Ce lundi matin, très tôt, Berthie frappe à la porte de la prison de Lustofborough. Ce n'est pas la première fois qu'elle vient assurer un transfert, mais le dernier remonte à plus de deux ans, si bien qu'elle ne reconnaît pas l'homme qui vient lui ouvrir.
Exceptionnellement, elle a revêtu son uniforme, comme l'exige la situation, et elle se surprend à apprécier son reflet en le croisant dans la vitre donnant sur le box du gardien. Si elle avait un jour pensé ressentir de la nostalgie à l'évocation de ses premières années dans la police.
Le boulot qui lui incombe aujourd'hui est censé être une punition, même si ses collègues ignorent ce qui a pu la provoquer.
Un rictus se dessine sur les lèvres qu'elle a pris la peine de maquiller. Bien sûr, elle refusera de le leur expliquer quand ils lui poseront la question et se contentera de les laisser se délecter des rumeurs qui circulent déjà. Rumeurs où cette conne de Delauney joue le rôle de la méchante belle-mère.— Vous êtes en avance, grogne un second maton quand elle est introduite dans leur salle de pause.
Elle ne lui accorde même pas un regard, pose son sac sur la table au milieu de la pièce et s'assied enfin, droite comme la justice, en face de lui.
— Ça circulait bien.
— Évidemment, à cette heure...L'homme la dévisage comme s'il n'avait jamais vu personne d'aussi stupide, mais le regard impénétrable de l'inspectrice qui ne cille pas, fini par avoir raison de lui et il se lève.
— Je vais pisser, annonce-t-il en se défilant. J'irais chercher le détenu après.
— Bonne idée, je vais faire pareil.Berthie bondit sur ses pieds et le suit jusqu'à la porte où il se retourne vers elle, confus.
— Pisser. Je vais pisser aussi, s'agace-t-elle avant de le contourner pour se diriger droit vers les toilettes des femmes jouxtant la salle des visites par laquelle elle est passée quelques minutes plus tôt.
La prison est petite et vieillissante, et c'est ce dernier point qui va lui permettre d'exécuter sa mission sans mettre sa précieuse carrière en danger.
Quand elle revient, le maton a mis sa veste et patiente, un trousseau de clefs à la main.
— Vous pouvez attendre en salle des visites, je vais arriver.
Il est déjà en train de s'éloigner quand elle l'interpelle.
— On est en avance, vous l'avez dit vous-même. On a commencé du mauvais pied, vous et moi, mais on va devoir se supporter toute la semaine, peut-être plus. Ce procès va être interminable, il y a plus de cent victimes. Laissez-moi vous offrir un café.
— L'est dégueulasse, le café, ici.
— Mais le mien est excellent.Devenue ingénue, elle lui sourit en lui désignant la salle de pause.
L'homme est tout ce qu'elle exècre ; crâne rasé, tatouage sur les avant-bras, large autant de gras que de muscles et visiblement sensible à son cinéma de minette. Elle maîtrise tellement ce rôle et le trouve si ridicule que toute personne y succombant peut oublier à jamais l'espoir d'être considérée avec sérieux, ou même respect. Elle n'en montre rien, pourtant, et verse dans les deux tasses qu'il lui tend, l'excellent café qu'elle a préparé ce matin même.
— Il est très bon, approuve-t-il au bout d'un temps de réflexion qu'elle trouve insultant.
Très bon, quelle mascarade. Il est divin, oui.
Berthie déteste gâcher son Kona de Hawaï pour un abruti incapable de l'apprécier à sa juste valeur, mais que pouvait-elle espérer de plus de ce gros plein de soupe ?
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Degenerate Kings - Le vampire de Tregarta
ParanormalShiloh Delauney, une inspectrice nouvellement mutée à Tregarta, petite ville balnéaire anglaise, est surexcitée. Grâce à un taré qui se prend pour Buffy Summers, elle a l'occasion de rencontrer Jared et Elijah, les chanteurs des Degenerate Kings, so...