CHAPITRE VINGT-CINQ

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Cameron est parti tôt ce matin alors je me réveille seule dans notre lit. J'ouvre les yeux dans des draps froids qui traduise son absence. Depuis que nous vivons ensemble, j'ai appris à détester les matins sans lui. Je me fichais de me réveiller seule avant mais maintenant j'ai horreur de ça. J'aime pouvoir me blottir contre lui alors que je n'ai pas encore ouvert les yeux. J'aime aussi sentir son odeur dès mon réveil et voir son visage s'illuminer quand il pose les yeux sur moi.

Oui, j'aime me réveiller à ses côtés et je déteste quand il n'est pas là.

Et aujourd'hui encore plus qu'un autre jour.

Le week-end que nous avons passé a été très éprouvant. Nous avons eu du mal à réaliser ce que nous avons vécu. Cameron s'est remit en question et s'est extrêmement renfermé sur lui-même. Seulement, je ne lui en veux pas car je sais qu'il ne l'a pas fait contre moi. Il avait besoin de faire le point et pour ça il devait se retrouver, se faire face. Je l'ai laissé réfléchir et se remettre de cette épreuve en lui apportant le soutien nécessaire. Cam sait parfaitement qu'il peut compter sur moi. Je suis prête à me battre pour lui.

Ce matin, je regrette de ne pas être avec lui mais je sais qu'il est parti travailler et qu'il n'avait rien de plus utile à faire. Il avait besoin de briser cette étrange coquille dans laquelle nous nous sommes retrouvés prisonniers après son passage au poste de police. Pour cela, il fallait qu'il retrouve sa vie normale, qu'il retourne travailler comme il le fait tous les lundis matins. Il est sûrement parti plus tôt aujourd'hui mais je suppose qu'il n'a pas beaucoup dormi comme la nuit précédente et qu'il a préféré se lever plutôt que de rester au lit à ruminer. Je peux comprendre cela. J'aurai probablement agi de la même façon à sa place.

En fait, je me rends compte que c'est ce que je suis en train de faire. Je rumine et ressasse ce qu'il nous est arrivé. Je me tracasse quant à l'avenir et je me soucie de Cameron au point où je pourrais facilement m'en donner mal à la tête.

Il faut que tu arrêtes ça, Carlson.

Étrangement, c'est la voix de Cameron que j'entends dans ma tête. Il ricane et m'intime de lâcher prise, de cesser mes ruminations pour commencer ma journée.

Je ne bronche pas et m'exécute en écoutant cette voix que j'imagine me parler et me guider.

Je repousse la couette et m'extirpe lentement de ce lit où je suis seule. Je pose pieds à terre et me lève en supportant le poids des événements sur mes épaules. Je fais rapidement mon lit et enfile un sweat-shirt par dessus mon haut de pyjama. Je troque ainsi mon short pour un leggings qui me tient bien plus chaud.

Ensuite, je me dirige vers la cuisine dans l'intention de me préparer un petit-déjeuner.

Dans le silence ambiant qui règne dans l'appartement, je mets des tartines dans le grille-pain et verse du jus d'orange dans un verre. Je sors quelques œufs que je casse dans une poêle. Je concocte une assiette bien rempli avant de m'asseoir au comptoir pour manger.

Malheureusement, l'appétit n'est pas là.

Je passe plusieurs minutes à planter ma fourchette dans mon omelette sans en avaler plus de deux bouchées. Je grignote mes tartines de confitures mais n'en termine pas une seule. Je parviens à engloutir mon verre de jus d'orange mais mon assiette demeure toujours aussi garnie. Je n'arrive pas à me nourrir correctement.

Mon esprit est tellement accaparé par mes soucis que j'en perds la sensation de faim. Je dois me forcer pour avaler quelque chose. Mon corps est faible car je n'ai pas beaucoup mangé aujourd'hui mais je n'arrive pas à finir mon assiette. Je pense à tout un tas de choses, à Cameron et à la plainte qui a été déposé contre lui. Je pense aussi à notre avenir, à ce qu'il adviendrait de nous s'il devait fauter et aller en prison pour plusieurs mois. Je réfléchis également à un moyen d'éviter ça à tout prix. Stephen occupe également la plupart de mes pensées. Il parasite mon cerveau. Je n'arrive pas à le faire partir. Son sourire vengeur me revient sans cesse à l'esprit. Je suis en train de me consumer de l'intérieur.

Sans même m'en rendre compte, je commence à faire une crise de panique. Elle se déclenche en moi d'un seul coup et menace de me terrasser. Mon souffle se fait plus court et mes jambes me démangent. Je ne me sens pas bien.

Aussitôt, j'ai le réflexe de me lever en abandonnant définitivement mon petit-déjeuner et de m'activer dans l'appartement pour me vider l'esprit. Il faut à tout prix que je concentre mes pensées sur autre chose que mes inquiétudes. Je ne veux pas perdre pied. Je suis seule mais je peux très bien me débrouiller toute seule. Il faut que je m'occupe avant qu'il ne soit trop tard et que l'inquiétude me terrasse.

La première chose que je fais est de prendre mon téléphone pour lancer ma playlist « motivation » sur l'enceinte Bluetooth du salon et de mettre le son à fond. Je clique sur un morceau au hasard qui se révèle être New attitude de Patti LaBelle.

Le tempo rythmé de la musique me met immédiatement de meilleure humeur. J'éprouve un immense soulagement de ne plus entendre ce silence oppressant. Je me libère des tracas qui encombre mon esprit et extériorise mon angoisse en dansant au milieu du salon. Je me focalise sur la musique et entreprend une séance de grand ménage pour m'occuper au maximum la tête. Je m'occupe autant que je le peux pendant que la voix de la chanteuse s'élève dans l'appartement.

Finalement, toute la pression de ce week-end de malheur s'échappe au son de la musique.

Je profite de ce regain d'énergie pour danser et ranger la pièce en même temps. Faire le ménage me procure un sentiment de satisfaction parfaitement agréable. J'envoie ma crise de panique très loin de moi et me concentre sur ma tâche. Comme bien souvent, j'exorcise mes soucis à travers le ménage. Je débarrasse l'îlot de la cuisine car je sais que je ne vais pas terminer mon petit-déjeuner.

Cette journée commence d'une façon étrange mais j'arrive à trouver une dose d'énergie et de courage suffisant pour la poursuivre sans trop d'accros.

THE WAY - L'INCERTITUDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant