La dernière année

Le sortilège de la rose III

Partie 3

Lili observait la cour depuis sa grande fenêtre. Le repas avait été glacial, le sorcier ne lui avait pas adressé un mot, ni un regard. Elle commençait à douter de ses choix, de son envie d'apprendre la magie, mais ici, elle ne pouvait pas fuir. Elle s'apitoyât sur son sort. Versant une larme, puis deux. Était-elle vraiment entre les mains d'un meurtrier ? Risquait-elle sa vie ici ? Elle soupira longuement, observant le lit. L'idée de dormir ne l'attirait pas plus que ça, mais sortir de la chambre était à présent interdit. Intelligemment, il avait prolongé ce repas interminable de manière à ce qu'elle ne puisse pas visiter le château après le dîner. Elle se leva, les mains légèrement tremblantes et se concentra sur la petite bibliothèque de sa chambre. Ce n'était qu'une vingtaine de livres et pourtant Lilibelle n'avait jamais été autant gâtée. Les livres coûtaient cher, l'écriture, l'imprimerie et les reliures... Tout ça valait une fortune, elle s'était trouvée chanceuse que le père Robert ait quelques livres qu'il avait lui-même recopiés. Surtout dans un village perdu de la France ancienne.

Elle observa les livres, ils étaient tous magnifiques, écrits à la main, certains étaient en français ancien, d'autre en latin. Lili sourit. Ils écoutaient chacune de ses remarques et les appliquaient à la perfection. Elle lue quelques titres. Chacun de ses livres était en fait un livre de magie. Elle comprit que le maître attendait d'elle une étude profonde de chacun de ses ouvrages, il ne voulait pas perdre de temps avec les formalités. Un sentiment de témérité prit d'assaut la jeune fille. Elle saisit quelques livres et lu, toute la nuit pour s'endormir au petit matin.

Elle sursauta lorsqu'elle entendit toquer. Huguette semblait de bonne humeur lorsque la porte s'ouvrit. Elle observa la jeune fille puis eut un air surpris.

- Vous avez lu toute la nuit ?

- Oui...

Lili émergeait à peine, frottant ses yeux à cause du soleil qui transperçait les rideaux épais de sa chambre.

- Vous devez dormir davantage mademoiselle ! Le maître n'apprécierait pas que vous soyez fatiguée lors de vos cours.

- Quand commenceront ils ?

- Demain. Au petit matin.

La femme rangeait la pièce qui n'avait pas besoin de l'être. Elle sortit de l'armoire une magnifique robe rouge, le même modèle qu'hier soir. Le sorcier semblait apprécier la mode, les belles robes et les beaux habits.

- Louis sera-t-il là ?

La femme se tourna surprise puis sourit tendrement.

- Oui, le maître veut s'assurer que vous appreniez bien.

Elle se racla la gorge.

- Si je peux vous donner un conseil, appelez-le Mr. Le maître n'aime pas que l'on prononce son prénom.

Le lendemain, elle avait rejoint le jeune homme dans une grande pièce vide, entourée de miroir, comme dans les salles où les danseuses des ducs et autres aristocrates s'entraînaient. Elle avait eu la chance d'assister à une répétition de l'une des préférées du Roi lorsqu'elle était jeune. Elle se souvenait d'une femme magnifique mais atrocement maigre.

Elle observa longuement la salle. Il se racla la gorge pour la rappeler à l'ordre. Elle lui fit face. L'entraînement commença. Elle devait lui montrer ce qu'elle savait faire de mieux. Il la fixait et l'a laissé faire ses tours de passe-passe, un air supérieur scotché sur le visage. Il semblait amusé par le peu de pratique magique qu'avait cette fille.

- Qui vous a appris ça ?

- Ma mère.

Il pâlit légèrement, Lili fit mine de ne pas le voir.