THE WAY - L'INCERTITUDE

CHAPITRE CINQUANTE-ET-UN

 Le silence règne dans l'appartement alors que Cameron et moi sommes au lit. Il griffonne sur son vieux calepin de dessin tandis que je corrige une des partitions sur laquelle je travaille en ce moment. Nous n'avons pas échangé un moment depuis près d'une demi-heure. C'est souvent comme ça que nous terminons nos soirées. Si nous ne faisons pas l'amour, nous travaillons tranquillement l'un à côté de l'autre. Cam a toujours des croquis à parfaire alors que je ne cesse jamais d'écrire et de composer.

Nous avons peut-être l'air d'un vieux couple assis là, l'un à côté de l'autre, sans nous parler. Pourtant, ça ne me dérange pas et Cameron ne semble pas l'être non plus. Je crois même qu'il aime tout autant que moi cette routine qui s'est instauré entre nous. Elle est sécurisante et rassurante. Nous retrouver là chaque soir, être seulement l'un près de l'autre, est tellement familier pour nous. Nous ne craignons pas de nous ennuyer parce que nous sommes simplement nous-mêmes. Le silence n'est pas un ennemi non plus. En fait, Cam et moi n'avons pas besoin de parler pour communiquer. Nous échangeons parfois un sourire ou un regard et ça nous suffit à dire à l'autre qu'on se sent bien ici et qu'on voudrait que rien ne change.

Néanmoins, ce soir, j'ai envie d'aborder un sujet avec lui et le moment est parfait. J'aime aborder une discussion plus ou moins délicate lorsque nous sommes au lit. Ça me paraît plus simple de le faire quand la journée est finie et que nous sommes à tête reposée. Cameron est généralement plus coopératif et moins nerveux à ce moment de la journée. Il se détend et est apte à tout entendre.

-Ta mère t'a vraiment proposé de t'aider ?

Je sors ça sans trop réfléchir. Je ne vois pas comment aborder le sujet autrement. Je préfère aller droit au but plutôt que de tourner autour du pot en ne sachant pas quoi dire. Cameron n'aime pas que je sois trop hésitante. Il préfère lui aussi foncer sans tergiverser. Je décide de faire comme lui et de ne pas me prendre trop la tête.

Cameron lève les yeux de son calepin, pose sa main à plat sur la feuille noircie tout en tenant toujours son crayon et tourne la tête vers moi.

-Ouais, c'est ce qu'elle a fait.

-Elle va réellement fait tout ça dans le dos de Stephen ?

-Il faut croire, oui.

-Elle n'a pas peur qu'il le découvre ? rétorque-je, une pointe d'inquiétude dans la voix. Enfin, je veux dire on sait tous que ton beau-père peut être intransigeant et violent. Il pourrait lui faire du mal s'il apprenait qu'elle te voit et qu'elle te laisse passer du temps avec Maddie. Ce serait même encore pire s'il apprenait que c'est son idée à elle. Stephen serait furieux s'il était au courant.

-Je sais et elle le sait aussi, Em. Je ne pouvais pas refuser sa proposition. Si elle est prête à prendre le risque alors moi aussi. Elle n'en a jamais fait autant pour moi. Je ne peux pas laisser cette occasion me passer sous le nez. En fait, je me dois de la saisir. Ma mère me doit bien ça.

-Et elle ne te demandera rien en retour ?

-C'est ce qu'elle a dit, en tous cas.

J'essaie de décoder le langage de son corps mais Cameron reste presque indifférent. Il ne montre pas vraiment d'émotion alors que je sais pertinemment que ce sujet peut être sensible. Il n'aime pas parler de sa mère ou de tout ce qui se rattache à elle. Je suis étonné qu'il ait l'air aussi confiant. Son ton est léger et son regard ne trahit aucune inquiétude. Il est serein et je trouve ça plutôt étrange vu la situation dans laquelle il est.

-Je ne sais pas trop quoi penser de tout ça, Cam.

-Moi non plus.

-Ah oui ?