CHAPITRE SOIXANTE-NEUF

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 Ma gorge est tellement nouée par toutes les inquiétudes qui me rongent que je suis incapable d'avaler quoi que ce soit. Je n'arrête pas de cogiter si bien que j'en ai perdu l'appétit. Je manipule distraitement du bout de ma fourchette les aliments dans mon assiette sans m'y attarder plus que ça. Je n'ai pas envie d'avaler ne serait-ce qu'une bouchée de mon repas. Mon ventre est comme un corps étranger aujourd'hui. J'ai la nausée depuis hier et je n'arrive pas à aller au-delà de ce malaise. J'aimerai pouvoir me forcer mais j'en suis incapable.

Dans ma vie, j'ai souvent réussi à faire bonne figure quand ça n'allait pas vraiment. Mais cette fois-ci, je n'en ai pas la force. Mon malaise me touche bien trop profondément. Je ne peux pas faire comme si tout allait bien alors que l'envie de vomir ne m'a pas quitté depuis hier. Je ne me sens même pas en état de me nourrir correctement. Mon corps refuse d'être consolé car mon cœur souffre beaucoup trop.

Autour de moi, Cameron, Jules et Maddie ne semblent pas souffrir du même mal que moi puisqu'ils dévorent littéralement le poulet tandoori que Jules a préparé. Maddie se goinfre littéralement, signe que notre balade de cet après-midi l'a mise en appétit, Jules ne mange pas énormément mais elle a l'air d'être plus optimiste aujourd'hui et Cameron est simplement lui-même.

-Le poulet ne te plaît pas ? me demande soudain Jules tout en me lançant un regard curieux.

Je lève les yeux de mon assiette et la fixe avec de grands yeux ronds.

-Oh, euh...si. C'est très bon, Jules.

-Tu n'as presque pas touché à ton assiette.

-C'est juste que je n'ai pas très faim ce soir, bégaye-je bêtement.

Je crois que ma belle-mère me perce à jour car son regard se fait plus doux et elle m'adresse un sourire compatissant. Elle sait probablement reconnaître une femme qui cogite. Elle doit parfaitement connaître cette sensation. Je suppose qu'elle se doute que notre conversation a engendré des doutes dans mon esprit.

Heureusement, elle me comprend et ne cherche pas à en savoir plus.

-Ça peut arriver, oui, dit-elle.

-Ça doit être la glace qu'on a mangé, rétorque Maddie au bout de la table. C'était une très grosse glace !

Sa réponse fait sourire Cameron et Jules.

-Pourtant, ça n'a pas l'air de t'avoir coupé l'appétit à toi, ricane le grand frère.

-Non. J'adore le poulet tandoori de maman.

-Je vois ça. Je crois même qu'on a tous remarqué, ne t'en fais pas.

-On a passé une super journée, Emery et moi. On a mangé une glace énorme et on a été au parc. Où est-ce que vous étiez, vous ?

Le fils et la mère échangent un regard complice.

Je suppose qu'ils se demandent l'un et l'autre si le moment est bienvenu pour en dire plus à Maddie. Elle ignore encore les circonstances qui les ont mené, sa mère et elle, à quitter leur maison pour venir habiter ici. Elle n'a aucune idée de tout ce qui se trame dans son dos. Elle est encore trop jeune pour qu'on puisse lui expliquer tout dans les détails.

Néanmoins, je crois qu'il est temps de lui faire part de certaines choses pour qu'elle n'en vienne pas à se poser trop de questions.

-Ton frère et moi, on a été voir Kate, déclare alors Jules. Tu te souviens d'elle ?

La petite blonde acquiesce tout en mâchant un morceau de poulet presque trop gros pour sa bouche.

-Et tu l'aimes bien, Kate, pas vrai ?

THE WAY - L'INCERTITUDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant