Le fil rouge

CHAPITRE 20 - Maya

Ash avait tenu sa promesse. Pendant tout le mois de février, elle avait cherché, fouillé, fouiné, elle avait tout fait pour trouver un nom, une adresse, ou juste un compte Instagram. Mais rien n'avait surgi des tréfonds d'Internet. Si Lilah était réelle, comme Maya le pensait, alors elle n'était qu'une ombre, un fantôme, un fantasme qui apparaissait pour disparaître l'instant d'après. Alors, parfois, la jeune fille avait désespéré. Jamais elle ne trouverait une cette fille. Marie s'était inquiétée pour sa sœur, qu'elle avait vu se renfermer sur elle-même de plus en plus. Elle encaissait les coups de sa mère sans broncher, gardait les yeux dans le vide, s'enfermait dans sa chambre dès qu'elle rentrait de l'internat et elle n'en sortait que pour retourner au lycée le lundi matin.

La cadette ne pouvait rien faire pour aider son aînée, aussi elle se contentait de s'asseoir à côté d'elle sur son lit, en silence, parce qu'elle savait que ça faisait du bien à Maya. Mais la plus jeune en avait tout de même parlé à sa grand-mère, qui elle-même s'était inquiétée. Elles avaient tenté de sortir Maya de sa torpeur, mais rien n'avait fonctionné. Pour se sortir de cette grisaille qui l'entourait, Maya aurait eu besoin d'un rai de blondeur, des yeux verts, d'une grâce sans pareille et d'une maigreur dangereuse. Elle avait beau ne pas l'avoir vue depuis des mois, elle savait que Lilah était là, qu'elle dormait, blottie dans un coin de sa tête. Elle continuait de maigrir à vue d'œil et Maya continuait de s'inquiéter, au point d'en oublier sa propre vie et sa santé.

Elle avait montré la lettre qu'elle avait reçue de Lilah à Ashley lors de l'un de leurs rendez-vous de recherches. Elle avait vu son ex se décomposer, avant de reprendre contenance rapidement. Pour être totalement honnête, la jeune fille n'avait pas pensé à ce qu'Ash pourrait ressentir. Maya demandait à une jeune fille qui l'aimait de l'aider à trouver une autre jeune fille qu'elle aimait. Cela pouvait paraître toxique et la dessinatrice en était consciente, mais elle avait tellement besoin de trouver Lilah que c'en était presque vital. Ce jour-là, Ash était sortie du petit café où les deux filles s'étaient retrouvées en disant à Maya :

- Maintenant, ça suffit. Je t'ai aidée, mais je peux rien faire de plus. Je suis désolée, mais ta meuf, c'est un fantôme, on trouvera jamais rien sur elle.

Maya n'avait rien dit, elle s'était contentée d'hocher la tête, d'hausser les épaules. Après tout, la dessinatrice comprenait son ex. Mais, si c'était dur pour Ashley, se rendait-elle compte d'à quel point cela l'était pour Maya ?

Non, puisque personne ne s'en rendait compte.

Alors Maya s'était lancée à corps perdu dans des recherches de plus en plus approfondies. Comment était-il possible que la danseuse et la dessinatrice puissent échanger des objets ? En fouillant sur le web, elle était tombée sur des concepts de physique ahurissants. Elle avait lu pendant des journées et des nuits entières des théories sur la division de cellules qui avaient la capacité de se régénérer afin de revenir à leur état premier. Pourtant, toutes ces théories se rapportaient au voyage dans le temps. Pour Maya, voyager dans l'espace-temps n'était pas impossible, certes, mais cela lui paraissait étrange. Comment elle, ou Lilah, pouvait-elle passer d'un temps à un autre si ces principes scientifiques n'étaient même pas prouvés ? Elle devait trouver un moyen d'y voir plus clair.

*****

« Vos épreuves du bac de français se dérouleront le quinze juin, pour l'écrit, et à partir du vingt pour les oraux. Vos convocations vous seront envoyées une à deux semaines à l'avance. Je vous expliquerais les modalités plus en détail plus tard. »

La nouvelle tomba comme une chape de plomb sur les épaules de la jeune dessinatrice. Comment pourrait-elle mener ses recherches à bien si elle se perdait sous les révisions ? Elle ne pouvait pas se permettre d'avoir une mauvaise note, elle devait accumuler au maximum les points d'avance pour le bac de l'année prochaine. Elle se prit la tête entre les mains, et n'écouta plus rien du cours de français qui suivit.