Chapitre 30 - Enzo

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Je souffre. Physiquement, mon corps est amorphe, plongé dans une torpeur agréable. Je ne sens plus rien, ni mes membres, ni mes muscles, ni même la vie qui l'habite. Tout s'efface, plus rien n'existe, que cette douleur à l'intérieur.

Ne subsiste alors que ce qui s'écaille, se brise, s'écrase, se fracasse, de plus en plus douloureusement au fond de ma poitrine.

Je ne me rends même plus compte de ce que je suis. J'ai si mal, que la seule chose à laquelle je pense, c'est en finir maintenant. Laisser mon esprit s'échapper, chercher l'éden qu'il espère tant. 

Quel autre moyen pour soulager un si grand désespoir? Ai-je tout simplement mérité ce qui m'arrive ? L'ai-je provoqué moi-même ? En suis-je l'unique responsable ? 

Évidemment. 

Je pourrai trouver milles excuses pour me dédouaner de ce malheur, pour me soustraire de ces responsabilités. Pourtant, je dois les endosser seul. 

Rien ne sert d'accuser les autres, ni même le monde entier. Parce que, la seule cause de mon chagrin, c'est moi-même. C'est par ma propre volonté, que je reste noyé dans cet océan de tristesse. C'est de mon propre souhait, que je me complais à me morfondre sur cette vie qui m'a été donné. Je ne fais rien pour la changer. Ce sont mes mains qui ferment les rideaux pour ne laisser entrer aucun rayon de soleil. Ces mêmes mains qui ferment cette porte et me coupe au monde extérieur. Mes oreilles qui ne veulent rien entendre lorsque l'espoir y frappe. Mes yeux qui se ferment à toute beauté que le monde peut offrir. 

Je sais que c'est moi, le seul coupable, le seul responsable, le seul acteur, de cette vie là.

Alors, je la regarde. La seule personne qui m'a fait vibrer. La seule personne pour laquelle mon corps frémissait sans même la toucher. La seule personne pour qui mon cœur battait sans la voir. La seule personne, devant laquelle je tremblais à l'idée de la perdre.
C'est elle. Cette voix, ces mains, ces cheveux, ces yeux. Celle, que j'ai tant attendu. Que j'ai tant espéré !
Celle que j'avais laissé entrer dans mon monde, jusqu'au plus profond de mon être. Celle qui m'a volé tout espoir. 

Celle qui m'a brisé le cœur...

-[...]Plus que ma propre vie, Charlie...je soupire, épuisé et honteux. 

C'est donc ça, le prix de l'amour. Nous regarder prendre des chemins différents. Ne rien faire pour l'empêcher. L'accepter pour ne plus en souffrir.

Je suis piégé dans cette longue chute, permanente et brutale. Coincé dans ce perpétuel recommencement. C'est un peu comme mon supplice des deux à moi. On m'abandonne, je tombe, je ne peux jamais voir le sol sous mon corps livré à lui-même, et je ne pourrai jamais avoir d'attache ni même revenir en arrière. 

Mes efforts ont été vains. Mes espoirs envolés. C'est ainsi. Ma vie tout entière est fatalement ainsi. Je n'ai plus envie de lutter contre. Pas plus que d'essayer encore de changer ce destin. Il faut simplement que je passe à autre chose. Jour après jour, laisser les choses telles qu'elles sont, et m'y résigner.

Je suis fatigué, si fatigué...que je ne peux pas tout recommencer une nouvelle fois.

Abattu, ce n'est plus le chaos qui se déchaîne au fond de moi. C'est pire encore. Un vide froid, muet, terrifiant. Le néant absolu.

Ses yeux magnifiques, brillants et lumineux, me fixent avec la même intensité qu'à nos débuts. Je m'y suis égaré tant de fois, dans leur candeur, dans la profondeur de son âme, que je crois m'y être perdu à jamais. 

Pourquoi suis-je aussi naïf ? Comment puis-je encore les chercher, plutôt que de me retrouver loin d'eux? 

Ils ont toujours fait battre mon cœur plus vite. Mais cette fois, même eux ne peuvent combler ce trou dans ma poitrine.

Charlie : Je t'aimerai pour deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant