CHAPIRE 1 -Lilah

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Le lycée ne lui avait pas manqué. Rester assise sur une chaise pendant presque huit heures d'affilées ne la tentait pas. Et dire qu'elle aurait pu se trouver dans un studio à réviser sa variation pour l'audition qui approchait, ou être sur la plage, en maillot de bain, ses longs cheveux trempés noués en chignon sur le haut de sa tête. L'été lui manquait déjà, et le lycée n'avait même pas repris depuis une semaine. Vivement le week-end et la soirée organisée pour l'anniversaire d'Audrey ! Enfin, elle n'en avait pas encore parlé à sa mère... Elle serait encore obligée de lui mentir, de lui faire croire que seuls Audrey, Cameron et elle seraient présents, alors que près d'une cinquantaine d'amis d'Audrey seraient là. C'était sans compter sur les talents de détective de sa mère : elle saurait voir si sa fille avait bu de l'alcool, si elle avait fumé une quelconque cigarette.

Heureusement, Lilah avait appris à trouver des parades pour esquiver les questions intrusives de sa mère. Et tant qu'elle ramenait de bonnes notes du lycée et de bons rôles après ses auditions, elle ne s'intéressait pas trop à sa vie.

Elle soupira. Si ça ne tenait qu'à elle, elle passerait ses journées à danser. Elle ne vivait que pour ça. A travers la fenêtre, elle voyait le grand soleil de Toulon frapper les arbres de la grande cour, réchauffer les bancs, réchauffer leurs joues. Enfin, la sonnerie finit par retentir, et elle se dépêcha de ranger ses affaires. Madame Olga ne l'attendrait pas pour commencer le cours, et les autres filles ne tarderaient pas à se moquer d'elle si elle arrivait ne serait-ce que deux minutes en retard.

« Lilah ! On vient avec toi ! »

Cameron lui fit son grand sourire qui plissait ses petits yeux bleus et lui attrapa le bras pour l'entraîner vers la sortie, Audrey derrière eux, les veillant comme s'ils étaient des enfants.

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Ils bavardaient tous ensemble, riaient fort, tout y passait. La rentrée, les profs, la famille... Le temps fil ait, le soleil frappait leur corps, la mer s'étendait au loin, le paysage était féerique. Lilah était heureuse, vraiment heureuse, dans ce genre de moment-là. Plus rien n'importait, ni les réprimandes incessantes de sa mère, ni ses devoirs dont elle sentait le poids dans son sac à dos, ni les quelques grammes qu'elle avait pris pendant l'été, à force de soirées, d'alcool et de pizzas, grammes qui lui vaudrait des regardes désapprobateurs de sa professeure, et de regards moqueurs des autres filles aux corps parfaits.

Le monde de la danse classique était un monde cruel, un monde sans pitié, un monde qui dévorait les danseuses dès qu'elles n'étaient pas semblables aux autres. Pas une ne dépassait, tous les cheveux se ressemblaient, blonds ou bruns noués en chignon, toutes avait la même couleur de peau, et malheureusement, très peu de personnes noires réussissaient dans ce milieu, bien qu'elles soient tout aussi talentueuses que les autres. Tout le monde connaissait tout le monde, le poids, la famille, alors un kilo de pris ne passerait certainement pas inaperçu. La jeune fille n'avait pas choisi de faire de la danse classique, sa mère l'y avait inscrite de force quand elle était toute petite. Si ça n'avait tenu qu'à elle, Lilah aurait choisi de l'équitation, du football, n'importe quel sport en extérieur lui aurait suffi. Mais ses parents n'étaient pas n'importe qui... Ils étaient cadres, leur position était importante, alors que leur fille fasse du football, c'était hors de question. C'est bien connu, le foot, c'est un sport de garçon, tu vas te blesser... Elle n'y croyait pas, mais s'était pliée à la discipline de la danse. Aujourd'hui, son corps était fait par et pour la danse, et c'était devenu sa passion. Elle avait travaillé, y avait consacré son corps et son âme, et elle était devenue l'un des meilleurs éléments de son école. La jeune fille savait que c'était l'une des raisons pour laquelle elle était détestée par ses camarades. Elle se destinait à une carrière dans le ballet, et pour cela, elle devait être la meilleure, la meilleure partout, à l'école, à la maison, à la danse, elle devait être parfaite, parfaite en tout point.

Le fil rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant