Chapitre 8

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Nantes, mai 1980, vingt- quatre ans plus tôt

23h00. Moïra fixa quelques secondes la grosse pendule située à gauche de la porte d'entrée, dépitée. Elle songea que le temps lui jouait des tours plutôt mesquins. Alors qu'elle en manquait au quotidien, il semblait s'éterniser lorsqu'elle n'en voulait pas. Etudiante en médecine, il lui était difficile de concilier les études et le job qu'elle avait fini par se trouver pour payer ces dernières. Elle pensait à tout ce retard qu'elle avait accumulé ces derniers mois et sentait le stress lui nouer l'estomac. Plutôt que d'attendre des clients qui ne viendraient sans doute pas ce soir-là, elle aurait préféré être chez elle à potasser ses cours.

Le MacBride était un pub bondé le week-end mais en semaine, il en allait tout autrement toutefois elle avait besoin d'une paye intégrale.

- Hé Moïra, tu dors ou quoi ? fit Max, un des barmen qui travaillait avec elle et qui était aussi le frère du gérant.

- Désolée, j'étais dans mes pensées...

- ...Va prendre une pause, tu sembles claquée. Ya personne de toute manière ! Un Irish Coffee, ça te dit ?

- Non, merci...Je dois bosser en rentrant...

- Allez, ça va te réchauffer. Je te ramènerai à la fermeture...

Moïra ne se laissa pas fléchir, elle ne refusa pas la pause mais commanda un thé. Max était gentil avec elle. Il l'avait tout de suite prise sous son aile, la formant patiemment aux rouages du métier. Il admirait son courage. Il n'y avait pas d'ambigüité entre eux et c'était sans arrière pensée qu'il l'aidait. C'était en fait le fiancé de l'une de ses amies. Cette dernière lui avait présenté et ainsi Moïra avait réussi à se dénicher ce travail.

Elle délaissa donc le comptoir pour venir s'installer à une table un peu en retrait. La douce musique d'une flûte et d'un violon s'élevait dans la salle. C'était apaisant. Max lui apporta sa consommation.

- C'est pour moi, princesse ! lui fit-il avec un clin d'œil.

Elle sourit. Le breuvage chaud et sucré lui fit beaucoup de bien. Les mains encerclant sa tasse, elle se détendit quelques instants, essayant de faire abstraction de tous ses soucis pour ne se concentrer que sur le moment présent. C'et alors que la clochette de la porte d'entrée retentit. De là où elle se trouvait, elle ne pouvait voir qui venait d'entrer. Elle entendit juste Max saluer puis elle le vit. Un homme très grand, curieusement vêtu, vint s'asseoir au bar. Il lui tournait le dos et elle ne put par conséquent pas voir son visage. Il portait un jean mais le plus curieux était son espèce de longue redingote noire à capuche. Celle-là même lui retombait sur la tête et il n'avait pas pris la peine de la rabaisser en entrant.

Il commanda un whisky. Sa voix était grave et...chaude, mélodieuse. Max lui avait posé quelques questions par pure courtoisie mais elle n'avait pas entendu l'inconnu répondre et curieusement, Max n'avait pas insisté. Il s'était détourné de lui comme si ce dernier avait quitté les lieux. Il ne semblait plus le voir. Un froid intense saisit Moïra et soudain cet homme qui lui tournait toujours le dos, la mit mal à l'aise. Il choisit ce moment pour se retourner. Elle était incapable de détourner le regard. La capuche lui cachait une partie du visage mais elle put voir une bouche bien dessinée qui s'étira sur des dents d'une blancheur incroyable. Il lui souriait à elle. Elle se retourna pour vérifier qu'elle était bien seule. Non, aucun doute, c'était à elle que cet homme souriait. Il s'agissait d'un sourire séducteur, un peu moqueur, renversant... Sans bien comprendre ce qu'elle faisait, elle lui rendit son sourire. L'inconnu rejeta alors sa capuche en arrière et alors, elle fut bouleversée de voir un tel visage. Cet homme, qui la regardait et avait tout à coup cessé de sourire, était d'une beauté à vous couper le souffle. Ses yeux, en amande, étaient d'un bleu électrique et leur éclat ressortait du fait de la noirceur de ses longs cils. Des cheveux cuivrés et légèrement bouclés encadraient son visage aux pommettes hautes et saillantes.

SÍ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant