Chapitre 18 - Enzo

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Dans l'obscurité, je distingue les phares éclairés d'une Honda CR-V blanche, que je reconnais comme la voiture de James. Il n'y a que lui pour acheter une caisse aussi tape-à-l'œil, sans rien connaître du putain de défaut de fiabilité du modèle, que je croise tous les jours au garage.

Adossés au capot de la voiture, Peter et deux autres mecs que je ne connais pas l'accompagne, des bouteilles de bières en main.

-Putain les mecs ! Enfin ! se réjouit Peter en nous tendant de quoi nous rafraîchir, nous aussi.

-C'est qui, ceux-là ? je lui demande de but en blanc, en montrant d'un coup de menton les deux étrangers, alors qu'Alec les jauge des yeux par-dessus l'épaule de Peter.

Je décapsule ma bouteille, avant de passer mon briquet à Alec pour qu'il décapsule la sienne. Puis, nous trinquons ensemble, avant d'avaler une longue gorgée.

-Des potes de fac, ils sont géniaux. Je vous le jure, il n'y a pas plus marrants qu'eux. Répond-il en les matant discuter avec James.

J'en doute, il en faut si peu pour être drôle à ses yeux que j'émets quelques réserves avant même d'avoir discuté avec eux. Nous les rejoignons donc pour nous présenter, histoire de jauger ne serait-ce que leur intelligence.

-Enzo. Dis-je simplement, en leur serrant la main l'un après l'autre.

Ils n'ont pas une poigne de fer, mais leurs gueules enjouées me laissent penser qu'ils doivent être de sacrés clowns. Ils n'ont pas l'air bien méchants, c'est vrai. Sûrement que des fils à papa qui peuvent se permettre d'être ce qu'ils veulent.

Mais après quelques minutes à converser avec l'un d'eux, je comprends que je me trompe lourdement.

Andres, le plus costaud des deux boute-en-train, m'explique qu'il a emménagé dans cette ville cinq ans auparavant, vivant ainsi loin de sa famille et de ses amis pour tenter de se construire une nouvelle vie. J'aurais dû m'en douter. Seulement, en étant entouré par les ténèbres, et aveuglé par la luminosité éblouissante des phares, j'ai eu du mal à distinguer ses traits de prime abord. Notamment sa peau plus mate et ses yeux quasiment noirs qui me confirment que c'est un immigré au même titre que moi. Apres quelques minutes à converser de banalités, je peux déjà cerner à qui j'ai affaire face à moi. Ce type-là me plaît. Il ne se plaint de rien et paraît être un dur à cuire, blindé derrière sa carrure imposante, tout en gardant une gaieté agréable.

Le second en revanche, William, est exactement celui auquel je m'attendais. Un mec aisé, aux traits plus fins et au teint plus blafard, un caractère enjoué et sociable, et des blagues plus équivoques, laissant penser qu'il a baigné toute sa vie dans un univers plus polissé.

Finalement, je ne vois pas défiler le temps, enchaînant de concert les bières, et une bouteille de vodka rapportée par Will. Je peux même dire que je m'amuse plutôt bien. La dynamique de ce petit comité me plaît, et il n'y aucune prise de tête. Un plaisir doublement satisfait par l'absence de Thomas.

-Alors les mecs, qu'est-ce qu'on fait ? On bouge ? s'enquiert Peter, si excité qu'il ne tient plus en place.

James approuve d'un mouvement rythmé de la tête, et Andres et William, partants également, acquiescent à leur tour.

Je jette alors un regard à la dérobée vers Alec, qui me hausse les épaules comme pour me dire qu'il n'en a rien à foutre, avant qu'il ne fronce les sourcils en jetant un coup de menton en avant pour me demander silencieusement si je suis tenté par la proposition. À ce stade, mon corps réchauffé et mon esprit aussi léger qu'une plume sont des arguments pour me convaincre de poursuivre la nuit avec eux. Après tout, je me dois de profiter de ce moment de répit procuré par l'éthanol circulant jusque dans mes veines, et de cette paix éphémère qu'il m'offre gracieusement.

Charlie : Je t'aimerai pour deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant