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Une semaine.

Une semaine que Emma s'enferme jour et nuit dans sa chambre, déprimée, à ressasser ses souvenirs avec Antoine. Une semaine que j'essaie, tant bien que mal, de la faire sortir de chez elle, de zapper sur des chaînes de comédie pour la faire sourire, de lui faire faire du sport, de commander à manger pour qu'elle se nourrisse un peu. J'essaie même de la faire rire ; mais rien ne fonctionne. Elle ne fait aucun effort.

Samuel et Sara discutent dans le jardin de la jeune femme afin de trouver une éventuelle solution pour retrouver la vraie Emma et je suis dans le salon à regarder des dessins animés –sans vraiment y être attentif– en attendant qu'ils décident quoi faire.

Perdu dans mes pensées, j'aperçois seulement maintenant le petit corps d'Emma qui s'installe sur le canapé, à mes côtés, tellement discrète que je ne l'ai pas entendue arriver. Ce qui me surprend le plus, c'est qu'elle a l'air beaucoup moins fatiguée que d'habitude, et non le maillot de basket jaune que porte la brune sur le dos depuis deux jours maintenant. Il lui appartient sûrement.

- Bien dormi ? demandé-je doucement.

Elle hoche son visage pour simple réponse et replie ses jambes contre sa poitrine en regardant l'écran de télévision.

- Tu as faim ? Tu veux que je te prépare une omelette ?

Elle secoue négativement son visage, habitué de n'avoir droit qu'à ces simples gestes afin de communiquer avec elle. Je peux d'ailleurs m'estimer heureux qu'elle me réponde, c'est assez rare qu'elle le fasse avec les autres.

- Des crêpes ?

Non.

- Des pancakes ?

Je comprends que j'insiste un peu trop lorsqu'elle ne me répond plus, absorbée par les dessins-animés face à elle. Je souris et suis rassuré de voir que son visage a repris quelques couleurs, ses cheveux lâchés et ondulés me prouvent qu'elle continue de prendre soin d'elle malgré tout.

- Tu reprends le travail cette semaine ?

Elle me fait non de la tête avant de poser son visage sur ses bras de manière à me regarder dans les yeux et mon cœur se serre. Elle a toujours cette lueur de tristesse dans son regard, cette petite étincelle qui ne brille plus dans ses yeux rend ceux-ci tellement sombres qu'on pourrait croire qu'elle a perdu toute joie de vivre.

- Tu devrais, ça te ferait du bien.

Elle ne me répond pas, encore une fois. Elle ferme les yeux pour ne plus me voir et je m'approche d'elle afin de poser ma main dans son dos.

- Reprends-toi, Emma. Le travail te rendait si heureuse, ce n'est pas possible que tu ne veuilles plus y retourner.

- Je n'en ai pas envie, Liam, me dit-elle froidement.

Elle se redresse et, finalement, je préférais quand elle ne parlait pas.

- Tu comptes rester à la maison et te morfondre sur toi-même combien de temps ?

- Autant de temps que j'en ai besoin. Ça ne te regarde pas.

- Si, ça me regarde ! crié-je, sans le vouloir. Tu n'es plus la même, tu ne vas pas bien Emma, on essaie de t'aider mais tu nous repousses sans cesse. De quoi as-tu besoin à la fin ?

- De lui ! J'ai besoin de lui, j'ai besoin de le revoir, de comprendre, de voir que tout était faux et qu'il ne m'a jamais fait ça.

Elle crie à son tour et est maintenant debout devant moi, les larmes aux yeux et les lèvres tremblantes.

- Mais tu te voiles la face. Tu ne veux pas admettre que c'est la vérité et que Antoine n'est pas celui que tu crois.

- Il a fait une erreur... murmure la brune.

- Non, ne commence pas avec ça.

Je ris nerveusement et me lève du canapé en passant ma main dans mes cheveux, faisant le tour de la pièce.

- Tu ne peux pas le défendre à ce point, ce n'est pas possible, soufflé-je en la regardant.

- On fait tous des erreurs.

- C'est vrai. Et j'en ferais une très grosse si je te laissais faire. Tu ne retomberas pas dans son piège, je ne t'y autoriserai pas.

- Je ne t'appartiens pas, Liam. Vous m'étouffez, tous autant que vous êtes !

- Je m'en fiche. Tu me remercieras plus tard, crois-moi.

- Quand ça ? dit-elle en riant faussement. Dans un an ? Ou peut-être par e-mail, quand tu seras reparti à Londres, dans ton putain de village ?

- Quel est le rapport ?

- Le rapport, c'est que tu fais tout pour me protéger mais que dans un mois, tu ne seras plus là. Tu nous abandonneras, comme il y a deux ans et tu retourneras à ta petite vie parfaite de mannequin !

- Emma, tu abuses...

- Non ! Arrête ! crie-t-elle. Tu ne fais que partir et revenir, comme mes parents ! Décidez-vous !

Elle s'approche de moi en pleurant, je doute même qu'elle voie clair, et frappe mon torse à l'aide de ses petits poings en continuant de crier :

- J'en ai marre de dire au revoir aux gens que j'aime. Antoine, lui, restait auprès de moi, au moins. Vous n'êtes que des égoïstes !

Elle s'effondre et se blottit dans mes bras en pleurant toutes les larmes de son corps, tremblante contre mon torse. Je fixe le mur droit devant moi en fronçant tristement les sourcils après m'être pris tout ça en pleine face ; c'est dur, surtout de la part d'Emma. Elle manque d'amour parental, je le sais, mais qu'est-ce que je viens faire là-dedans ? Elle tient réellement à moi, alors ? Moi qui pensais que ma venue n'était pas importante, je me trompais, Emma m'attendait. Tous les ans.

- Je suis désolé, murmuré-je en posant mon visage sur le haut de son crâne.

Nous restons dans les bras l'un de l'autre jusqu'à ce que ses pleurs cessent et que son état se calme. Aussi, je vois Sara et Samuel se diriger vers nous mais je leur fais signe de ne pas venir afin de ne pas la brusquer et, heureusement, ils m'écoutent. J'entends la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer, ce qui inquiète Emma qui regarde par la fenêtre en se détachant de moi, me laissant un vide énorme. Elle a l'air déçu et souffle en croisant les bras, les yeux baissés vers le sol.

- Je suis désolée, souffle-t-elle. Je ne voulais pas m'emporter.

- Tu en avais sûrement besoin. Je ne t'en veux pas. Mais toi si...

Elle secoue son visage en soupirant et attache ses cheveux en un rapide chignon, ce qui me fait sourire.

- Je ne t'en veux pas... J'ai juste du mal... J'ai l'impression que les gens défilent dans ma vie sans y rester très longtemps.

- Tes parents te manquent, c'est normal. Est-ce que tu veux les appeler ? Je peux rester à tes côtés, si tu en as besoin.

- Non, ça ira Liam, tu as déjà assez fait pour moi.

- J'y tiens. J'ai envie que tu ailles mieux, Emma.

Elle s'assoit sur le canapé tout en prenant son visage entre ses mains, ne sachant pas quoi faire.

- Je ne veux pas te brusquer mais penses-y. Il y a toujours des solutions...

- Pas toujours.

- Si, crois-moi.

Je m'assieds à ses côtés et lui prends doucement la main, heureux d'avoir pu parler avec elle. Emma garde beaucoup trop en elle, elle ne contrôle plus ses émotions alors tout éclate, et ça fait mal.

Le temps d'un étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant