Chapitre 19

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Uzume : déesse de l'aube et de la beauté.

Kami : dieu japonais.

Tsuyu-san : "san" signifie montagne, c'est donc le mont Tsuyu.

Toyotomi Hideyoshi : paysan qui unifia le Japon et le dirigea jusqu'à sa mort.

Shogun : titre de général en chef des armées déserté par l'empereur, c'est lui qui gouverne le Japon.

Ojo : titre de princesse

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Kenso marchait sur la route en cette fin d'après midi, soulagé que l'énorme hotte qu'il portait sur le dos soit désormais vide puisqu'il avait vendu tout les sacs de riz qu'il transportait au village. Il sifflotait, essayant de rester en équilibre sur les pierres qui bordaient la route tout en avançant le plus vite possible, pour arriver au village avant la nuit. Il faisait bon car ce chemin était protégé du vent et l'air exhalait le parfum des fleurs de prunier. Arrivé à une intersection, il décida de s'enfoncer dans la forêt pour remplir sa gourde à un ruisseau. 

Il se rendit vite compte que ce n'était pas l'idée du siècle. Les ronces lui griffaient le visage et il pataugeait dans la boue. Quand il arriva enfin à un delta au pied d'une falaise d'où tombait une chute d'eau maigrelette, de gros blocs de pierres formait des îlots entre les minuscules bras d'eau dans la lumière dorée et tamisée des bambous, sur une pierre se tenait une créature sublime. Habillée de noir et de gris comme pour colorer le blanc de ses cheveux, de ses yeux, de sa peau. Elle était auréolée de métal précieux :

- Uzume no kami ?

L'apparition se tourna vers lui, vivement, dans un tourbillon de fils blancs et argent.

Il se jeta à genoux dans l'eau encore glacial de la fonte des neiges :

- Pardon, pardon ô déesse ! Je suis navré de vous avoir surpris et encore davantage d'avoir souillé votre terrible splendeur de mon regard impie !

Il serait fort les paupières de peur du châtiment divin qu'il allait recevoir pour avoir osé regarder l'aube sous sa forme véritable. Un rire clair se glissa à ses oreilles, il pourrait l'écouter pendant des siècles. 

- Quel est le plus grand compliment, être vu comme une déesse ou être implorée en tant que tel ?

Il n'y comprenait plus rien, ce n'était pas une kami ? Il releva lentement la tête, elle était toujours là, toujours aussi belle mais moins irréelle sans ce rayon de lumière qui lui frappait le visage. Elle semblait morose, triste. 

- J'ai un faible pour les suppliques, murmura-t-elle dans le vide.

Le jeune paysan ne comprenait décidément plus rien.

- Vous êtes un esprit, un...

- Un kitsune ? demanda-t-elle, cynique. Tu peux le dire, ce ne sera que la millième fois que l'on me traite de démon séducteur...

Elle posa son coude sur son genoux et son beau visage d'ivoire sur sa main, lui présentant un profil divin, apparemment vexée. Son cœur se sera, il se sentait mal d'avoir insinué ça.

- Je vous prie humblement de m'excuser mais vous me paraissez si belle que j'ai peine à imaginer que vous soyez humaine. Je... Ses mots s'étranglaient dans sa gorge, il ne savait pas quoi dire pour se racheter. 

Elle tapota la roche à côté d'elle :

- Monte, mécréant, tu es pardonné.

- Mécréant ? s'offusqua-t-il en grimpant à ses côtés. Et vous, vous êtes quoi, avec votre maquillage outrancier et vos cheveux blancs ?

Elle sembla un instant surprise puis elle eu un petit sourire :

- C'est naturel...

Il y eu un silence, assis à côté d'elle, il avait l'impression que le temps s'arrêtait. Après un moment il se décida à parler :

- Comment vous appelez-vous et d'où venez-vous ?

- Je suis la seconde dame des Hiuga, Kaiten. Je vie plus haut, du côté Est des montagnes. 

Une shinobi. 

- Et qu'est ce que vous faites de ce côté de Tsuyu-san, alors ?

- Je médite...

Il rit :

- Je croyais que les ninjas étaient allergique au trucs bouddhistes comme rester assis sur une pierre à ruminer des questions philosophiques. 

Il espérait au moins lui tirer un sourire. Mais elle se contenta de répondre, laconique :

- Je médite sur ma future vie de femme marié...

- Eu... Félicitations ?

Elle passa sa jolie et délicate main blanche devant sa bouche. Kenso sentit une flèche lui percer le cœur :

- Oui, oui, félicitations ma dame. Votre clan se souviendra de votre sacrifice, vous qui allez passer votre vie entière avec un mufle sans aucune considération pour vous. Ô, cruel destin que vous subissez pour nous, le clan se souviendra quelques heures de votre gorge tranchée par votre mari suspectant votre trahison. Bonne fille du clan, vous êtes bien utile !

Kenso voyait le tragique de cette histoire mais il ne put s'empêcher de rire, tant la manière dont elle le dit était comique. Avec cette joie sage impeccablement feinte. Et elle riait aussi, de son propre malheur, il imaginait la force qu'il fallait pour ça, en riant avec elle. Alors qu'elle reprenait son souffle et son air mélancolique, il eu l'envie de la faire sourire encore. Et temps pis s'il était en retard pour le dîner, plutôt mourir de faim que de quitter cette déesse. 

- S'il est indigne de vous, Amaterasu le changera sûrement en crapaud, car à n'en pas douter vous êtes sa mortelle préférée pour bénéficier d'une telle grâce !

- Et je le garderais dans un bocal et je le brandirais devant les hommes en disant : "voilà ce qui arrive à ceux qui prétendent pouvoir m'obtenir par l'alliance, à genoux devant moi !"

- Et toute la province tremblera devant la princesse au crapaud !

Ils rirent encore et encore jusqu'au levé de la lune, disque d'argent à l'est, énorme dans le ciel étoilé. Mais alors elle le remercia et le quitta en silence disparaissant dans la nuit. Kenso rentra seul dans son village, en pleine nuit, il n'avait pas conscience des heures qu'il avait passé à marcher, plongé dans ses pensées. Il s'imagina tel Toyotomi Hideioshi, se hisser jusqu'au sommet du pouvoir, devenir Shogun et demander la main de Kaiten ojo.






Kaiten HiugaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant