente de me prendre dans ses bras, mais je m'en défais.

— Il te prend quoi Jenifer ?

— Rien. Juste, tu me dégoûtes.

— Je me suis excusé. Tu veux que je fasse quoi ?

— Que tu me respectes un peu, non ? Ça te changera de d'habitude.

— Ça va Jenifer. Si tu ne comprends pas l'humour, ce n'est pas de ma faute. On va s'engueuler à cause de ça ? Tu pars demain matin pour tous les retrouver, moi je ne vais pas t'avoir pendant une semaine. Fais pas la gueule la veille de ton départ, j'ai horreur de partir fâcher en plus.

Je souffle et il parvient à me prendre contre lui. Je m'emporte quelques fois trop facilement. Il ne faut pas. Puis Jackson n'a pas le fond méchant, c'était pour rire. Ses mains caressent à présent mes joues et il dépose un baiser sur mon nez.

— Allez, viens, on va commander à manger, j'ai les crocs.

Je hausse simplement les épaules et je l'accompagne jusqu'au canapé. Il choisit finalement ce que nous allons manger, des pizzas. Il prend même l'initiative de téléphoner. Il nous reste une vingtaine de minutes avant que le livreur arrive. Jackson est affalé sur le canapé, d'un geste de la main, il m'invite à venir me mettre contre lui. Sur le coup, je n'en ai pas réellement envie, je suis bien sur mon coin de canapé, mais à quoi bon envenimer les choses ? Je viens donc contre lui, posant ma main sur son torse. Le reportage people à la télé se termine pour qu'un autre commence. Mon corps se tend au nom énoncé par le présentateur. Je ne sais pas si Jackson le sent, mais il commence à cet instant à caresser mon bras. J'aimerais qu'il change de chaîne, mais il ne le fera pas. Il a un léger rire. Je relève la tête vers lui et le questionne du regard.

— Il sera là cette année aux Enfoirés ?

— Oui.

Ça ne répond pas à ma question, pourquoi il rigole ? Mais oui, comme chaque année, Matt sera là. Il est comme moi, il tient à ce moment, il tient à cette association, il veut faire du bien autour de lui. C'est Matthieu.