CHAPITRE 5

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[JENIFER]

23 janvier,

Mes muscles se raidissent d'un coup. Mes yeux se mouillent. Pourquoi il m'a appelé comme ça ? Pourquoi ? J'ai envie de me tourner et de lui hurler dessus, mais je suis incapable de faire le moindre geste. Je me suis cependant arrêtée, d'un seul coup, comme si ce surnom m'empêchait de faire un pas de plus. Dos vers lui, je m'énerve.

— Pourquoi tu m'as appelé comme ça ?

— Parce que je savais que tu allais t'arrêter.

Cinq ans. Cinq putains d'années sans l'entendre m'appeler comme ça et en une fraction de seconde, il choisit de le faire et je suis submergée par mes souvenirs. J'arrive à me tourner vers lui, même mes jambes s'activent pour m'avancer vers lui.

— Tu n'aurais pas dû m'appeler comme ça Matthieu.

— Je sais.

Il semble désolé et moi, j'ai simplement envie de pleurer. Ça fait aussi cinq ans que nous n'avons pas été aussi proches physiquement. La dernière fois qu'on l'a été, c'est quand nous avons fait l'amour une dernière fois avant de se quitter. On s'est abîmé ce jour-là, ça a laissé une plaie ouverte depuis tout ce temps.

— Tu peux me dire à quoi tu joues ? Tu sais très bien que je ne veux pas qu'on se parle, qu'on se voit. J'ai déjà pris sur moi dans le train la dernière fois.

— Je sais.

— Tu ne sais pas dire autre chose ou quoi ?

Une larme coule sur ma joue et je l'essuie tout de suite avant de repartir.

— Alors on laisse tomber ce sketch pour ce soir Jenifer ? Ça semblait faire plaisir à Pierre qu'on le fasse tous les deux.

— Et moi, ce qui me fait plaisir tu t'en fous ?

— Non. Non je ne m'en fous pas.

On a l'air complètement stupides en plein milieu du couloir. Des portes de chambres s'ouvrent et des artistes en sortent. Je sens Matthieu m'attraper le bras.

— S'il te plaît, on va discuter ailleurs qu'en plein milieu du couloir. Je suis sûr qu'on peut trouver une solution.

Je défais mon bras de sa main et j'avance. Il me suit. On trouve une pièce avec des éléments du décor, mais on sera seuls ici.

— Je ne veux pas faire ce sketch avec toi Matthieu.

— Je peux le comprendre. Mais quand Pierre m'a dit qu'il n'était pas bien hier soir, ça m'a fait chier pour vous deux. Tu sais, je vous ai vu répéter ces derniers jours et tu semblais vraiment heureuse de faire ce sketch. Ça fait longtemps qu'on ne t'a pas vu faire un sketch aux Enfoirés. Même, moi ça fait longtemps que je ne t'ai pas vu t'amuser.

Je lève la tête vers lui. C'est quoi ces discours de lover d'un coup ?

— Ça pourrait être de l'histoire ancienne nous deux, juste pour ce soir.

— Je ne peux pas Matt. Quand je te regarde, j'ai l'impression que tu vas me dire que tu vas partir, encore une fois.

— Je suis désolé pour ce que je t'ai dit à ce moment-là, mais c'était mieux pour nous.

Pour nous ? Non. J'avais peur. J'étais terrorisée face aux rumeurs sur notre couple, mais je voulais qu'il soit là, protecteur comme toujours. Et au lieu de me prendre dans ses bras, de me dire des mots rassurants, il m'a quitté comme une grosse merde. Ce n'est pas lui qui n'arrive pas à avancer depuis cinq ans. Non, lui, il a sa copine maintenant. J'ai besoin de l'avoir loin de moi pour aller mieux.

— Si tu ne veux pas faire ce sketch, tu vas le dire toi-même à Pierre.

Mes bras tétanisent. Comment va réagir Pierre ? Il va être déçu, pour les gens, pour le spectacle, mais aussi de moi. Est-ce que je ne pourrais pas prendre sur moi juste pour ce soir ? Ce sketch ne dure que cinq minutes, ça devrait le faire, non ? Pour Pierre.

— D'accord Matthieu. Peut-être qu'on pourrait le faire ensemble. Pour faire plaisir à Pierre.

Un sourire naît sur le visage de mon ancien compagnon. Il me fait sourire en retour. Merde, je faiblis ou quoi ?

— Avant que tu changes d'avis, je vais chercher le texte du sketch, je n'ai pas trop réussis à l'apprendre par cœur encore.

— Vas-y, je t'attends.

Ma voix s'est adoucie. Matt part heureux de la pièce pour aller chercher les feuilles de texte. Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Rien. Ce n'est que cinq minutes sur une soirée entière. Bon, là, il va falloir que l'on répète ensemble, mais d'ici dix minutes, je pourrais trouver une excuse pour m'en aller. Je lui dirais qu'il n'a qu'à apprendre son texte et on verra ce soir. Alors que je suis dans mes pensées, il revient. Je suis surprise par son retour rapide.

— J'ai le texte. Tu le connais toi ?

— Je fais au mieux. Ils vont me mettre le prompteur.

— Je crois que c'est le mieux. Ils devraient le mettre pour moi aussi.

Il s'assoit sur l'une des tables et relis le sketch. Je prends place sur une chaise en face de lui.

— Il va falloir que tu m'aides, me lance-t-il.

— Pourquoi ?

— Je ne connais pas du tout le décor, ni rien.

Je me mets à rire doucement. Je regarde autour de nous et je réfléchis. Je me lève et je déplace la chaise ainsi qu'un carton.

— Là, il y a le canapé, c'est le salon, là où se passe la scène. Et la chaise, c'est la caméra. Tu as déjà vu l'émission « Confession Intime » ?

— Ouais.

— Bah la chaise c'est le moment où ils sont face à la caméra pour dire leur désarroi.

— Je vois je vois.

Il se lève et me rejoint.

— Donc toi, tu commences par plier le linge sur le canapé.

— Ouais, et il y a la voix off qui parle de nous. Puis tu passes la tête et tu me dis, bah tu fais le linge.

— D'accord. La voix off c'est ?

— Kad Merad.

Tous les deux, on avance dans le sketch, je lui explique en gros où on doit se placer, ce que nous devons dire, l'intonation que l'on doit prendre. Il arrive au moment que je redoutais, celui où nous devons véritablement parler.

— Tu faisais quoi avec Pierre à ce moment-là ?

— On se cache derrière un CD de Johnny pour faire croire.

— Super.

Il me semble plus détendu de ne pas à avoir à m'embrasser. Clairement, moi aussi je le suis. Je ne voulais pas l'embrasser, même pour rire.

— Tu crois que l'on va pouvoir répéter avec le décor ?

— Je ne sais pas Matthieu. Le dernier jour, ils préfèrent les gros tableaux, pas les petits sketch comme nous.

— J'avoue. Bon, on verra bien ce soir. En tout cas, je suis content de le faire avec toi.

— Moi aussi.

Je baisse la tête, je ne veux pas qu'il voit que le rouge me monte aux joues. Je dois être honnête avec moi-même, je prenais grand plaisir à le faire avec Pierre, parce que nous avons beaucoup discuté autour de ce sketch, mais je suis contente que ce soit Matthieu qui reprenne ce rôle pour ce soir, pour remplacer Pierre. Je me trouve gênée avec lui, dans cette petite pièce. Il doit le ressentir puisqu'il nous permet de nous séparer pour aller répéter le reste du spectacle.

INCENDIE [JENIFER X MATT POKORA]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant