Le manager s'installe dans un fauteuil, l'air furibond, et pose sa tasse sur la table avec une telle violence qu'elle se renverse en partie. Alors qu'il voit Shiloh le contourner pour s'asseoir à ses côtés sans réagir à cette explosion caféinée, Dustin, nerveux, se met en quête d'un moyen d'éponger la tache. Il aurait dû prendre les choses en main dès le début plutôt que de laisser la jeune recrue s'en occuper, car se mettre Richard Barlow à dos n'est pas une bonne idée pour qui veut rester en poste longtemps. Si seulement il avait pensé à regarder la liste des témoins dans le détail plus tôt.
Sans un regard pour lui, Shiloh, plus droite et sérieuse que jamais, attaque.
— Mr Barlow, on raconte que de nombreuses plaintes vous ont été rapportées au sujet de la victime, Victoria Evans, mais que vous avez choisi de ne jamais en tenir compte et de garder la jeune femme à votre service bien qu'une bonne moitié de votre équipe n'ait plus souhaité travailler à ses côtés. Confirmez-vous cela ?Incrédule, Dustin la dévisage, oubliant pour un temps la tache, le café, et même l'heure tardive qui fait se fermer ses yeux contre son grès, mais l'attention de Shiloh est entièrement portée sur l'homme face à elle et sa réaction lui échappe. Elle croit un instant qu'il va s'étouffer tant la question l'agace. Au lieu de quoi, il explose.
— Vous m'avez fait poireauter ici toute la nuit, vous avez fait passer jusqu'aux femmes de ménage avant moi, et là vous persistez, comme tout à l'heure. Vous m'accusez de... de... de quoi au juste ? D'avoir couché avec Victoria? Ce qui expliquerait que je n'ai pas eu envie de la licencier ?
— Nous ne vous accusons de rien, Mr Barlow, nous cherchons juste à comprendre-
— Vous cherchez juste à comprendre, mais bien sûr. Vous cherchez juste à me piéger, oui. La petite faisait un excellent boulot. Jamais malade, jamais fatiguée, toujours souriante, c'était un plaisir de travailler avec elle. Voilà pourquoi je n'ai pas tenu compte des racontars abjects qui circulaient à son sujet, la coupe-t-il. De plus, c'était une excellente guitariste, je lui cherchais un groupe où elle aurait enfin pu mettre à profit ses multiples talents. Il secoue la tête, se renfonce dans son fauteuil. Quel gâchis.— Comment l'avez-vous recrutée ?
— Comme toujours, en laissant une petite annonce sur le panneau d'affichage d'une salle qui fait des scènes ouvertes.
— C'était il y a longtemps ?
— Un an à peu près, peut-être un peu moins. Au début, je l'ai fait bosser avec des groupes moins connus, mais quand la tournée des Degenerate Kings a commencé il y a deux mois, j'ai su que je la voulais dessus. Je voulais qu'elle puisse voir ce qu'est réellement la vie de musicien avant de choisir de l'embrasser pleinement ou non.
— Ce n'est pas la dernière date de la tournée, n'est-ce pas ?
— C'est exact, il en reste trois. Mais quel rapport ?Shiloh note toutes les informations sur son bloc de feuilles. Dustin, fatigué, mais rassuré de voir le manager se calmer, décide de recentrer l'interrogatoire. Plus vite ils en auront fini, mieux il se portera.
— Aucun, ce n'est pas important. Quand avez-vous vu Miss Evans pour la dernière fois ?
Barlow se prend le menton entre le pouce et l'index et s'autorise quinze secondes de réflexions avant de finalement répondre.
— Je dirais que ça doit être une demi-heure avant le début du show. J'avais réuni les intendants pour le dernier briefing. J'ai donné mes instructions puis je suis parti en loge pour voir le groupe. Là, on a discuté environ un quart d'heure, puis ils sont descendus. Je n'ai pas revu Victoria à ce moment-là, mais ça n'a rien de surprenant, tout le monde avait du boulot.Quand l'entretien se termine enfin, il est quasiment 7 heures du matin. Shiloh et Dustin remballent leurs affaires, s'assurent que le corps a bien été emporté, que rien n'a été oublié sur place et autorisent les derniers policiers encore en service à rentrer chez eux.
En s'asseyant au volant, Shiloh se tourne vers son collègue.— Tu penses quoi du témoignage de Barlow ? Il avait l'air sincère d'après toi quand il s'est emporté ou il joue la comédie ?
— J'en pense que j'aurais les idées plus claires après quelques heures de sommeil.Décidément, Dustin n'a rien du coéquipier dont rêvait Shiloh. Bien que cette soirée les ait un peu rapprochés, elle le trouve toujours aussi flemmard, tire-au-flanc et mollasson. Elle aussi est épuisée, mais avec un autre partenaire elle est sûre qu'elle pourrait encore passer quelques heures à analyser les dépositions qui reposent sur la banquette arrière.
Au lieu de ça, il est décidé que les policiers se retrouveront au poste en milieu d'après-midi, s'autorisant, entre temps quelques heures de repos.Shiloh, qui a la responsabilité de la voiture de police cette semaine, dépose Dustin devant chez lui. C'est une petite maison ordinaire en périphérie de la ville, dans une rue en pente. Façade bleu ciel, huit marches pour arriver à la porte et jardinet en hauteur, où sa femme fait pousser toutes sortes de fleurs colorées. Le quartier ne paie pas de mine, mais l'endroit est accueillant avec ses multiples façades de toutes les couleurs.
20 minutes plus tard, elle se gare devant sa propre maison sur les hauteurs de la ville. Façade blanche et oriel sur deux étages dans une rue calme et également en pente faisant face à la mer. Elle adore cet endroit bien qu'elle n'y habite que depuis moins d'une semaine, mais si l'extérieur donne une impression de chaleur, et même de distinction, elle sait que l'intérieur est encore en chantier et bien moins accueillant.
Elle s'est occupée en priorité de la chambre et de la salle de bain quand elle est arrivée, ces deux pièces sont donc à peu près présentables. Mais elle a rapidement commencé son nouveau boulot et a reporté l'agencement du reste de la maison à plus tard. Ce week-end aurait dû lui permettre d'aménager le salon et la cuisine, seulement avec cette première enquête qui lui tombe dessus si vite après son arrivée, elle ignore quand elle aura un peu de temps libre à consacrer au déballage de ses cartons.
Elle pourrait le faire après ses journées de travail, mais celles-ci ont été si intenses jusqu'à présent qu'elle n'en a pas encore eu le courage.Elle grimpe les cinq marches en pierre, ouvre la porte pour se retrouver dans la minuscule entrée encombrée de cartons et entre, enfin, dans le salon. Prenant soin de bien refermer la porte derrière elle, elle se met à arpenter la pièce, les yeux rivés au sol.
— Savane. Tss tss tss, Savane ?Sur une étagère montée à la va-vite et sur laquelle elle a disposé coussins et panier, elle trouve celle qu'elle cherche. Elle s'assied à même le sol et passe la main dans la fourrure roux clair de l'animal endormi.
Le lapin, qui dormait affalé sur le flanc, se redresse d'un bond au contact de sa main et s'ébroue avant de repousser Shiloh de ses petites pattes et de bondir sur le sol. Ses poils forment comme une crinière autour de son cou et il entreprend de se les nettoyer en tournant le dos à l'humaine trop absente à son goût. La jeune femme soupire et se relève.
— Je sais que tu boudes parce que je ne suis pas suffisamment à la maison, mais je ne vais pas démissionner pour tes beaux yeux. À moins que tu n'aies de quoi payer le loyer et la bouffe ? Non ? C'est bien ce qui me semblait, donc il faudra te faire au fait que j'ai besoin de travailler.
Elle s'accroupit aux côtés de l'animal et retente sa chance, mais le petit lagomorphe est bien décidé à lui faire savoir qu'il n'apprécie pas d'être laissé seul aussi longtemps. Shiloh soupire une nouvelle fois et se dirige vers la cuisine ouverte. Elle sort des fanes de carottes du réfrigérateur et vient les agiter au-dessus de la tête de la lapine. Celle-ci fait tout d'abord mine de n'en avoir rien à faire, mais la gourmandise l'emporte bientôt et elle les lui arrache des mains pour partir les manger plus loin.
Épuisée, Shiloh rend les armes pour ce matin, elle remplit le bol de croquettes, s'assure qu'il reste de l'eau et dépose quelques morceaux de légumes en offrande sur un joli plateau. Elle monte ensuite se coucher sans même prendre la peine de se doucher. Elle abandonne ses vêtements en tas sur le sol et se glisse sous les draps entièrement nue.****
Hey les gens !
Ça y est ! Les interrogatoires sont terminés. Youhou !
La semaine prochaine, vous allez rencontrer un nouveau personnage, et ensuite... bah j'ai environ 70 pages A4 à corriger pour vous préparer la suite.
J'espère vraiment que cette histoire va vous plaire et que vous allez aimer ses protagonistes.À mercredi prochain, les potos.
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Degenerate Kings - Le vampire de Tregarta
ParanormalShiloh Delauney, une inspectrice nouvellement mutée à Tregarta, petite ville balnéaire anglaise, est surexcitée. Grâce à un taré qui se prend pour Buffy Summers, elle a l'occasion de rencontrer Jared et Elijah, les chanteurs des Degenerate Kings, so...