Chapitre 10 - Enzo

33 3 2
                                    

Mon pouls s'accélère, et l'adrénaline me donne l'impression de planer. Le paquet, récupéré plus tôt, dans ma poche semble peser une tonne sur ma conscience.
Je le fais pour qui, pour quoi ? L'argent ? La reconnaissance ? Putain, je crois que ce n'est pour rien du tout. Juste pour m'occuper l'esprit. Me focaliser sur autre chose. Sentir mon cœur battre plus vite pour une autre raison que celle que je fuis à cet instant. C'est peut-être le plus terrifiant.

Madonna ! Pour plonger dans les conneries, je crois que je suis le meilleur dans le domaine. J'en tirerai un gros billet avec un peu de chance, histoire de ne pas regretter trop longtemps.

Le vieux m'a dit qu'un certain Link devait récupérer le colis mystère, dans une dizaine de minutes. Qu'est-ce que je fous moi maintenant, avec cette chose qui pourrait me faire risquer la prison ? Et bien, je fais les cent pas, sur le qui-vive. Je m'imagine sur une plage italienne, un whisky glace en main, et quelques nanas avec lesquelles je n'aurais aucune attache et aucun sentiments...juste pour le plaisir.
Cette pensée me fait presque sourire. Mais un vent glacial vient me congeler les membres, et me faire frissonner. Plus que trois minutes. Je sens ma tension augmenter brusquement, et me réchauffer un peu par la même occasion.
À l'angle de la rue, un mec encapuchonné débarque, déterminé. Ce doit être lui, Link. Il a bien la gueule de l'emploi. Pas discret pour un sou. Si j'étais flic, c'est vers ce genre de gars que je m'arrêterai pour contrôler, c'est certain. Mais à l'heure qu'il est, les chats sont couchés, et les souris dansent.

Le type approche, puis retire brusquement sa capuche pour laisser se dévoiler une longue chevelure emmêlée et sale, des yeux enfoncés dans leur orbites et un nez bossu. Il est vraiment laid.

-Où est Tony ? Me questionne-t-il d'un ton abrupte.

Je le fixe, mon regard perçant le sien. C'est bien, il a le regard franc. Il laisse deviner que c'est un habitué de ce genre d'affaires, et qu'il cherche peut-être même à m'impressionner.
Je l'aurais été si je n'étais pas certain de mes capacités physiques. Or, nous savons tous les deux qu'il ne ferait pas le poids. Pas le moins du monde.

-Je suis... Il m'a envoyé. je réponds alors, tout aussi sèchement.

Merde, j'ai failli dire ce mot, mais je ne peux pas me définir ainsi, même pas devant un inconnu.

-Tu dois être son garçon, je t'ai jamais vu avant. Comment tu te retrouves ici à c't'heure là ?

-Tu veux ton paquet, ou je le ramène avec moi ? j'esquive alors, peu envieux d'éterniser la conversation.

-Donne. Ordonne-t-il, moins souriant.

Je lui tends l'objet, et je remarque que mes mains en tremblent, alors je les remets aussi vite dans mes poches. Putain, voilà que le stress me fait trembler, c'est la meilleure !

-À la prochaine mon gars, s'exclame-t-il avec satisfaction.

-Il n'y en aura pas, j'affirme avec détermination. Je ne suis là que pour dépanner.

J'en suis sûr à 98%, du moins. Si les contacts du vieux me filaient des voitures de choix à retaper jusqu'ici, en toute légalité donc, c'est bien la première fois que mon géniteur m'envoit au casse-pipe. Ou plutôt la première fois que j'accepte. Et la dernière, certainement. Je sais, je suis un vrai con parfois.

Néanmoins, il se met à ricaner d'une voix grave, brouillée par la clope ou les joints qu'il doit s'enfiler avec un morceau du paquet.

-Passeur un jour, passeur toujours, mec.

Je ne relève pas, et préfère tourner les talons. Mais à peine ai-je parcouru quelques mètres que le type me hèle.

-Hé ! Dis à ton père, qu'Orso Ricci le remercie chaleureusement.

Charlie : Je t'aimerai pour deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant