J'accélère mes mouvements des bras et des jambes, pilonnant durement le lourd sac de frappe.
Celui se tord et trésaille sous chacun de mes coups ; comme un pantin désarticulé. Mon rythme cardiaque s'accélère et alimente régulièrement mes muscles en précieux oxygène.
Derrière moi, j'entends le ring central vibrer sous les sautillements des boxeurs et des chutes de ceux touchés durement par leurs adversaires.
Ces affrontements me manquent, mais j'accepte cette punition que m'a infligée Tony, mon entraineur et gérant de la salle de boxe.
Le regard réprobateur de ce dernier quand je suis arrivée ce soir, ne fit que confirmer ce que je savais par avance ; il était bien au courant de mon combat clandestin. Les hématomes persistants sur mon visage et mon corps ne pouvaient pas non plus cacher cette vérité.
De la vieille école, Tony m'envoya dans un coin de la salle pour m'entrainer seule, histoire de punir la mauvaise élève. Je n'ai pas été exclue comme certains autres boxeurs pour cela. Pour lui, la boxe, c'est du noble art pas un truc qu'on fait pour tabasser un autre pour de l'argent sans règles ou code moral.
J'ai eu de la chance cette fois-ci ou sous ses airs de vieil ours, il se cache un cœur d'or. Tony a été là après la mort des parents et il s'est montré toujours juste avec moi. Son air sévère me faisait peur quand j'étais enfant. Adolescente, ce n'était plus le cas, et rebelle, je m'en moquais même.
Aujourd'hui, majeure et vaccinée, je dois assumer pleinement mes choix. Mais je ne peux pas m'empêcher d'éprouver une forme de honte ou de malaise vis-à-vis de lui. Car ce qui me fait le plus mal quand il affiche des airs grognons comme ce soir, c'est de savoir que je le blesse, lui ; en ne respectant pas ses valeurs.
Tony est une des rares personnes à laquelle je tiens énormément. Faire du mal à quelqu'un qu'on aime, fait aussi du mal à soi.
Et ça, cela est arrivé et arrivera encore. Je dois me blinder et ignorer certains de mes sentiments, pour mener à bien ma vengeance.
La première partie de mon plan qui consistait à m'approcher de Jim Shelby avait fonctionné. Et dans deux jours, j'allais le voir en personne et me retrouver face à lui. Mais après ? Je n'avais pas encore réfléchi à la suite.
Je me voyais mal descendre de voiture, me diriger droit vers lui et le tuer à mains nues devant des dizaines d'autres invités. Sure que j'aurais du plaisir à le faire et que m'importe la prison après, mais j'avais aussi dans l'idée de le faire souffrir et surtout de lui demander : Pourquoi ?
Pourquoi avait-il assassiné mes parents ? Et j'avais d'autres questions comme savoir si c'était lui ou un autre avec ces tatouages sur les bras ?
Y avait-il des complices ou hommes de main qui méritaient aussi de mourir ?
J'avais décidé que ma vengeance devait être définitive et totale.
Ces questions je me les suis posées longuement pendant trois jours entiers chez Léa à me reposer et à récupérer des coups reçus lors de mon dernier combat. Mais rester enfermée ne m'avait pas beaucoup aidé pour trouver des réponses, cela m'avait, au contraire, pris la tête et la tension s'accumulait en moi.
Quoi de mieux que d'aller à la salle pour l'évacuer, m'étais-je dit aujourd'hui. Même si je devais subir le courroux de Tony.
Cela fait bien deux heures que je suis dans la salle, je regarde l horloges sur le mur d'en face ; il est 22 heures. Encore une dizaine de minutes et j'irai me changer pour partir juste avant la fermeture.
C'est le moment de faire mon sprint final.
J'enchaine de rapides crochets, des directs avec les bras et des middle et high kicks avec les jambes. Dans chacun de mes coups, je tente de visualiser l'assassin de mes parents. Mais mon cerveau me joue des tours, je n'arrive pas à avoir une image distincte de ses traits de playboy. Je ne devine que celle de ses yeux verts.
Ce sont seulement eux dont je me rappelle maintenant alors que je me suis tournée vers lui à plusieurs reprises lors de mon combat de samedi soir contre Killer-Boy.
Il me fixait aussi. Et c'est pour ce regard, que j'ai accepté de me laisser cogner par mon adversaire. Pour le satisfaire et susciter son attention.
Je dois dérailler, comment cet enfoiré de meurtrier pourrait me contrôler, que je quémande son attention ? Rien que d'y penser, j'ai la rage. Je ne la contrôle plus ; mes poings, coudes, genoux, tibias et pieds percutent avec force et déforment le sac. Je me déchaine contre cette chose inerte suspendue à un crochet par des chaines, comme s'il avait pour nom ; Jim Shelby.
Mon rythme cardiaque s'emballe, les pulsations de mon cœur atteignent des sommets inexplorés. L'oxygène n'arrive plus assez vite dans les bras contractés, mes poumons me brûlent, ma bouche se dessèche ; mes membres en surrégime implorent une pause, tous les voyants sont au rouge dans ma tête.
Pas de répit pour eux, trop de colère, trop de haine. Je suis pratiquement en apnée totale quand je tape encore et encore. La précision fait place à une force aveugle.
Dompter mon corps, aller au-delà de mes limites ; c'est comme cela que je gagnerai et que je le tuerai. Ne plus être cette petite fille peureuse qui a laissé mourir sa mère et son père.
Je veux être cette guerrière, celle surnommée la « Panthère d'Arabie », celle qui massacre ses adversaires, et non pas être un agneau qu'on étrangle et qu'on égorge.
- Putain, putain...peux plus...putain, continue...marmonné-je entre mes dents serrées à m'en faire exploser les mâchoires.
Coups sourds et douloureux dans la poitrine ; comme si mon cœur emballé veut s'échapper de ma cage thoracique. Des cercles lumineux, plus nombreux, me brouillent les yeux avant de laisser place à un voile noir.
A bout de force, je vacille et je me retiens, in extremis, au sac pour ne pas m'écrouler. La bouche grande ouverte, j'aspire avidement un air brulant et je refoule une bile acide au fond de ma gorge. Ma tête en sueur se colle contre le cuir abimé du sac.
Mes jambes tremblent et peinent à me porter, je suis à deux doigts de ne plus retenir ma vessie et de pisser dans ma culotte.
Un flux furieux d'endorphine parcourt mon corps et irrigue mon cerveau pour y éteindre les signaux d'alarme.
Quel plaisir ! Satisfaction d'aller aux limites et de les dépasser sur ce sprint. Je voudrais sourire de ma performance mais je crois que c'est plutôt une grimace qui se dessine sur mon visage.
Je retrouve un peu de lucidité et je me sens épiée. Machinalement et haletante, je plaque ma joue droite humide sur le sac et je croise le regard de deux ou trois hommes ; c'est sûr que ceux-là, ils ne viendront pas me draguer, ma réputation de « fighteuse » les éloigne tous et les folles ça fait toujours peur.
Je pivote pour laisser le cuir adhérer l'autre joue. Cette fois-ci, je ne rencontre pas l'étonnement mais plutôt la complicité dans le visage d'une superbe brune à quelques mètres à ma droite.
J'étais tellement concentrée à taper comme une mule que je n'avais pas encore remarqué sa présence.
Je me demande, si cette boxeuse, que je n'avais jamais encore vu ici, est aussi une mauvaise élève. Comme moi, elle est aussi seule face à un sac de frappe. Bien que des gouttes de transpiration coulent sur son corps athlétique, elle n'est pas aussi exténuée que je le suis.
J'essaye de reprendre le contrôle de ma respiration encore hachée. Mon corps regagne très vite de l'énergie. Et la brume semi-comateuse quitte définitivement mes pupilles. Nous nous dévisageons sans honte, ni gène.
De profil, je remarque de longs cheveux bruns, rejetés en arrière par une queue de cheval, lui descendre jusqu'aux omoplates. Finement musclée et plus petite que moi, son teint clair de sa peau contraste avec sa tenue de boxeuse de couleur noire. Des gants de boxe de 8 oz rouge placés devant sa poitrine donne envie de tester sa garde basse.
Simultanément, comme si nous nous connaissions depuis toujours, nous nous approchons l'une de l'autre. La punition serait-elle enfin levée ou ne ferait-elle que commencer ?
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LA BOXEUSE SM
ActionNadya plonge dans le monde des combats underground pour se retrouver dans celui plus sombre du SM. Un univers de souffrances et de blessures pour cette jeune fille, qui pensait avoir connu le pire avec la mort de sa famille dans un accident. Les...