LA BOXEUSE SM

Chapitre 21

Le silence règne dans la limousine sur le trajet menant à la résidence estivale de Jim Shelby au Lac Cameron. Bien trop d'images, de questions et de réflexions traversent mon cerveau simultanément pour me donner envie de converser. Même si mon chauffeur, du soir, Zack Carter, ne m'était pas inconnu ; c'était un de ceux qui s'étaient trouvés dans les vestiaires de l'arène du combat Underground après mon combat avec Killer-Boy. Il accompagnait un docteur alcoolique et Jack Morisson. Et c'est ce dernier, bras droit de Jim Shelby, qui m'avait apporté, en main propre, la carte d'invitation pour cette fameuse soirée.

Même si la voiture était spacieuse, le large siège avant n'arrivait pas à contenir les épaules de Zack.

Vraiment costaud le mec, et bien plus que mon malheureux adversaire du soir. Il a plus la corpulence d'un chauffeur-livreur ou d'un déménageur que celle d'un chauffeur de voiture de luxe. A croire, qu'il a profité de ses longs moments à attendre des invitées comme moi, occupées à leurs séances de maquillage, pour faire de la musculation et se goinfrer de créatine.

Avec des mains aussi grosses que des battoirs, il n'a nullement besoin de la direction assistée, pour franchir avec aisances les avenues encombrées de Montgomery en ce samedi soir pour retrouver l'Highway 85.

Une fois sur cette autoroute, nous prenons vers Columbus et Atlanta, dans cette direction la circulation est moins intense et nous gagnons de la vitesse.

Les lumières intenses de la ville disparaissent et il ne subsiste que quelques halos lumineux qui se dessinent sur le verre surteinté de ma vitre. L'habitacle s'obscurcit dans les bruits légers et réguliers du moteur et des pneumatiques sur le bitume. Cette ambiance et le moelleux des sièges ont raison de la fatigue que j'ai accumulée ; mes paupières s'alourdissent.

La somnolence engourdit mes sens et éloigne mon désir de vengeance.

La nuit passée avait été trop courte, comme si nous cherchions, Léa et moi, à repousser l'échéance qui m'attend.

Mais le temps est inéducable et ce soir je rencontrerai ce pourri de Shelby ; le tueur de mes parents.

Et de ce moment-là et aussi de l'après, nous en avions toutes les deux discuter très longuement.

Car volontairement ou non, Léa se trouvait liée à mon dessein. Une fois que je l'aurais tué, qu'adviendra-t-il de nous ? D'elle ? Nous enfuir ? Et pour aller où ? Me laisser arrêter pour meurtre ? Aller en prison au risque que Léa soit reconnue aussi comme ma complice ?

Je me refuse à cette dernière éventualité, je préfère mourir plutôt que de la plonger dans l'enfer carcéral.

Me projeter au-delà de ce soir m'avait été impossible et inutile car pour moi cela aurait été l'aboutissement de mon objectif.

Mais Léa est rentrée dans ma vie et mon plan à court terme s'écroulait comme un château de cartes.

Me venger ou préserver Léa ?

J'avais des notes pas si mauvaises en math au lycée mais trop d'inconnues étaient rentrées dans cette équation que je n'arrivais plus toute seule à résoudre.

Je me suis finalement décidée de poursuivre l'idée de mon amie quoique cela m'en coûte beaucoup.

La vengeance est un plat qui se mange froid m'avait-elle dit et répété inlassablement cette nuit. Elle avait repris ce rôle de la tante Jenny pour essayer de faire rentrer cet adage dans ma tête. Une tête qui, quelquefois, se montre trop dure pour écouter.

Pour moi, attendre encore, après plus de dix ans, cela me faisait penser que cette vengeance n'était pas froide mais congelée et bien incompatible avec mon caractère plutôt bouillant.