CHAPITRE 12 -- Maya

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Le mois de novembre s'était enfui, laissant place à décembre et son ambiance de Noël. Sa grand-mère était arrivée en début de semaine afin d'aider ses deux-petites filles à préparer la fête qui se profilait le vendredi. La décoration du sapin, de la maison, la cuisine. Pour Noël, Maya et Mila oubliaient tout et se concentraient sur les bonnes odeurs qui montaient du four, leur grand-mère et ses pulls ridicules qui les faisaient tant rire. Heureusement que Joséphine était là, sinon les deux sœurs auraient été condamnées à passer les fêtes de fin d'années noyées dans l'alcool que buvait leur mère. Comme Joséphine était là, cela leur promettait un Noël un peu plus festif, presque un vrai Noël, avec ses cadeaux et de bonnes choses à manger. Durant cette période, Maya ne se souvenait plus d'Ashley, de Lilah, du bac blanc de français qui s'était déroulé la semaine d'avant et encore moins la pile de leçons à abattre.

Finalement, le 24 décembre arriva enfin, et les sœurs étaient en train de se préparer dans la chambre de l'aînée. Devant le petit miroir de la pièce, Mila se mettait du mascara. De l'autre côté, face à son armoire, Maya cherchait quelque chose se mettre. Mamie Joséphine insistait toujours pour que les filles soient bien habillées en cette soirée annuelle. Elle opta finalement pour une chemise blanche, plutôt large, et une jupe. C'était rare, qu'elle accepte de montrer ses jambes, mais après tout pourquoi pas ? Devant le reflet de ses longues jambes pâles, la jeune fille décida tout de même d'enfiler une paire de collants noir. C'était une soirée spéciale pour sa famille, certainement la seule de l'année où sa mère redevenait celle qu'elle était quelques années auparavant. Et puis, évidemment, les cadeaux ! Les deux sœurs étaient restées des enfants sur ce point-là, et c'était leur moment préféré de la soirée. La voix de Joséphine retentit dans la cage d'escalier. Maya croisa le regard de sa petite sœur, qui lui sourit et passa devant elle pour descendre. Restée seule dans la pièce, elle se demanda comment se passait le Noël de Lilah. Etait-ce une fête heureuse, en famille, oncles, tantes, parents et grands-parents réunis ? Une soirée juste avec ses parents ? Puis, comment allait-elle ? Elle avait remarqué que l'un de ses carnets de croquis avait disparu, elle l'avait cherché frénétiquement, s'était demandé où il avait bien pu passer. Puis elle avait eu un flash, s'était vue donner le carnet en question à Lilah endormie sur son lit, comme en demi-teinte, comme si elle était hors d'elle et se voyait de haut. Elle se souvenait de l'avoir regardé tendrement, s'être retenue de lui caresser les cheveux. Elle s'en souvenait, pourtant elle était persuadée que ce n'était jamais arrivé. Comment aurait-elle pu ? Elles se connaissaient à peine.

« Maya, tu descends, on va passer à table ! »

La voix de sa sœur lui fit l'effet d'un seau d'eau glacée. Elle secoua la tête pour se reprendre et descendit rejoindre sa famille.

*****

La jeune fille regardait sa grand-mère rire avec Véronique et Mila. C'est devenu tellement rare que sa mère ne les regarde pas comme si elles n'étaient rien, que des choses qu'elle n'avait jamais aimé. Elle avait bu, ça, il était impossible de le changer. Mais elle avait bu moins que ce à quoi Maya était habituée, un ou deux verres de vin depuis le début de l'apéritif. Et nous étions à l'entrée. Elle piqua une tranche de saumon fumé, dans son assiette depuis le début du repas et le repoussa sur le bord de son assiette. Elle n'avait pas faim. Elle était heureuse de voir sa famille heureuse, bien sûr, mais elle ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer « l'après » du repas, quand sa grand-mère partirait, les laissant seules avec Véronique. Qui sait ce qui se passerait alors, à l'abri des rideaux et des portes closes. La jeune fille se retint de soupirer et força un sourire. Elle pouvait bien faire semblant, au moins.

Joséphine finit par se lever pour aller dans la cuisine chercher le reste du repas. Maya attendit un peu avant de la suivre, et s'adossa au four. Dos à elle, sa grand-mère coupait la viande et la disposait dans un grand plat en verre. Lorsqu'elle se retourna, elle fut surprise de voir que sa petite-fille la regardait en souriant.

Le fil rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant