Le temps d'un été

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- Alors, comment vont mes enfants ?

- Nous ne sommes plus vraiment des enfants, si tu ne l'avais pas remarqué, soupiré-je en prenant une gorgée de mon verre de vin.

Emma me fait les gros yeux mais je n'y fais pas attention, faisant trembler ma jambe de haut en bas en attendant patiemment que le dîner se termine.

- On va bien, merci papa. Et vous ? Comment ça se passe ? Tu restes longtemps en France ?

- Un petit moment, je pense. J'ai un dossier urgent à clôturer ici et ça prendra bien quelques semaines.

- Et maman ? demandé-je en fronçant les sourcils.

- Elle s'occupe de nos clients en Italie. Elle s'en sort bien toute seule alors... autant gérer plusieurs choses en même temps.

- La vie d'avocat, soufflé-je ironiquement.

- Sam !

- Je vois que tu n'as pas changé. Toujours pas de femme dans ta vie pour t'apprendre la politesse?

- C'était censé être votre job, à maman et toi.

Je lui souris, fier de moi, puis annonce ma commande à la serveuse qui nous accoste gentiment. Emma tend le menu vers elle une fois sa demande faite et me bouscule l'épaule par la même occasion, me mimant d'arrêter mon cinéma. Je connais ça par cœur, pas la peine qu'elle me fasse la morale.

- Comment ça se passe, au travail ?

- Très bien. On vient de terminer la nouvelle collection de printemps pour l'année prochaine, j'ai tellement hâte qu'elle sorte.

- C'est super ça. Et toi Samuel ?

- Très bien, merci, dis-je en jetant un œil à mon portable qui vient tout juste de vibrer.

Gabrielle : Courage pour ce soir. J'ai hâte d'être dans tes bras.

Un sourire discret prend forme sur mes lèvres et mon père le remarque instantanément, à mon grand désespoir.

- Qu'est-ce qui te faire sourire comme ça ?

- Rien du tout.

- Une fille, dit ma petite sœur, un sourire mesquin sur les lèvres.

- Qu'est-ce que tu racontes ? C'est Liam, il vient de m'envoyer une photo et ça m'a fait rire, c'est tout.

- Et Gabi, tu l'oublies ?

- Ferme-la, Emma.

- Qui est cette Gabi ? demande mon père en souriant, et je sais qu'il ne s'intéresse pas vraiment à nous, ce n'est qu'une façade.

- Gabrielle. C'est une amie à moi mais Sam n'a pas pu s'en empêcher.

Elle lève les mains en roulant des yeux tout en prenant un air innocent, le regard plongé dans celui de mon père. Emma a toujours eu les mêmes traits que lui, même petite elle était le portrait craché de notre père, les cheveux noirs, les yeux foncés et le teint basané, elle a tout l'air d'une colombienne, contrairement à moi qui tiens de ma mère. Je ne me suis jamais réellement entendu avec mes parents, encore moins avec mon père, nous n'avions aucun point commun, il ne s'occupait jamais de nous et ils nous ont tous les deux délaissés assez tôt. Pour Emma, ça a fait l'effet inverse, elle s'est raccrochée à eux lors de leur premier départ, elle ne supporte pas qu'ils soient loin de nous et elle s'extase dès qu'ils franchissent le pas de la porte.

- Félicitations fiston, tu me la présenteras ?

- Peut-être un jour, murmuré-je. Mais toi, dis-nous, Emma ? Comment ça se passe dans ta vie de couple en ce moment ?

Je croise les bras sur la table en me tenant légèrement en avant, faisant semblant d'être intéressé alors que je connais déjà la réponse. Bingo. La brune lève les yeux au ciel en haussant ses épaules, l'air de rien.

- Je ne suis plus avec Antoine. Content ?

- Ah et... tu n'es attirée par personne d'autre, c'est ça ? dis-je en riant doucement.

- Personne, non.

Son ton et son regard dur me prouve qu'elle est en colère. Tant mieux. Notre père nous regarde à tour de rôle alors que la serveuse nous apporte nos plats mais elle n'arrivera pas à nous interrompre.

- Dis papa, tu te souviens de Liam ?

Il acquiesce et je continue, heureux d'attirer encore plus l'attention de ma sœur. Qu'elle ose le nier, je ne suis pas dupe, je la connais par cœur.

- Il a enfin officialisé avec Téa, tu sais, mon amie qui venait souvent à la maison.

- Oh, magnifique ça ! On dirait que tout le monde trouve chaussure à son pied.

Il regarde Emma puis grimace en posant sa main sur la sienne.

- Désolé chérie.

- Ils vont tellement bien ensemble, dis-je en souriant de force et en mangeant mon plat, fixant Emma dans les yeux.

- T'as fini ?

- Je peux continuer si tu...

- Tais-toi.

Elle me jette un regard noir, je lui souris et nous mangeons ensuite dans le calme. Plusieurs fois, j'aperçois mon père se dandiner sur sa chaise et regarder son portable discrètement mais je ne m'y attarde pas, ça semble cependant gêner Emma qui l'observe toutes les trente secondes.

- Maman va bien ?

- Oui... Emma, ne t'en fais pas. C'est le boulot qui m'appelle mais je n'ai pas envie de répondre. Je suis avec vous, j'en profite.

- Est-ce qu'elle compte bientôt revenir à la maison ?

- Je ne sais pas chérie. On est sur un gros dossier, ça peut prendre plusieurs années alors... peut-être un week-end oui, mais je doute qu'elle puisse rester plus longtemps.

- Et toi si ?

- Oui, soupire notre père. Ecoute, on en parlera plus tard, tu veux ? Finissez de manger, on rentrera ensuite se regarder un film, comme au bon vieux temps.

- J'peux pas. Je dois... faire quelque chose.

- Vous ne devez plus vous cacher, tu le sais ? me demande Emma. A moins que tu ne dises pas tout, encore une fois.

- Tu comptes m'en vouloir combien de temps ?

- Autant de temps que vous nous avez caché votre relation.

- T'es qu'une garce.

Elle m'envoie un baiser volant mais je grimace en tournant le visage afin de terminer mon assiette. Plus vite elle sera vide, plus vite on pourra quitter le restaurant et je pourrai rejoindre Gabrielle chez elle, pour la première fois en tant que petit ami.