Degenerate Kings - Le vampire de Tregarta

Chapitre 17 - Où ils exécutent le plan ✓

Le lendemain, 17 h 30.

Elijah est à sa place, devant l'appartement d'Aaron, quand la sonnerie de son téléphone le sort de ses rêveries. Il décroche d'un air las, mais soudain ses traits se crispent et ses yeux s'arrondissent. La conversation ne dure qu'un instant et, déjà, il raccroche. Il vérifie l'heure, envoi un SMS, jette un dernier regard à la porte du bâtiment et met le moteur en marche avant de démarrer en trombe.

Shiloh ne doit pas arriver avant 18 h 30 au plus tôt.

17 h 45
18 h
18 h 15

Rien ne se passe. Quand soudain, la porte de l'immeuble s'ouvre. Un adolescent en sort. Il regarde à droite, à gauche, sourit comme quelqu'un sur le point de faire un mauvais coup, et s'éclipse en vitesse.

Il se dépêche, court presque, et en un rien de temps le voilà arrivé au cœur de Wharf Walk, le quartier festif de Tregarta. Des bars et des boîtes à perte de vue. Le rêve pour un garçon tel que lui.

Il inspire profondément, laisse son instinct le guider et part en chasse. Après vingt minutes à déambuler dans les rues longeant les docks, son attention se porte enfin sur une devanture. Un pub à la façade en briques rouges et aux larges fenêtres en bois sombre. L'édifice semble ancien et les jeunes qui passent devant ont rarement un regard pour lui. Pourtant, Aaron ajuste son jean slim noir, lisse les plis de sa chemise taupe aux manches et au col passepoilés de violet foncé, et pousse la porte pour se retrouver dans une pièce à l'ambiance feutrée.

Un large mur en briques grises court jusqu'au fond du bâtiment, les autres sont peints en bordeaux. Plusieurs tables, quelques espaces cosy avec canapés et tentures accrochées aux murs, large bar et, bien sûr, une piste de danse spacieuse.

Aaron s'approche du bar et se commande à boire. La barmaid le reconnaît visiblement et échange avec lui quelques mots. Il lui glisse quelque chose à l'oreille et elle éclate de rire avant qu'il ne termine son verre cul-sec et la quitte pour rejoindre la piste déjà surpeuplée.

Attablé seul, dans un coin mal éclairé, Elijah n'a rien perdu de ce qui vient de se dérouler. L'homme, entré à la suite du garçon, l'a repéré immédiatement. Il hésite une seconde, est tenté de faire demi-tour pour disparaître parmi les fêtards qui traînent dans la rue. Mais Elijah n'a toujours pas quitté Aaron des yeux et l'homme est curieux. Il traverse la salle, se laisse tomber sur la chaise la plus proche du chanteur.

— Comment saviez-vous qu'il allait venir ici ? l'interroge-t-il.

Pour la première fois, Elijah détourne le regard. L'homme assis à côté de lui est vieux, mais il semble toujours alerte. Il a l'impression de l'avoir vu une fois ou deux pendant ses heures de planques, mais il n'en mettrait pas sa main à couper.

— Vous n'êtes pas le seul à avoir du flair, lâche-t-il après avoir bu une gorgée de sa bière.
— C'est pas une réponse, riposte l'homme.

Elijah hausse une épaule et son regard retourne fureter du côté des danseurs. Il repère facilement Aaron dans la foule. Son aura quasi-magnétique semble d'ailleurs attirer tous les regards bien qu'il ne danse pas mieux que les autres fêtards.

Une serveuse sort de l'ombre à ce moment-là et l'homme lui commande un gin tonic. Quand elle le lui apporte, il se remet à parler.

— Tu es nouveau ?
— Pas vraiment.
— Me baratine pas, nul n'a entendu parler de toi, ta description ne dit rien à personne. La flic ignore qui il est, n'est-ce pas ? ajoute-t-il en voyant qu'Elijah ne semble pas motivé à lui répondre.
— Quelle importance ? le rembarre celui-ci en tâchant de rester dans son rôle de mec détaché.

Depuis le matin, il suit à la lettre le plan que Shiloh lui a transmis cette nuit, mais la présence de l'homme l'inquiète un peu. Il est chanteur, lui, pas acteur et encore moins flic. L'inconnu assis à côté de lui est, à priori, celui qui a agressé Aaron, et malgré ses cheveux gris et sa posture voûtée, il le sait capable de courir vite, sauter haut et frapper fort. De toute évidence, lui aussi est en représentation. Un loup, tentant de se faire passer pour un agneau.

— Les flics ne font jamais long feu. Il y a longtemps qu'on a décidé de ne plus les impliquer. Pour leur propre bien. Et pour notre tranquillité d'esprit. Tu le saurais si ce n'était pas ton premier cas.

Il est complètement barge, se dit Elijah en se levant un peu trop brusquement.

— Excusez-moi, j'ai à faire.

La main de l'homme s'abat sur son poignet, le retenant prés de lui.

— Tu réfléchis trop, petit. Depuis le temps que tu suis le gamin, tu ne devrais plus avoir de doute.
— Qui vous dit que j'en ai ?
— Le gosse est toujours en vie.

Elijah ne sait que répondre. Au début, il a cru que l'homme divaguait et qu'il s'imaginait qu'il était dans le même genre de délire. Peut-être une sorte d'agent secret ou de détective. Mais là, il ne s'agit plus seulement d'un vieux sénile perdant ses cartes, l'homme parle quand même d'assassiner un gamin.

S'il était beaucoup plus honnête envers lui-même, Elijah s'avouerait qu'il a un peu peur que l'homme sorte un flingue et l'abatte sur place, sans autre forme de procès. Mais comme cette vision n'est pas très flatteuse pour son ego instable par nature et encore plus malmené que d'ordinaire par des pensées sombres depuis la fin de la tournée, il préfère se persuader qu'il craint autant, si ce n'est plus, pour la vie des autres personnes présentes ce soir, en particulier Aaron et Shiloh.

Deux scénarios commencent à se dessiner dans son esprit et bientôt, il estime n'avoir plus que deux choix possibles. Soit il s'engage sur le même chemin que l'homme, il le brosse dans le sens du poil le temps nécessaire à Shiloh pour arriver, comme on parlementerait avec un fou menaçant de tirer sur la foule juste assez longtemps pour permettre à un sniper de se mettre en position sur un toit et de l'abattre. Soit il s'emporte contre l'homme, lui rappelle qu'Aaron est un gosse et qu'on ne tue pas les gens sur un coup de tête dans la vraie vie. Mais s'il choisit cette option, il lui reste à espérer que Shiloh est déjà en route pour les rejoindre, or, il ne la voit nulle part dans la salle. Certes, elle est censée être cachée, mais elle lui a aussi assuré qu'elle serait prête à réagir en quelques secondes si le besoin s'en faisait sentir.

Et là, ce n'est pas qu'il ait envie d'en faire des tonnes, mais il a vraiment besoin d'elle et de ses compétences de flic.

Se surprenant lui-même, il choisit pourtant une troisième option.
Sans libérer son bras de la poigne du vieil homme, il se laisse retomber sur la chaise et sort son téléphone.

— Que fais-tu ? s'enquiert aussitôt celui-ci.
— J'appelle ma coéquipière. Je crois qu'on ne sera pas trop de deux.
— Pour vous occuper d'un dhampir juvénile ? grimace l'homme avec dédain. Quelle génération...

Elijah se retient de justesse de demander naïvement « un quoi ? » et met à profit ces quelques secondes pour taper et envoyer un message bref à Shiloh.

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Hey les gens !

Un chapitre assez court, aujourd'hui, mais celui de la semaine prochaine sera bien plus long (j'ai l'impression de dire ça souvent, non?)

Pour vous tenir un peu au courant, aussi : Le Nano Camp avance bien. J'en suis à 30 000 mots sur 40 000. Si je garde ce rythme, j'aurai même terminé avec un jour ou deux d'avance.
Quant à l'histoire, elle est vraiment dans sa dernière ligne droite, il me reste très peu de choses à raconter.
Au niveau des parties prêtes à être publiées, j'ai celles des deux semaines à venir et j'aimerais avoir mis le point final à ce tome avant de m'occuper de la première mini-relecture qui précédera la mise en ligne de la suite, donc je vais me donner à fond pour que ça soit fait (franchement, vu ce qui reste à récrire, c'est jouable).

Donc, voilà, j'ai hâte de vous annoncer que l'histoire est complète. Je ne peux pas vous dire combien de chapitres il y aura en tout, parce que je n'en ai foutrement aucune idée, mais vous en avez encore pour quelques mois de lecture, pas d'inquiétude.

À tout bientôt.