Degenerate Kings - Le vampire de Tregarta

Où ça se termine ✓

Les trois jours qui suivent, étant sur avis médical à l'arrêt forcé, Shiloh voit Elijah empaqueter toutes ses affaires et sa maison se vider non seulement d'une grosse partie de son contenu, mais aussi et surtout de ce qui avait fini par la rendre, à ses yeux, chaleureuse.

Une fois les guitares rangées, les livres et partitions encartonnés, les vinyles et cds emballés, prêts à être déplacés dans la voiture. Les vêtements, d'ordinaire abandonnés sur un dossier de chaise ou roulés en boule au pied du canapé, pliés et disposés dans une valise, Shiloh découvre avec effroi que ses murs blancs sont froids, ses meubles vides et son âme à l'agonie.

Partagée entre l'envie de profiter de ces derniers instants avec lui et la crainte de se mettre à pleurer en sa présence, elle passe au final beaucoup trop de temps dehors à marcher sur la grève. Mais l'aider à quitter la ville, à quitter sa vie, est au-dessus de ses forces.

Ayant raté le nouvel an, pour cause évidente de chasse aux vampires, ils décident de le fêter avec quelques jours de retard et le passent en petit comité. Seulement Shiloh, Elijah, Jed et Wyatt, qui a réussi, un peu par hasard, à se faire une place dans leur petit groupe au cours des semaines précédentes. Attablés autour de la table basse du salon, comme cela aurait pu devenir une habitude si les garçons ne s'apprêtaient pas à déménager pour Londres, ils boivent, picorent leurs plats chinois à emporter et reprennent en chœur leurs chansons préférées du moment.

À minuit, bien éméchés, ils comptent à rebours, crient « bonne année » et s'enlacent, alors que Shiloh lutte pour ne pas fondre en larmes, consciente qu'elle est en train de vivre la fin d'une époque bénie.

Au matin du troisième jour, en ce tout début de janvier, alors qu'Elijah est sur le point de partir pour de bon, tous ses cartons empilés dans le mini-van loué pour l'occasion, elle lui fait ses adieux en tachant de rester digne.

— Tiens, bafouille-t-elle en lui tendant une photo face cachée. Je l'ai retrouvée quand j'étais à l'hôpital. J'avais oublié qu'elle était dans mon portefeuille. Je crois que tu seras plus tranquille en sachant où elle se trouve.

Surpris, Elijah prend le cliché et a un mouvement de recul en le retournant.

— Comment t'as eu ça ?
— Chez Victoria, le premier jour. Elle était avec les photos des gens qu'elle faisait chanter.
— Qui l'a vue ? s'enquiert l'homme qui pense déjà connaître la réponse.
— Personne. Je ne l'ai... jamais ajoutée aux preuves.
— Mais on ne se connaissait même pas.

Shiloh secoue la tête de gauche à droite, son regard papillonnant, s'arrêtant sur chaque détail insignifiant de la tenue du chanteur pour ne pas avoir à le regarder dans les yeux.

— On a passé du temps ensemble, on est devenus amis, tu m'as même laissé m'installer chez toi... Tout ça alors que tu savais, que tu... avais toutes les raisons de me croire coupable... Mais tu ne m'as jamais considéré comme un suspect, pas vrai ?

Encore une fois, elle secoue la tête.

— Pourquoi ?

Relevant la tête, elle accroche enfin son regard, ses yeux si bleus. Et si elle lui avouait ses sentiments, son obsession du début, son affection ?

Mais non, elle ne peut pas faire ça, ça gâcherait tout. Alors elle lui sert son plus beau faux sourire et va jusqu'à l'accompagner d'un clin d'œil qu'elle espère mutin.

— Intuition, ou instinct peut-être.

Ça sonne presque vrai, mais c'est forcément faux. Elijah est troublé. Il sait que Shiloh a été fan à une époque, il l'a surprise plus d'une fois descendre au matin juste habillée d'un vieux t-shirt de tournée et d'un short extra-large. Il a aussi découvert tous les albums des Kings dans le carton portant la mention bouquins/cd qu'il a rangé lui-même sur les étagères qu'il a également montées.