Où elles règlent le problème ✓

87 22 2
                                    

Quand Shiloh se réveille, un feu a été allumé à quelques mètres d'elle, ses blessures ont été pansées et son visage nettoyé. Allongée sur le tapis de sol qui lui a servi de matelas la nuit précédente, elle étudie les environs.

Le feu, qui ressemble davantage à un bûcher, crépite, de longues flammes orangées s'en échappent et viennent lécher le ciel d'un bleu profond où luisent une poignée d'étoiles paisibles. Sur sa droite, un mouvement lui fait tourner la tête.

— Réveillée ? lui sourit Brianna.

La jeune femme a l'air fatiguée, son cou est bandé ainsi que son avant-bras, mais elle semble satisfaite. Dans un grognement, Shiloh s'assied pour lui faire face.

— C'est pas l'image que je me fais du paradis... alors, oui, probablement.
— Pas de paradis ici, confirme la chasseuse. Le purgatoire, peut-être ?
— Comment va Siobban ?

D'un mouvement du menton, Brianna l'invite à se retourner.

— Regarde par toi-même.

Derrière les flammes, une silhouette s'active et Shiloh comprend au bout d'un moment qu'elle déshabille un corps. Se remettant debout, elle contourne le feu accompagnée de Brianna et découvre les corps des trois vampires alignés par terre. Se retournant, Siobban lui désigne un petit tas de fripes abandonné au côté de la vampire.

— On a pensé que tu allais devoir inventer une histoire de disparition, complète Brianna. Ça pourrait te servir.

Shiloh approuve en silence. Si le plus dur est derrière elle, il lui reste à semer des indices, tel un Petit Poucet héritier de Van Helsing, pour faire croire à ses supérieurs et à la population que Carmen a disparu et n'est probablement plus de ce monde.

Mais avant ça, elle a quelque chose de plus important à réaliser.

— Merci.

Siobban hausse les épaules. Shiloh veut secouer la tête, mais arrête avant d'avoir commencé, la douleur dans son cou se ravivant.

— Pas pour ça. Si vous arriviez une minute plus tard, j'y restais.
— Alors on a eu de la chance.
— Tu nous as impressionnées, ajoute Brianna. La pourchasser dans ton état, c'était inattendu.
— C'est grâce à ta magie.

Brianna fronce les sourcils, un demi-sourire amusé aux coins des lèvres.

— Ma magie ?
— Avec le foulard, explique Shiloh. Tu as fait quelque chose, j'allais mieux ensuite.
— Je ne fais pas de magie, désolée.

Shiloh est perdue, persuadée qu'on lui ment.

— Mais... Les incantations quand Siobban est tombée et ce que tu m'as dit, que je ne saignerai pas plus...
— C'était du persan, pas des incantations, rit la jeune femme.

— Du persan ? Pourquoi ?
— Je viens d'Iran, répond Siobban. Puis, en détournant le regard, agacée, elle ajoute : Ma mère lui a appris... des trucs.

— Des mots qui l'apaisent, complète sa compagne avec un sourire tendre. Quant à ce que je t'ai dit... c'était juste pour te booster, pour que tu ne me lâches pas. Désolée.
— C'était faux ?
— Pas entièrement... Je t'ai bien fait un bandage, t'étais plus censée saigner après...

Shiloh se sent stupide, et un peu trahie. Aurait-elle couru après Carmen si elle n'avait pas pensé être protégée par un sort ?

— T'es pas magicienne, alors ?

Brianna secoue la tête avec un rire.

— Hélas.
— Bon... Shiloh passe le bout de ses doigts sur son nouveau bandage. Mais... la magie existe ?!

Brianna ouvre la bouche puis la referme, Siobban roule des yeux et croise les bras en se tournant vers le feu de camp.

— Peut-être, bafouille la chasseuse blonde.
— Peut-être ?
— Ben, j'y ai jamais été confrontée, mais ça veut rien dire. J'ai jamais vu de licorne, mais je sais qu'il en reste...
— Des li...

Shiloh reste estourbie quelques secondes avant de se détourner de la chasseuse ne sachant si elle doit ou non la prendre au sérieux. S'abîmant les yeux à observer les flammes danser, elle reste silencieuse un long moment.

— On doit en finir, lâche finalement Siobban, absorbée elle aussi dans son observation du feu.
— On va les...

La chasseuse approuve d'un mouvement de la tête.

— brûler ?

Ce n'est pas son rôle de faire ça. D'ailleurs, elle est fortement opposée à la peine de mort, mais que faire d'autre ?

— Je suppose qu'il n'existe pas de prison pour vampires ?

Siobban lui répond par une grimace, incrédule. Cette fille a vraiment des remords à se débarrasser des créatures qui sont à l'origine de son état pitoyable ? Ce n'est pas encore aujourd'hui qu'elle parviendra à comprendre ce qui anime la psyché des non-chasseurs.

— On pourrait les confier à un clan, intervient Brianna, mais rien ne garantit qu'ils nous croirons si on leur apprend qu'ils souhaitaient révéler l'existence des vampires aux humains.
— Et tous les clans ne sont pas opposés à cette idée.

Brianna approuve et dépasse les deux femmes pour se poster face aux trois corps momifiés.

— On doit finir le boulot, c'est comme ça que ça fonctionne.

Abandonnant Shiloh à sa contemplation, Siobban rejoint sa compagne et, ensemble, elles soulèvent Carmen pour la placer sur le bûcher de fortune qu'elles ont érigé pendant que la policière était inconsciente.

— C'est un meurtre, murmure celle-ci.
— Non, s'oppose Siobban. Les laisser libres, c'est ça qui ressemblerait le plus à un meurtre, car on serait responsable de toutes leurs futures victimes.
— Pour Carmen, je suis d'accord, mais les deux hommes... Celui-là surtout, il ne voulait pas attaquer les humains. On pourrait, je sais pas, les attacher et les réveiller pour... leur offrir de s'amender ?

La main toujours tendue vers le plus petit des deux vampires, le dénommé Adam, Shiloh se remémore ses oppositions et son désir de quitter Carmen et sa folie meurtrière. Elle se souvient aussi que Simon ne les a blessées, elle et Brianna, qu'en découvrant qu'il était arrivé quelque chose à son compagnon.

— Tu pardonnes vite, s'étonne Siobban, mais pas moi. Ce connard a failli tuer Brie, et son petit-copain n'aurait rien fait pour l'en empêcher.
— Tu n'en sais rien...
— Il a pas été foutu de les quitter en découvrant les plans de Carmen, il avait accepté l'idée avant même de se retrouver face à vous.

À court d'arguments et trop lasse pour en chercher d'autres, Shiloh se plie de mauvaise grâce à l'avis majoritaire et aide les chasseuses à hisser les deux derniers corps sur le bûcher avant de regarder Siobban l'attiser.

Les corps parcheminés ne mettent pas longtemps à partir en fumée et malgré l'heure avancée, Shiloh sort son portable pour appeler Grant, le mettre au courant des dernières avancées et lui expliquer son plan pour le lendemain.

Avant de s'endormir dans la tente surpeuplée, elle prend aussi des nouvelles d'Elijah, Jed et Aaron et apprend avec soulagement que tout se passe à-peu-près bien pour eux. L'adolescent ne hurle plus et refuse de leur adresser la parole, mais il s'est mis à manger la nourriture laissée à son attention.

Degenerate Kings - Le vampire de TregartaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant