Où ça dérape ✓

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— Mrs Barlow, reprend Grant, alors qu'ils se sont arrêtés au bout d'un couloir, devant une fenêtre donnant sur le parking, j'ai quelques questions à vous poser.
— J'en ai pour vous aussi, Chief Superintendent. Le docteur n'a rien voulu me dire.

Il approuve d'un signe de tête et lui propose de commencer, pour la mettre dans de bonnes dispositions.

— Qui a fait ça ?
— Nous l'ignorons encore.
— Mais vous avez bien retrouvé sa voiture, n'est-ce pas ?
— C'est exact, mais le vol de ce véhicule nous a été rapporté plus tôt dans la soirée. Il semblerait que le propriétaire n'y soit pour rien.

— Bien, elle souffle fort par le nez, gardant le contrôle d'elle-même alors qu'elle bout de l'intérieur. Sait-on qui a appelé l'ambulance ?
— Non. C'est ce qui est étrange. L'hôpital a été prévenu depuis l'une des rares cabines téléphoniques encore en activité en ville.
— À quelle heure, questionne Shiloh qui n'a, jusque-là, fait qu'écouter.
— 22 h 30.
— C'est rapide...
— Chief, s'il vous plaît, vous n'avez vraiment aucune piste sur l'identité de l'agresseur ?
— Pas encore, Mrs Barlow, mais ça ne saurait tarder. Avez-vous d'autres questions ? Ou puis-je.. ?
— Allez-y, concède-t-elle.

— À votre connaissance, votre fils a-t-il des ennemis ?
— Non ! s'écrie-t-elle. Non... Tout le monde aime Jarvis, c'est un bon petit.
— Savez-vous qu'il était à Londres avant-hier soir ? demande Shiloh.
— Oui. Il souhaitait voir un concert, puis il devait dormir chez un ami. Il aime beaucoup faire des photos lors des concerts. Au début, il accompagnait son père, mais depuis qu'il lui a dit qu'il voulait faire une école de photo et se professionnaliser, ils sont en froid et Richard ne veut plus qu'il l'accompagne. Mon mari peut être un vrai con, mais je crois quand même qu'il veut le meilleur pour notre fils, et qu'une vie d'artiste n'est pas ce qui se fait de plus sûr.

— C'est étonnant de la part de votre mari, s'étonne Grant.
— Pas vraiment, ricane la femme. Il ne s'intéresse pas réellement au talent des groupes dont il s'occupe. Il ne voit que leur capacité à amasser des fortunes pour sa pomme. Mon époux a l'âme d'un vendeur, pas d'un artiste. Et il voudrait qu'il en aille de même pour son fils.

Elle s'apprête à ajouter quelque chose quand une forte voix d'homme résonne dans le couloir.

— Dina !

Tous se retournent et voient arriver Richard Barlow. Dans un complet gris chiné, parfaitement coiffé et à peine essoufflé. Il rejoint sa femme et lui enjoint de lui expliquer ce qui s'est passé. En quelques secondes, il est mis au courant, juste le temps pour lui de rajuster sa cravate en soie. À les voir discuter calmement devant la fenêtre, jamais on ne devinerait que leur fils se trouve dans une chambre d'hôpital, souffrant de fractures multiples.

Ces gens me font horreur, pense Shiloh en serrant plus fort l'appareil photo dans sa main gauche.

— Mr Barlow, Mrs Barlow, reprend Grant après avoir laissé l'épouse expliquer à son mari les dernières nouvelles, j'ai encore quelques questions à vous poser, si vous le permettez.
— Ça ne peut pas attendre ? se braque Barlow. Mon fils est entre la vie et la mort.
— N'exagérez pas, tente de tempérer Grant.
— Nous sommes sous le choc ! s'énerve l'homme, dans une panique simulée à la perfection.
— Bien. Je reviendrais vous voir demain, dans ce cas, abandonne Grant.

Il les salue et s'éloigne dignement, Shiloh sur les talons.

Dans l'ascenseur, alors qu'elle pense qu'il va se plaindre du bonhomme, il reste, comme à son habitude, très professionnel.

— Qu'en penses-tu ?
— Euh, je ne sais pas... Je crois qu'il faut commencer par regarder les photos, déjà, se reprend-elle après un regard de biais.
— Ça ne me semble pas une mauvaise idée, mais qu'avons nous déjà ?

Degenerate Kings - Le vampire de TregartaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant