CHAPITRE TRENTE

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Je ne suis pas rentrée chez mon père depuis des mois et pourtant j'ai l'impression de rentrer à la maison. Je n'étais pas revenue ici depuis l'été dernier quand je suis partie comme une furie de la maison après que mes parents ont décidé de contrôler ma vie toute entière. Ils craignaient qu'il ne m'arrive quelque chose après mon accident. J'étais partie de la maison comme une voleuse et Cameron m'avait ramené à Denver.

Aujourd'hui, je suis de retour dans ma ville natale et c'est pour une toute autre raison. Je suis revenue car mon frère ne va pas bien. Il a fait un passage à l'hôpital et c'est une raison suffisante pour que je rentre chez mon père pour le voir. Je suis morte d'inquiétude depuis que mon père m'a passé ce coup de fils pour me prévenir de ce qui était arrivé. J'ai tout de même fait l'effort d'être sur mes gardes tout au long du trajet. J'ai promis à mon père et à Cameron que je ferai attention à moi. J'ai prit sur moi pour être prudente et ne pas trop céder à la panique.

Il m'aura fallu trois heures trente de route pour arriver jusqu'ici et je touche bientôt au but. Je viens tout juste de passer l'hôtel de ville et les rues du centre. Je me dirige vers la banlieue où j'ai passé toute mon enfance. Je connais le chemin par coeur. J'ai grandi ici. Ces rues sont encrés dans ma tête comme dans du ciment. J'ai souvent parcouru le centre ville pendant les week-ends où je ne passais pas mon temps dans ma chambre à réviser et j'ai passé de nombreuses heures dans le grand parc où j'aimais me retrouver pour faire le point et prendre le temps de la réflexion. J'ai aimé vivre ici même si ce n'est plus chez moi.

Un sentiment de nostalgie s'empare de moi et s'infiltre dans chaque veine de mon corps au fur et à mesure que les bâtiments, les rues et le paysage défilent derrière ma vitre. J'ai l'impression de voir mon enfance ainsi que mon adolescence se matérialiser devant mes yeux. J'ai vécu ici pendant si longtemps que j'ai la sensation que certains lieux font partie de moi. J'aime ma vie mais cette ville aura toujours une place particulière dans mon coeur. Elle représentera mes premiers pas dans la vie, mon enfance avec Charlie et les complications que m'ont donné mon rôle de grande sœur mais aussi la joie que celui-ci m'a procuré ainsi que mon adolescence rythmée par ma réussite scolaire et mes longues après-midi au piano à écrire des chansons qui ne sortiront peut-être jamais de mon carnet de notes.

Lorsque je me gare enfin devant la maison, il est plus de dix-huit heures.

La nuit n'est pas encore tombée mais elle ne devrait pas tarder à faire son apparition. Je suis soulagée d'être arrivée avant que le soleil ne se couche. Je sais que Cam et mon père aurait été fou d'inquiétude de me savoir sur l'autoroute de nuit. J'ai bien fait de partir directement de Denver sans plus attendre. Me voilà déjà à destination.

Je ne perds pas plus de temps à rêvasser et sors de ma voiture.

Après seulement quelques pas dans l'allée menant à la maison, mon père apparaît à la porte.

Je fonce vers lui et me dépêche de le prendre dans mes bras.

Je suis certaine que sa journée a été difficile. Il n'aime pas les crises de Charlie tout autant que moi. Je sais qu'il s'inquiète sans cesse pour lui et que ce genre d'épreuve le touche beaucoup même s'il ne le montre pas. Il tient à ce que Charlie se sente bien et la moindre rechute lui brise le coeur. Il fait pourtant beaucoup d'efforts pour qu'il ne manque de rien et il s'assure toujours que rien ne peut le blesser. Je suis certaine que ce coup bas l'a épuisé et qu'il a besoin d'être réconforté.

Je prends donc le temps de le serrer dans mes bras et de caresser tendrement son dos avant de pénétrer dans la maison.

-Comment va-t-il ? lui demande-je d'une voix douce.

THE WAY - L'INCERTITUDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant