Le temps d'un été

24

- Voilà, tu sais tout.

Liam me regarde droit dans les yeux, un air désolé sur son visage mais je ne comprends pas cet air surpris. Je lui en ai beaucoup voulu, à l'époque, malgré que je ne le lui faisais pas forcément ressentir, il s'est foutu de moi en me donnant son numéro de téléphone et en me disant qu'il était là si j'en avais besoin mais ce n'était pas vrai. Il n'était pas là.

- Emma, je ne sais pas quoi dire.

- Ne dis rien. C'est fait, c'est fait. N'en parlons plus.

- Non, insiste le châtain. Je veux en parler car je n'ai jamais reçu d'appel de ta part, encore moins de message. Ce n'est pas moi qui t'ai répondu.

Il descend du plan de travail et me force à me tourner vers lui alors que mon sandwich est enfin prêt à être mangé.

- Liam, laisse tomber, soupiré-je. Tu ne dois pas t'en souvenir.

- Je m'en souviendrais !

Il passe ses mains dans ses cheveux en regardant autour de lui, comme pour retrouver la mémoire, puis continue :

- Bordel, si j'avais su que tu m'appellerais je serais resté collé à ce putain de portable, ne pense pas que j'ai voulu te blesser, jamais je ne t'aurais envoyé un message pareil.

- Arrête de t'emporter pour une chose aussi bête. Qui aurait pu répondre à ta place, hein ? Vous échangiez souvent vos téléphones entre vous ?

- Non, jamais... Pourquoi est-ce que tu ne m'en as jamais parlé ?

- Quand est-ce que tu voulais que je t'en parle Liam ? Pour moi, il n'y avait plus rien à dire, tu ne voulais pas m'aider, c'était clair dans ma tête. Puis, vous étiez tout le temps à trois, impossible de me glisser entre vous si je ne voulais pas me faire insulter par mon très cher frère.

- Tu m'en voulais ? C'est pour ça que tu faisais tout pour m'éviter ?

- Exactement.

Je soupire en rangeant les ingrédients qui ont servi à composer mon merveilleux sandwich que j'aimerais tant manger. J'essaie de conclure afin de le rassurer.

- Mais je ne t'en ai pas voulu longtemps, je n'ai jamais oublié mais je ne suis pas si rancunière...

Je lui offre mon plus beau sourire avant de croquer dans mon sandwich, tendant l'autre moitié dans sa direction pour essayer de lui rendre sa bonne humeur mais c'est raté ; il ne bouge pas. Ma conscience me crie de le croire, sans savoir pourquoi, je sens au fond de moi qu'il me dit la vérité, mais qui aurait pu écrire à sa place ? Comment est-ce que cette personne aurait-elle fait ?

Mon cœur se serre mais une partie de celui-ci ne peut s'empêcher de se réjouir en apprenant que Liam n'aurait peut-être jamais envoyé ce message. Dans le fond, ça ne lui ressemble pas.

- Emma, j'ai besoin de te parler de quelque chose d'important.

Je hoche mon visage et, la bouche pleine, je le regarde en l'incitant à continuer, heureuse de pouvoir changer de sujet.

- Je pense que Antoine n'est pas quelqu'un de sérieux... me dit-il doucement, comme pour ne pas m'énerver.

- Qu'est-ce que tu racontes ?

- Il n'est pas sincère.

Je mordille la croûte de mon sandwich de plus en plus lentement, sans le lâcher du regard. Je m'apprête à parler mais Samuel décide de rentrer en même temps, ce qui interrompt notre conversation.

- Putain, je suis mort.

Il nous salue rapidement puis s'ouvre une cannette de soda en s'installant à table, les coudes posés sur celle-ci et ses mains soutenant sa tête. Il a l'air au bout de sa vie. Je décide de lâcher Liam du regard malgré que celui-ci me supplie de ne pas en rester là.

- Je vais me doucher.

J'embrasse la joue de mon grand frère et passe au côté de mon ami sans un mot de plus. Les phrases qu'il vient de prononcer tournent en boucle dans ma tête, que ce soit dans ma douche ou lorsque je pars me coucher auprès de ma meilleure amie.

☾

Le lendemain, Dominique et moi sommes tellement concentrées sur nos tâches du jour que la matinée file, au point que nous en oublions de déjeuner sur le temps de midi.

- Emma, je file chercher une salade, tu veux quelque chose ?

Je finis l'un de mes traits au crayon noir puis relève mon regard vers ma patronne.

- Tu peux me prendre la même chose, c'est gentil, merci, dis-je doucement.

Je continue mes coups de crayon sur la feuille de papier lorsque je remarque mon portable vibrer, à côté de ma main. Je jette un coup d'œil par-dessus le mobile, un sourire sur les lèvres.

Liam : C'est vide sans toi.

Emma : Tu vois, c'est toi qui ne peux pas te passer de moi.

Liam : Merci pour le jus d'orange.

Emma : C'est bien parce que c'est toi.

Liam : Il est délicieux. Mais je n'aime pas trop la pulpe...

Emma : Dans ce cas, tu peux t'en faire toi-même.

Liam : Je te taquine. Tout est toujours parfait lorsqu'il s'agit de toi.

Surprise de lire ce genre de message de la part de Liam, ce n'est pas pour autant que ça ne me déplait.

- Qui est-ce qui te fait sourire comme ça ? Je ne t'ai jamais vu aussi rayonnante.

Je me saisis en entendant Dominique rentrer dans mon bureau, les joues brûlantes.

- Oh, ce n'est rien, juste un message de la part d'un ami.

- Ce fameux garçon qui m'a supplié de te laisser partir en vacances ?

Je fais les gros yeux et débarrasse mon bureau afin que nous puissions manger tranquillement.

- Peut-être bien.

- Il est plutôt mignon, me taquine ma supérieure.

Je ne réponds rien, ne voulant absolument pas parler de Liam avec Dominique, c'est beaucoup trop gênant.

Nous mangeons dans la bonne humeur et profitons d'une longue pause avant de reprendre le travail tandis que mes pensées se bousculent dans ma tête, entre plaisir et incompréhension. Un nouveau message apparaît sur mon écran mais je suis beaucoup trop concentrée dans la finition de mon dessin pour me laisser distraire par les conneries de Liam, persuadée qu'il s'agit de lui. Et rien qu'en y pensant, je jette un coup d'œil vers mon portable mais son nom n'y figure pas, à ma plus grande déception.

Sara : Soirée Karaoké ?

Emma : Ce week-end, je préfère. Je suis beaucoup trop fatiguée pour sortir ce soir.

Sara : J'avais oublié à quel point tu étais vieille dans ta tête.

Emma : Merci du compliment. Tu peux toujours essayer de rencontrer un mec, tes soirées seront plus divertissantes.

Sara : Non, ça ira, merci. En parlant de mec, comment va le tien ?

Emma : Pas de nouvelle, bonne nouvelle ?