Chapitre 3 - Charlie

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Deux ans plus tard

Mon corps tout engourdi, je devine mes pensées s'échapper un instant. Sans ne plus savoir où je me trouve, ni ce que je fais, et il est là face à moi.
Il n'a pas changé, il est toujours aussi grand, aussi musclé, aussi séduisant. Il a les mêmes cheveux bruns en bataille et les mêmes yeux d'un bleu grisonnant qui me font fondre. Peut-être que je suis d'humeur nostalgique, ou que revenir me rappelle ce qui j'avais laissé en partant.
L'amour de ma vie, mon âme sœur, ma moitié, je me contrefous de comment je pouvais l'appeler, il n'y a que son prénom qui me donne tant de frissons, et qui me bouffe autant de culpabilité.

Je les vois se matérialiser dans ma tête, ces quatre petites lettres qui me hantent depuis deux ans. 

L'heure est venue. La réalité me rattrape. Quelques secousses plus tard et l'avion atterrit enfin. Je suis si stressée, que mes mains sont moites et que mon corps semble vouloir me lâcher à tout moment.
Je descends les marches de l'escalier me menant sur la terre que j'ai quitté deux années auparavant. Tout ce que j'avais laissé en arrière, me reviendra en pleine face aujourd'hui. Je sens que mon retour va être... Décisif.
Je marche telle une condamnée dans le couloir qui me mènera tout droit dans l'aéroport, où mon père doit m'attendre impatiemment depuis une heure quand bien même si j'avais insisté sur le retard qu'avait eu mon vol.

La foule qui m'entoure me désoriente, je ne sais pas si je crains plus les retrouvailles avec les personnes qui m'ont tant manqué durant tout ce temps, ou si je crains mes propres réactions.
Ces deux années d'exil, ou plutôt de ressources, me laissent un goût amer dans la bouche. Mon pays natal m'avait manqué atrocement, et j'ai pu y retrouver mes grands-parents, ma tante et son gamin si adorable, j'ai également revu des amis d'enfance qui n'arrêtaient pas de m'appeler l'Américaine (alors que je détestais ça), et puis il y avait ces paysages... Ces arbres, ces odeurs, ces rues, ces gens, ces plages et ces calanques... Autant de choses qui me semblaient oublier et que j'ai pris goût à redécouvrir passionnément. 

Et puis enfin, après cinq longs mois d'hésitation, je suis retournée en ce lieu que mon cerveau avait fait exprès d'oublier. Un endroit terne, triste, déprimant. Mais un endroit où elle était. Où enfin, je la retrouvais physiquement si je puis dire. La tombe de ma mère était intacte et toujours aussi bien entretenue. Elle avait la chance d'avoir été constamment garnie de fleurs régulièrement changées, ma grand-mère détestant voir les fleurs faner au-dessus d'elle. Si elle n'était pas son enfant de sang, elle l'était de cœur en tout cas.
J'ai des bouffées de chaleur rien qu'en repensant à ce jour, alors je fais dériver mes pensées vers la seule chose qui m'intéresse vraiment. Et voilà que son visage est devant moi, illuminé de bonheur et de tendresse. Quel putain d'utopie que de croire qu'il m'accueillerait comme ça, les bras ouverts et la bouche en cœur. Car si l'amour est toujours présent au fond de nous, la distance brise même les plus tenaces. Et j'imagine qu'en deux ans, il a dû en vivre des belles histoires. Car la nôtre était loin d'être un conte de fées si on en croit sa fin. Rencontrer des filles gentilles, adorables, lambdas, généreuses et aimantes, a dû le changer de moi.
Peut-être même qu'il est en paix avec lui-même à l'heure qu'il est. Probablement, que je ne le saurais jamais, il doit me haïr et il aurait toutes les raisons de le faire. Je suis encore une vraie garce. 

Tout plaquer pour rentrer en France a été la meilleure décision que j'aurais pu prendre à ce moment-là de ma vie. Je ne regrette pas le choix que j'ai fait. Bon, je regrette qu'il ne soit pas venu avec moi, mais si j'avais besoin de retourner à mes sources pour essayer de me retrouver, les siennes se trouvaient sur ces terres et non les miennes. Alors je ne peux pas lui en vouloir d'avoir pris peur et de s'être éloigné.
Je respire un bon coup avant de tourner au virage, prête à voir mon père fondre en larmes pour mon retour.
Mais c'est moi qui aie les yeux embués d'eau lorsque je les aperçois.
Ils sont tous présents. Alec, Rilee, Amanda, Thomas, Peter, Emily, Alice, James et enfin Jenny et mon père. 

Charlie : Je t'aimerai pour deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant