Chapitre 24 - Enzo

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J'ai envie de tout arracher sur mon passage. Je contrains mes jambes à avancer alors qu'elles menacent de flancher littéralement. Il ne manquerait plus que je m'écroule, juste devant elle. Je suis complètement hors de moi. Je ne vois presque plus rien de tout ce qui m'entoure, aveuglé par ce sentiment de trop-plein, que je n'arrive pas à comprendre. Ce sentiment qui m'envahit jusqu'à m'en faire perdre le contrôle de ma respiration. Mes poumons semblent sur le point d'exploser.

Je fourre mes doigts tremblants dans mes poches, pour me masquer mon propre désarroi. Plus rien ne subsiste, plus rien n'existe que les battements effrénés de mon cœur poignardé, sanguinolant de tristesse.

Je l'entends encore, cette voix qui me crie de me retourner. « Pourquoi est-ce que tu ne veux pas discuter deux minutes ? J'ai besoin de te parler, j'ai besoin de discuter avec toi ! »

Ces mots passent en boucle dans mon esprit chamboulé. Discuter ? Discuter ! Mais de quoi voulait-elle discuter justement ?! Peut-être du fait qu'elle m'ait lâchement abandonné ?! Ou bien fait qu'elle ait carrément arrêté de répondre à mes messages pour vivre pleinement sa nouvelle vie dans son putain de pays ?! De quoi espérait-elle discuter, sincèrement ?!

Comme si j'allais la prendre dans mes bras et lui dire que j'étais heureux de la retrouver ! Comme si j'allais lui dire qu'elle m'avait manqué ou que je me languissais de la revoir ! Comme si savoir comment elle allait m'importunait, à cet instant !

Comme si encaisser le choc de la revoir en chair et en os n'était pas suffisant, il fallait en plus qu'elle réveille mon impérissable colère ! Celle-là même que j'ai nourri tant de jours, ou chaque minute, à vrai dire, depuis son départ !

Non, je ne sais vraiment pas de quoi aurions-nous pu discuter.

Qu'est-ce qu'elle voulait entendre ? Que j'ai passé des nuits entières à penser à elle, sans pouvoir me relever parce que j'ai tout essayé pour arracher son odeur de ma peau ?!

Comme si tout pouvait être pardonné par une simple discussion. Comme si je pouvais accepter des excuses. Comme si je pouvais lui pardonner d'être partie. Comme si je pouvais éteindre ces putains de braises ravivée par son propre souffle, il n'y a que quelques minutes à peine.

Elle était là, face à moi, et malgré mon dégoût, malgré ma rancœur, malgré ma déception, je n'ai pensé qu'à ses lèvres. Mon propre corps m'a trahi. Ou bien je suis complètement fou ? Se peut-il que j'aime tellement me faire du mal, que la douleur, que j'ai ressenti en la voyant, me rend jouissif à présent ? Comment pouvais-je la trouver belle, alors que tout en moi me hurlait qu'elle était laide ?

Tous mes efforts, tous mes choix, toutes mes addictions, n'ont jamais rien pu apaiser en moi. Ni mon cœur, ni mon esprit, ni même mon âme, ou ce qu'il en reste.

Je ne peux tout simplement pas accepter de la voir débarquer dans ma vie à nouveau. Je ne peux accepter qu'elle détruise le semblant de chantier que j'ai réussi à entreprendre. Elle ne peut revenir saccager ma vie, et chambouler mon monde rebâti sans elle.

Putain ! Je la hais ! Je la hais, je la hais, je la hais !

Rentre-toi ça dans le crâne mon vieux ! Ce soir, elle t'a craché au visage ! Elle est venue te montrer qui elle est devenue, alors que toi t'as pas changé ! Alors que toi, t'es resté le même abruti. Le même idiot qui n'arrivait pas à vivre sans elle.

Toi, t'es resté le même malchanceux que t'étais, t'es resté le même con qu'avant...

La voix de mon géniteur me hurle à l'oreille que je ne suis qu'un putain d'imbécile, un incapable, un lâche, que je ne suis même pas un homme ! Et il a raison. Même sa putain de voix dans ma tête a raison.

Charlie : Je t'aimerai pour deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant