Chapitre 16 - Enzo

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-Mec, elle ne me parle presque plus depuis une semaine, je ne sais même plus si je dois lui essayer de l'approcher ou non, elle me rend fou ! me plains-je alors qu'Alec joue avec quelques outils qui trainent.

Mary et moi n'avons pas réussi à surmonter nos différends, elle reste murée dans un silence pesant chaque fois que nous sommes ensemble, c'est-à-dire à peu près chaque matin et chaque soir depuis cinq jours. Je ne supporte plus ces non-dits entre nous, et elle refuse de me parler davantage que des phrases polies, ou sur les futilités du quotidien. Je suis fatigué de chercher à apaiser les tensions alors même que je ne comprends pas ce qui nous a mené dans une pareille guerre froide.

-C'est ça les nanas, mon pote. Elles ne savent pas elles-mêmes ce qu'elles veulent. Si tu lui parles, elle te dira d'aller te faire voir, et si tu ne le fais pas, t'es bon pour aller te faire voir plus longtemps encore.

Les mains crasseuses, encore noircies par le cambouis les ayant salies toute la journée, je les plonge sous le capot de sa caisse pour en changer la batterie. Cet imbécile n'a pas tort, il a même sacrément raison. Dans n'importe quelle situation, ma décision sera toujours la pire à ses yeux !

-Putain, c'est vrai. Elles vont me rendre timbré. Je te jure, elles me contrôlent. Elles sont dans ma tête !

Il ricane, puis continue de faire mumuse autour de moi alors que ça a le don de m'agacer plus que tout. Je ne sais pas si Alec est le meilleur conseiller relationnel pour parler ainsi de mes problèmes de couple, mais en tout cas il est bien le seul à qui je peux les raconter.

-Ce ne sont pas elles, mais les deux copines du haut. Réplique-t-il en attirant mon attention pour que je l'observe, mimant une paire de seins avec ses mains.

J'éclate de rire devant cette image aussi ridicule qu'hilarante. Il est encore habillé comme un col blanc, et sa crédibilité s'évapore à la seconde même.

-Sans oublier leurs copines du bas. Qu'est-ce que je les aime celles-là, poursuit-il.

Il se mord les lèvres comme pour exprimer à quel point il les adore en effet, avant d'en rire autant que moi. Ce mec a besoin de se faire sucer la queue une bonne fois pour toute, ou il finira par péter les plombs avant dimanche.

-T'es taré, depuis quand t'as pas baisé mon vieux ? Un mime ? Sérieusement ?

Il bougonne, alors que je retire la batterie usée pour la remplacer par la neuve.

-Le boulot mec, je n'ai même pas le temps de me laver.

Je cesse de rire pour le fixer franchement et déceler dans son regard une trace d'humour, s'il me fait une blague, elle est très mauvaise. Je hausse un sourcil pour appuyer ma désapprobation. Sur ce coup, je ne le suis pas.

-Putain je plaisante bien sûr ! Mais je suis trop occupé, et si j'essaie de passer une soirée sans penser au boulot, je me prends une cuite. Dans ce programme il n'y a pas de place pour une femme.

Il me fait marrer, ce type. Lorsqu'il a une copine il ne se sent jamais prêt, et lorsqu'il n'en a pas, il en redemande. Les hommes sont peut-être tous pareils, finalement. Et c'est peut-être moi qui serais de meilleurs conseils pour lui. Ni l'un ni l'autre, sans aucun doute.

-Ou bien, c'est que tu ne sais pas boire mon pote.

Il hausse des épaules, tandis que je claque le capot, heureux d'avoir enfin fini ma besogne. Le soleil est déjà caché dans l'horizon, et seuls quelques rayons subsistent vaillamment.

-Certainement. Que veux-tu. À croire que j'aime les gueules de bois. S'amuse-t-il.

Il m'a pourtant l'air à demi sérieux, ce qui me préoccupe. Il le prend à la rigolade aujourd'hui, et demain il finit alcoolique. Qui sait ? Je dramatise, mais on ne sait jamais vraiment comment les gens se consolent lorsqu'ils sont seuls.

Charlie : Je t'aimerai pour deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant