Degenerate Kings - Le vampire de Tregarta

Chapitre 7 - Où elle fait tinter les glaçons dans son verre ✓

Allongé dans un transat sur sa terrasse, les yeux cachés derrière une épaisse paire de lunettes de soleil, Elijah contemple le bleu des vagues qui clapotent à quelques centaines de mètres du rivage. Dans la piscine, son fils aîné ; Owen, 9 ans, joue avec deux amis à se tirer dessus avec des pistolets à eau, alors que son cadet ; Alexander, 3 ans, barbote dans la pataugeoire installée à un mètre de sa chaise longue.

Elijah a beau adorer ses enfants, les journées de farniente comme ça ont tendance à l'ennuyer. Et bien sûr, comme il culpabilise de s'ennuyer en leur compagnie, il se force à rester toujours un peu plus longtemps.

— Papa ! Gade' ! crie le petit dans sa piscine à bourrelets alors qu'il tend les bras en l'air pour verser l'eau de son petit seau sur le sol, imbibant par la même occasion la serviette censée servir à le sécher.

— C'est bien, c'est bien, marmonne le père sans même tourner la tête dans sa direction.

Fermant les paupières, il se laisse aller à somnoler un instant. Le soleil tape fort aujourd'hui, et s'il a forcé les gamins à s'enduire de crème solaire, il n'en a, lui, que sur les mains et les avants-bras. Or, avec sa peau pale de british-boy, il serait bien avisé de ne pas s'endormir en plein cagnard. Malgré ça, en quelques minutes à peine, il sent la somnolence le gagner et il ne fait rien pour la chasser.
Alors qu'il sombre tout doucement, il entend, dans le lointain, les garçons pousser des cris de joie et s'affairer dans l'eau, mais il a déjà parcouru trop de chemin vers les bras de Morphée pour s'en inquiéter.

Pourtant, quand un seau d'eau froide lui est renversé sur le ventre, l'illusion de pouvoir faire une petite sieste tranquille s'évanouit encore plus vite qu'elle ne s'est arrimée à son esprit.

Il se redresse d'un coup, des jurons plein la bouche et des punitions pour galopins plein les méninges. Mais les garçons sont toujours dans la piscine. Hilares, mais trop loin pour être responsables. Quant au petit, il a quitté la pataugeoire et il court dans sa direction depuis le jardin, où il a trouvé à s'occuper entre-temps. Un sourire ridiculement gigantesque lui déchirant le visage en deux.

Alors Elijah comprend. Lentement, il se retourne et, dans son dos, découvre le responsable de son réveil violent, du piaillement des garçons et du sourire du petit.

— Toi ! gronde-t-il en direction de Jared.

Ce dernier, l'arme du crime, un seau vert et rouge, toujours à la main, lui répond par un éclat de rire. Bientôt repris par les enfants. Et par Elijah lui-même.

— Rentrons, propose Elijah, après s'être séché et avoir persuadé Owen de veiller sur son frère.

Ainsi, les deux hommes s'installent dans le salon dont la baie vitrée donne sur la piscine et le jardin, et d'où ils peuvent malgré tout garder un œil sur les enfants.

La pièce est décorée en tons de gris avec de rares touches de couleurs utilisées avec parcimonie. Jared s'affale dans le fauteuil en simili cuir noir alors qu'Elijah s'assied au piano. L'instrument, un piano à queue blanc, étincelant, est nouveau dans la pièce et ça se voit. Alors que tous les autres objets semblent à leur place, le mastodonte laqué est relégué dans le coin le plus éloigné de la fenêtre. Les objets autour de lui ont visiblement été déplacés pour lui faire de la place et l'harmonie que la pièce dégageait avant cela, façon maison témoin, est gâchée par ce désordre. En toute logique, c'est aussi ce qui lui donne un air plus chaleureux.

— Écoute ça, propose l'homme, alors qu'il commence à jouer.
— Hmm, intéressant, approuve Jed en s'approchant. C'est très doux. Pas vraiment ton genre, mais ça ferait une bonne ballade. T'as composé ça quand ? ajoute-t-il au bout d'un moment, se laissant bercer par la mélodie.
— Cette nuit. Ça fait un moment que je pensais tenir un truc, et cette nuit en rentrant du Velvet, c'est venu tout seul.