CHAPITRE 38

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[JENIFER]

25 juin,

Je serai toujours là pour toi. C'est un truc comme ça qu'il m'a dit une fois, non ? J'ai envie de rire, mais je suis déjà en train de pleurer. J'essuie mes larmes. Ça me fait chier, il va falloir que je retourne me maquiller. Je m'étais promis de ne pas pleurer. Mais il a suffi que je prépare mes affaires pour l'échographie pour que je me mette à chialer. Putain d'hormones.

Je sais que Matthieu ne sera pas là, j'en ai assez pleuré, pas besoin de chialer encore. Je vérifie une dernière fois que tout soit en ordre pour mon départ avant de remonter à la salle de bain. Je ne suis qu'à cinq mois de grossesse, mais je suis essoufflée en arrivant en haut. C'est mort, à huit mois, je dormirais dans le canapé, je n'irais jamais dans la salle de bain, tant pis. Je vais jusqu'à la pièce, je sors mon maquillage et je me regarde dans le miroir. Wouah, il y a tout à refaire. Je me démaquille et je reprends mon crayon pour commencer mon trait. Je me regarde avec la plus grande des précautions. Mes yeux se mouillent. Sincèrement, est-ce que c'est nécessaire de se maquiller pour aller à l'hôpital ? Si c'est pour que je pleure et que mes joues soient ruinées par mon maquillage qui a coulé, je crois que ce n'est pas de première nécessité de se maquiller. Tant pis, je ne ressemble à rien, mais je ne suis pas au bout de mes surprises pour ma dégradation physique à cause de ma grossesse. Il y aura bien un jour où je n'arriverais plus à mettre mes chaussures et je l'appréhende énormément. Soudain, mon bébé donne un coup. J'ai l'habitude, mais je suis toujours surprise. J'adore cette sensation. Je pose ma main sur mon ventre. Il redonne un coup. Matthieu n'a jamais senti ça. Ça fait longtemps que je le sens taper à l'intérieur, mais je ne lui ai jamais fait sentir. Une larme coule sur ma joue, je l'essuie de suite.

— Bon, il faut qu'on y aille. De toute façon, toi t'es bien obligé de me suivre.

D'ici une heure trente, je vais savoir si je parle à un petit garçon ou à une petite fille. J'ai vraiment hâte. J'ai l'impression que ça va changer beaucoup de choses. Déjà, je vais pouvoir commencer à faire des achats, lui acheter exclusivement du bleu et des trucs de mec si c'est une petite fille ou inversement. Je m'impatiente, mais en tout cas, je retrouve le sourire. Je quitte la salle de bain et je vais retrouver mes affaires. Je m'autorise une dernière vérification et je quitte la maison.

Matthieu n'était pas là cet après-midi, j'ignore totalement où il est, comme à peu près pour toutes les fois où il sort. Il ne me dit rien. Quelques fois, seule, je me demande s'il ne va pas voir quelqu'un d'autre, une autre femme. Une femme qui sera capable de lui faire un enfant qui ne sera pas malade. Est-ce qu'il revoit Florence ? Sur mon volant, ma main tremble. Non, il ne revoit pas Florence. Non, il ne voit aucune autre femme. Il est juste distant. Si ça se trouve, il ne veut pas me quitter, car je suis enceinte...

Bêtement, je veux connaître le sexe du bébé, car ça, je lui dirais et j'espère que ça débloquera quelque chose entre nous. Je veux soit qu'on s'aime, soit qu'on se quitte, mais je n'en peux plus de cette situation, de cette attente permanente. Je suis sûre que je serais capable de m'occuper de mon enfant seule. Beaucoup de femmes le font. Je pleure encore, heureusement que je ne me suis pas remaquillée.

Je me gare sur le parking de l'hôpital, quand je trouve enfin une place. J'essuie correctement mes yeux et je descends de mon véhicule. En marchant, je sors le papier de mon rendez-vous. Il est écrit que je dois directement aller au service. Je passe par l'accueil de l'hôpital, sans m'y arrêter et je monte jusqu'au service. À cet accueil-là, j'attends mon tour. Je donne le papier à la dame au bureau, ainsi que le nom du médecin. Elle regarde ma pièce d'identité et me dit d'aller patienter dans la salle d'attente. Je m'avance vers cette salle et quand je passe la tête, je vois plein de personnes qui attendent déjà. Je salue les gens et je vais m'asseoir sur une chaise libre. Là, je patiente. Je m'impatiente aussi. Je suis arrivée beaucoup trop tôt, vingt minutes avant l'heure du rendez-vous, mais j'ai toujours peur d'être en retard. Il y a des mamans avec des papas, des mamans avec sûrement leur maman, des mamans seules. Certaines ont un ventre prononcé, d'autres moins. On est toute différente, mais au fond, je crois qu'on se ressemble toute un peu ici. Dans ma poche, mon téléphone vibre. Je l'attrape et je regarde ce que j'ai reçu. Un message d'Amel, qui me fait sourire.

[De Amel : Hâte de savoir si je vais être tonton ou tata, n'oublie pas de m'appeler. Je t'aime]

Amel n'est pas au courant de tout. Je ne lui ai jamais parlé de la trisomie de mon enfant, je ne lui ai pas dit non plus qu'avec Matt, ça ne va pas. D'habitude, je lui dis tout, mais cette fois, j'ai tout gardé pour moi. Au lieu de me tourner vers ma meilleure amie, je me suis tournée vers ma mère. À elle, je lui ai tout dit, la maladie, la réaction de Matt. Elle m'a dit d'être patiente, que le temps me dira si Matt est le bon pour le bébé. Puis, pour la trisomie, elle était d'accord avec moi, ça rendra mon enfant magnifique. Pour en revenir à Amel et à son message, ça vient d'un vieux truc qu'on avait lu sur Internet où une fille demandait sérieusement si elle allait être tonton ou tata, on était partis en fou rire toutes les deux. Je lui avais envoyé le même style de message pour Shawn, elle avait ri. Là, elle me fait rire avec son message et ça me fait du bien.

La porte de la salle d'attente s'ouvre. Je ne relève pas tout de suite la tête, de toute façon, ce n'est pas pour moi, ce n'est pas l'heure de mon rendez-vous et je doute que le médecin soit en avance. Cependant, je finis par lever le regard et il tombe sur Matthieu. Matthieu ? Qu'est-ce qu'il fait là ? Mes mains se mettent à trembler. Il me cherchait du regard, quand il me trouve, il s'excuse et s'avance vers moi, en oubliant de refermer la porte derrière lui. Tant mieux, ça fera rentrer un peu d'air. Il vient s'asseoir près de moi. L'avoir si près de moi me donne envie de pleurer.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Il me sourit. Arrête de me sourire et dit moi Matthieu.

— Matt...

Il pose sa main sur ma joue.

— Je viens connaître le sexe de notre bébé.

Mais...

— Ne pleure pas ma belle, me chuchote-t-il en venant embrasser mon front.

Je n'arrive pas à y croire. Il est là. Il ne m'a pas lâché. Il n'est pas avec une autre, il est là pour moi. D'un coup, le bébé se met à taper dans mon ventre, comme s'il voulait montrer son enthousiasme à entendre son père avec nous. J'attrape la main de Matthieu et la pose sur mon ventre. Le bébé arrête. Il est chiant celui-là. Matt me regarde et ne sent rien. Bien sûr qu'il ne sent rien, notre bébé veut jouer avec nous. Puis, il tape une nouvelle fois. Les yeux de Matthieu s'ouvrent et il me sourit.

— C'est un ninja ?

— Je crois oui, dis-je en riant.

INCENDIE [JENIFER X MATT POKORA]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant