SÍ...

Chapitre 21

*

Nice, vingt ans plus tôt

Nell conduisit Moïra dans une villa en dehors de Nice, cachée dans les montagnes. Plus qu'une villa c'était un manoir du dix-huitième.

- Je vais t'accompagner et te faire entrer mais je ne reste pas...

La jeune femme était terrorisée à l'idée de se rendre seule à cette soirée.

- Ne t'inquiète pas, tu ne risques rien. Tout va bien se passer. Surtout, garde ton masque ! Et, ne montre pas que tu as peur. Tu t'appelles Elisabeth Marple et tu es la cousine de James qui doit te rejoindre.

- Mais...

- Allons-y.

Nell glissa un mot à l'oreille de l'homme qui vérifiait les invitations pour entrer. Il les laissa passer avec un grand sourire. Un couple déguisé à la mode victorienne les accueillit. Nell n'avait pas de masque et elle se fit aussitôt reconnaître.

- Nell ! Mais tu n'es pas déguisée !

- Bonsoir Louisa ! Charles ! j'ai un souci de dernière minute, rien de grave, je te rassure. Je te confie ma cousine Elisabeth. Peux-tu te charger d'elle en attendant l'arrivée de James. Elle ne connaît personne...

- James ? J'ignorais qu'il était de retour. Cela fait bien longtemps !

Moïra sentit que le dénommé James ne laissait pas Louisa indifférente.

- Il est revenu en effet mais c'est temporaire. Il repart très bientôt...

- Je vois...N'ais crainte ! Je m'occupe de ta cousine et j'espère sincèrement te revoir avant la fin de la soirée !

- Merci.

La soirée sembla interminable à Moïra. Son hôtesse était gentille mais elle en avait assez de tous les échanges de banalités qu'elle entendait, de tout ce « beau monde » qui faisait comme si le reste n'avait pas d'importance... Qui plus est, elle avait chaud sous son masque et son corset la serrait beaucoup trop. Elle se sentait à l'étroit, entravée et par-dessus tout pas à sa place. L'ami de Nell, le dénommé James ne semblait pas vouloir venir. Du coup, elle pria Louisa de l'excuser quelques instants et se dirigea vers le jardin afin de prendre un peu l'air. Cela lui fit du bien. Il y avait une grande fontaine baroque et la lune se reflétait dans l'eau du bassin. Elle s'approcha, fascinée.

- Bonsoir, fit une voix masculine qui la fit sursauter. Elle se retourna aussitôt mais ne vit personne.

- Je suis désolé de vous avoir fait peur ! lança quelqu'un.

Cette fois, elle repéra d'où venait la voix. Il y avait un coin d'ombre sous le balcon du premier étage, à gauche de la porte fenêtre par laquelle elle était sortie. Elle distingua tout d'abord le rougeoiement d'une cigarette lorsque l'on tire une bouffée puis ses yeux, s'habituant à l'obscurité, elle vit une silhouette adossée contre le mur. C'était un homme de haute taille. Elle n'osa pas s'approcher mais ne prit pas non plus la fuite. Elle était curieuse.

- Bonsoir, s'entendit-elle répondre timidement.

- Que fait une si jolie jeune femme seule dans le jardin alors qu'à l'intérieur, la fête bat son plein ?

- Comment savez-vous que je suis jolie étant donné que je porte un masque ? fit Moïra, soudain agacée.

L'inconnu se mit à rire puis il tira une nouvelle bouffée sur sa cigarette.

- Pardonnez- moi de me montrer flatteur, jeune dame ! Je ne fais qu'un constat, masque ou pas.

Moïra se sentit rougir et son cœur se mit à cogner dans sa poitrine. La sensation d'oppressement due au corset ne fit que s'accroître. Elle avait tout à coup envie de prendre ses jambes à son cou mais ne put toutefois s'y résoudre.