Degenerate Kings - Le vampire de Tregarta

Où elle décide que s'en est trop ✓

Avant de rentrer pour enfin dormir un peu, Shiloh fait un détour par l'hôpital où elle trouve Elijah assis à la fenêtre, absorbé par le journal du jour.

— Aucune attaque cette nuit ? s'informe-t-il.

Shiloh secoue la tête.

— Qu'est-ce qui s'est passé ensuite ?
— Je peux pas te raconter ça ici, souffle-t-elle. C'est trop énorme.

Le blessé approuve d'un hochement de tête et se replonge dans son journal quelques secondes avant de le plier et l'abandonner sur la table en formica à sa droite.

— Je ne m'attendais pas à te trouver sagement assis dans ta chambre, remarque Shiloh en s'asseyant au pied du lit.

Sans bouger de sa chaise, Elijah se tourne vers la fenêtre, offrant ainsi une vue dégagée sur l'arrière de son crâne où une large compresse blanche a été appliquée.

— On m'a rasé une partie du crâne pour me faire des points de suture. J'ai pas très envie qu'on me voit comme ça.
— Le bandage cache tout, le rassure-t-elle.
— Vraiment ? Tant mieux alors. Mais en sortant, je me demande si je ne devrais pas me raser la tête. Je suis pas censé garder le pansement très longtemps. Et puis même, une fois enlevé, il restera un trou.

Grimaçante, elle observe le beau visage du chanteur. Ses cheveux ont poussés depuis leur rencontre et ils dépassent désormais sa mâchoire de quelques centimètres. Une ombre de barbe recouvre les joues qu'il n'a pas pu raser ce matin, sa bouche très légèrement asymétrique est d'un rose tendre, et s'il n'y avait ces petites craquelures sur sa lèvre inférieure, elle aurait été insolente dans le visage du trentenaire. Quant à ses yeux, du même bleu pâle que les plus belles mers des Caraïbes, ils n'ont jamais cessés de l'ensorceler.

Même convalescent dans une chambre d'hôpital, avec son bandage à l'arrière du crâne et ses deux petites croûtes de sang coagulé sur la nuque, il reste plus beau que la plupart des gens qu'elle a pu rencontrer.

Portée par une envie qu'elle aurait refoulée si elle n'était pas passée en pilote automatique depuis plusieurs heures, Shiloh se lève et s'approche de son fauteuil.

— Je ne t'ai jamais vu avec le crâne rasé.
— Moi non plus. J'ai cette coupe depuis mes quinze ans, je crois.

Elijah étire les lèvres une demi-seconde, à moitié perdu dans ses pensées, incapable de dire s'il a conservé cette coiffure parce qu'il l'aime, parce qu'elle plaît aux fans, qu'il a juste la flemme de tester autre chose, ou pour une toute autre raison.

Ce n'est que quand Shiloh lui caresse la tempe avant de glisser les doigts dans ses cheveux qu'il se rend compte qu'elle est si près de lui.

— Même avec la boule à z, je suis sûre que tu resteras très beau, lui sourit-elle.
— Tu me trouves beau ? est la seule chose qu'il trouve à répondre, pas habitué à ce genre de gestes de sa part, mais aussi un peu amusé.

Réalisant ce qu'elle est en train de faire, Shiloh retire prestement sa main. Pétrifiée, elle bredouille tout en reculant :

— Je, euh, oui. Bien sûr... Enfin...

C'est une exclamation de surprise venant de la porte et qui les pousse tous deux à se retourner dans cette direction, qui la sort d'affaire alors qu'elle se voyait déjà perdue à jamais dans des explications et justifications sans fin.

— Ah, d'accord, constate Swann qui se retient tant bien que mal d'exploser.

Mordant sa lèvre inférieure presque au sang, elle regarde tour à tour son mari et celle qui est, elle en est sûre maintenant, sa maîtresse.