CHAPITRE 17 - Lilah

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Janvier, puis février avaient emmené toujours plus de froidure. Les corps se cachaient derrière des couches de vêtements de plus en plus épaisses, les mains étaient gantées ou dans les poches. Même dans les salles de classe, le chauffage ne suffisait pas à réchauffer tout le monde. Au studio, les filles ajoutaient un pull et des jambières pour éviter d'avoir trop froid. Au moins, ces couches permettaient à Lilah de camoufler sa maigreur anormale. Il n'y avait que la danse qui lui posait problème. Dans le miroir, elle se comparait sans arrêt. Trop grosse, trop laide, plus assez souple. Son accident l'avait marquée, tant physiquement que mentalement. Il lui était désormais impossible d'enfiler une paire de pointes sans être prise d'une crampe et de crier de douleur. A l'autre bout du studio, Céleste arborait un air suffisant qui insupportait la jeune fille. Madame Olga ne lui adressait même plus un regard, elle préférait se concentrait sur la nouvelle étoile du studio. Elle voulait juste arrêter. La danse, l'école, la vie. Ça ne lui plaisait plus, elle avait perdu le goût en même temps que le rôle de Giselle. Le jeu avait assez duré ; maintenant, Lilah voulait juste se reposer. Alors elle avait demandé à sa mère si elle pouvait arrêter la danse. Pas pour toujours, non, juste le temps d'aller mieux, du moins d'essayer d'aller mieux. Sasha avait refusé à grand cri, s'offusquant parce que selon elle, Lilah était capricieuse, qu'elle n'avait pas besoin d'aide. Alors, Lilah avait juste arrêté, elle n'allait plus à ses cours le soir, traînant en ville jusqu'à ce qu'il soit l'heure de rentrer chez elle. Puisque de toute façon, tout partait à vau-l'eau, abandonner une chose de plus ou de moins, qu'est-ce que ça changerait, honnêtement ?

Rien.

En plus de ça, Lilah n'avait aucune nouvelle de Maya. Elle avait l'impression qu'elle n'existait plus du tout, que le fantôme s'était évanoui comme ça, d'un coup, aussi vite qu'il était arrivé.

Au lycée, Audrey ne la regardait pas. Cameron restait avec elle, mais son regard la fuyait. Même garder ses amis, elle ne savait pas faire.

Idiote.

Et évidemment, la petite voix était revenue. Elle vomissait le soir, tous les soirs. Elle n'avait plus ses règles, elle perdait ses cheveux, elle voyait ses dents s'abîmer.

Alors Lilah avait décidé de se reprendre en main. Plutôt que de rester au centre commercial pendant des heures au lieu de ses cours de danse, elle avait trouvé un psychologue spécialiste des troubles du comportement. Ce soir-là, elle allait pour la première fois chez le psy, et pour être honnête, elle était un peu effrayée à l'idée de devoir parler à un inconnu, de lui expliquer tous ses états d'âmes. Mais elle pensa à Maya, et elle se dit que ce n'était peut-être pas une mauvaise chose, que tout garder pour elle finirait par la tuer.

*****

- Enchantée. Lilah, c'est ça ?

La jeune fille hocha timidement la tête, un peu impressionnée. Pourtant le docteur en face d'elle ne dépassait pas le mètre soixante, elle avait un air souriant et avenant, des boucles indisciplinées autour du visage.

- Donc, Lilah, si tu es là aujourd'hui, c'est pour que je t'aide à te sortir de tes TCA. De ce que tu m'as dit au téléphone, tu as admis savoir être malade.

- Oui...

- C'est déjà très bien. Tu as fait la moitié du travail, bravo. Maintenant il va falloir que tu m'expliques ce qui, selon toi, a causé ce trouble. Si tu trouves ça trop dur, tu n'es évidemment pas obligée, et dans ce cas tu pourras juste me parler de ce que tu veux.

Devant le visage bienveillant de sa psychologue, Lilah se détendit ; elle savait qu'elle pouvait lui faire une confiance pleine et entière. C'était son métier, après tout.

Le fil rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant